L’économie de la culture et de la création à la loupe
L’économie de la culture et de la création se porte plutôt bien en termes de revenus et d’emplois. Mais elle reste fragilisée par la baisse des engagements de l’Etat et des collectivités territoriales, selon une récente étude de EY et de France Créative.
La seconde édition du “Panorama de la culture et de la création, en France”, réalisé par France Créative, qui regoupe les représentants de ces industries, et le cabinet d’audit et de conseil EY (Ernst&Young) montre l’apport des dix secteurs culturels et créatifs, en France (arts visuels, musique, spectacle vivant, cinéma, télévision, radio, jeu vidéo, livre, presse, publicité et communication) à la croissance économique et à la création d’emplois. En 2013, ils ont contribué à 83,6 milliards d’euros de revenus dont 72,7 milliards de revenus directs et 1,3 million d’emplois. Entre 2011 et 2013, l’économie culturelle a vu ses revenus progresser de 1,2 %, soit une croissance légèrement supérieure à celle de l’économie française, avec une hausse du PIB de 0,9 %, sur la même période. De même, le secteur enregistre une augmentation des emplois directs de +1,5 %, contre seulement +0,2 %, en moyenne nationale. Cette bonne santé économique s’explique, selon l’étude, notamment par l’appétence des Français pour la culture, plus particulièrement pour le spectacle vivant (tirée par l’économie festivalière), les livres et l’audiovisuel, et par un bon maintien des exportations de biens culturels (2,7 milliards d’euros, en 2013). “Nos créateurs, producteurs, techniciens et entrepreneurs rayonnent à l’international et sont autant d’ambassadeurs de l’attractivité de la France”, souligne Marc Lhermitte, associé EY et auteur de l’étude. Les industries culturelles et créatives (ICC) participent ainsi à l’évolution du tourisme.
Cependant, le reflux du soutien public aux ICC risque, à terme, d’influer sur la place de la culture dans les territoires. Pour 2012, le total des concours financiers de l’Etat est estimé à 13,9 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 7,5 milliards d’euros des collectivités territoriales. Des dépenses dynamiques, entre 2010 et 2012 (+7,8%), note l’étude, mais “en forte régression pour la première fois en trente ans, en 2013 et 2014”. 58% des dépenses des collectivités sont consacrées au soutien à l’art et aux activités culturelles, dont 85 % en dépenses de fonctionnement pour les théâtres, salles de spectacles… “L’impact déstabilisateur de cette régression des dépenses des collectivités s’accompagne d’une baisse tendancielle conséquente des dépenses culturelles de l’Etat : de 4%, entre 2012 et 2013”, alerte le panorama. Et pour France Créative “la culture et la création sont une chance pour notre pays, pour tous les pays. Cette étude illustre la nécessité de soutenir nos secteurs pour confirmer et développer leur potentiel social et économique”.
Des dynamiques économiques disparates
L’étude discerne quatre grandes tendances. Une nette croissance, en termes de revenus directs, pour les arts visuels (+8 %), le spectacle vivant (+3 %), la musique (+ 3 %) ; la stagnation de secteurs en transition, comme la radio (0 %) et la publicité (+1%) et la chute libre de secteurs frappés par la réduction des revenus publicitaires (-17 % pour la presse, par exemple) ou dont les modes de consommation évoluent : cinéma (-9 %), livre (-3 %), presse (-6 %), télévision (-4 %). La croissance de secteur du jeu vidéo (+6,6 %) est, quant à elle, tirée par l’ascendance de marchés connexes, qui bénéficient du renouvellement de génération des consoles, et le développement des jeux sur mobiles (smartphones et tablettes), ce malgré une baisse des revenus directs (-6 %). Quant au numérique, la multiplication des acteurs dans divers domaines (Amazon, Deezer, Netflix…) et des offres, donnant accès à des tarifs attractifs, ne compense pas la perte des revenus liés aux circuits traditionnels, selon l’étude. L’augmentation des ventes et recettes numériques (e-books, streaming, téléchargements, recettes publicitaires en ligne, VoD), estimée à 214 millions d’euros entre 2011 et 2013, marque un déficit important avec les 716 millions d’euros de pertes enregistrées pour les ventes de Cds (-11%), DVDs (-26%), livres papier et journaux et magazines, des secteurs de la musique, de la presse, de l’audiovisuel et du livre, relève l’étude.
De la résilience malgré les nombreuses crises de l’emploi
En 2013, les arts visuels, la publicité et la télévision représentaient 59% du total des industries culturelles et créatives, avec près de 50 milliards d’euros de revenus. Les secteurs arts visuels, musique et spectacle vivant sont les trois principaux employeurs de l’économie culturelle : ils représentent 64% du total des effectifs (1,3 million de personnes).
Autre évolution
favorable, on assiste à une hausse des emplois culturels directs entre 2011 et 2013 (+ 1,5) dont les effectifs ont fait un bond de 50% (contre 16% pour l’ensemble des professions), durant les vingt dernières années, entre 1991 et 2011. Par ailleurs, la baisse des revenus et des emplois connexes, due à une production d’équipements électroniques majoritairement hors de France, ne s’est pas traduit par une perte significative d’emplois.
L’étude souligne enfin que l’enjeu principal reste la répartition de la valeur entre acteurs traditionnels, producteurs de contenus créatifs et médias numériques. Sur les 982 métiers recensés dans cette industrie, plus de 52% viennent de la création, 28% de la diffusion et 20% de la production.
Un fonds d’aide aux salles de spectacles
Outre la baisse des crédits qui lui sont alloués, le secteur redoute aussi l’impact des attentats du 13 novembre dernier. L’Assemblée nationale a validé, début décembre, la proposition du gouvernement de création d’un fonds destiné à aider les entreprises du spectacle vivant, confrontées, après les attentats, aux annulations, à la baisse de fréquentation et à la hausse de leurs dépenses de sécurité. Ce fonds, créé pour une durée de trois ans et doté initialement de 4,5 millions d’euros, doit être, pour partie, financé via la taxe sur les spectacles de variétés et pourra être alimenté par des contributions publiques et privées.