L’auto-entreprenariat se défend

Près de deux ans après son lancement, le régime de l’auto-entreprenariat fait toujours débat. Ce fut le cas lors d’un colloque à l’Assemblée nationale, le 18 janvier dernier. La Fédération des auto-entrepreneurs (FEDAE) et le Mouvement des auto-entrepreneurs de France (MAEF) étaient venus présenter le livre blanc de l’auto-entreprenariat, un régime qu’ils estiment menacé. Apparemment réussite “populaire”, il reste néanmoins une source de précarisation pour des salariés en mal d’entreprendre.

Un premier livre blanc sur l’auto-entreprenariat a été présenté en janvier à l’Assemblée nationale.
Un premier livre blanc sur l’auto-entreprenariat a été présenté en janvier à l’Assemblée nationale.

 

Un premier livre blanc sur l’auto-entreprenariat a été présenté en janvier à l’Assemblée nationale.

Un premier livre blanc sur l’auto-entreprenariat a été présenté en janvier à l’Assemblée nationale.

Sans ambiguïté, les rédacteurs de ce livre blanc prennent la défense de la loi instituant l’autoentreprenariat qui serait en danger : “Pourquoi veulent-ils l’enterrer ?” annonce le titre. Maniant l’humour – les autoentrepreneurs sont des voleurs –, ils dénoncent les parlementaires qui avaient voulu détricoter la loi sur l’auto-entreprise. Près d’un million d’auto-entrepreneurs en France, près de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires généré et près de 600 millions d’euros de recettes fiscales : “une véritable aubaine”, soulignent Cyrille Darrigade, président du MAEF, et Grégoire Leclercq, président de la FEDAE. “Ce livre blanc en est le résultat. Il se veut l’écho de notre indignation face aux tentatives de sabordage de ce régime mais se veut surtout l’expression des possibles à imaginer et à concrétiser tout de suite et pour le futur”, écrivent les auteurs de ce petit rapport de 20 pages, histoire de remettre quelques pendules à l’heure.

Appoint ou précarisation ? L’auto-entreprenariat n’est pas un statut mais un régime où les avantages, ressassés par les relais d’opinion, sont les suivants : formalités de création allégées, régime social simplifié, exonération temporaire de la contribution territoriale des entreprises, régime fiscal simplifié et non-assujettissement à la TVA. Moins de paperasserie pour les chefs d’entreprise : qui ne serait pas séduit ?! Pour autant, la formule est trompeuse car l’exonération de la CTE existe aussi pour toutes les entreprises qui réalisent moins de 250 000 euros de chiffre d’affaires. De plus, l’absence de TVA n’est pas toujours un avantage : sur tous les achats, pas de récupération de la TVA. Le volume d’affaires n’est pas neutre : l’auto-entrepreneur ne peut facturer annuellement plus de 81 500 euros dans les secteurs de ventes de marchandises, d’objets, d’aliments à emporter ou à consommer sur place, ou de fourniture de logement. Une fois payées les charges sociales et patronales, les achats de marchandises et les frais variables, que reste-t-il vraiment dans l’escarcelle de l’auto-entrepreneur ? Pour les activités de services, c’est quasiment l’indigence : l’auto-entrepreneur ne peut facturer plus de 32 600 euros. Même conclusion dans le secteur des biens… Les rédacteurs du livre blanc le reconnaissent : “Pour éviter la précarisation et un revenu trop faible pour vivre, les auto-entrepreneurs ont besoin de plafonds pour le chiffre d’affaires qui évoluent.” Ainsi, 75% des autoentrepreneurs ont un chiffre d’affaires inférieur à 3 000 euros par an.
L’auto-entrepreneur n’a pas obligation d’avoir un expert-comptable. Simplicité ? Mais le conseil et le contrôle de gestion ne sont pas là pour alourdir l’activité. Pas de chiffre d’affaires, pas de charges ? C’était le principe même de la loi mais ce n’est plus tout à fait vrai : dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale entré en vigueur le 1er janvier dernier, la déclaration des recettes des auto-entrepreneurs est obligatoire même si elles sont nulles. L’Urssaf contrôle de près ces entreprises dont la moitié ne déclare pas de recettes et si les déclarations (même nulles) ne sont pas faites, les majorations et les pénalités tomberont sur les négligents. Mieux, si deux années s’écoulent sans recettes, le régime de l’auto-entreprenariat cesse et le chef d’entreprise bascule automatiquement dans le statut de l’entreprise traditionnelle qui, elle, verse des cotisations qu’il y ait ou non chiffre d’affaires. Autre charge : la contribution foncière des entreprises désormais due par les auto-entrepreneurs.

Propositions du livre blanc. Les promoteurs du livre blanc ont fait des propositions pour aller plus loin dans la pérennité de ce régime et ont réalisé une synthèse de mesures. Le régime de l’auto-entreprenariat doit ainsi s’adapter et éviter de tomber dans les pièges administratifs communs aux autres entreprises. Le livre blanc propose d’abord d’augmenter les plafonds de chiffre d’affaires pour élargir l’assiette des futurs auto-entrepreneurs. La simplification du cumul pour les fonctionnaires est le second point important. Puis l’élargissement aux militaires de carrière, aux professions agricoles. Côté taxes, le livre blanc donne un taux fixe pour la cotisation foncière des entreprises (1,8% du chiffre d’affaire). La création d’un fonds de formation sera utile, tout comme les regroupements, les parrainages, l’inscription dans l’espace urbain sensible et la réflexion sur une application européenne. Ce qu’on peut lire à travers ces propositions, c’est la volonté d’irriguer les entreprises qui animent la fédération et le mouvement des auto-entrepreneurs. Reste qu’il faut prendre garde et ne considérer le régime que comme une source de revenus d’appoint.

Les fonctionnaires en pointe. Les rédacteurs du livre blanc aiment à mettre les pieds dans le plat. L’auto-entreprenariat serait-il par exemple un régime qui convient aux fonctionnaires ? Un rapport de la commission de déontologie de la fonction publique témoigne : “2 500 agents ont sollicité cette possibilité en 2010, soit une hausse de plus de 60% sur un an. Plus des deux tiers correspondaient à des demandes de cumul d’activité.” Un décret de janvier 2011 est même venu amplifier ce mouvement en encadrant les activités annexes des fonctionnaires qui sont aujourd’hui 36 000 auto entrepreneurs. Ceux-ci choisissent le commerce (notamment l’hôtellerie et la restauration), l’activité du bien-être, le secteur juridique et les TIC. Les agents du ministère de l’Education (29,5 %) sont les premiers demandeurs, suivis de ceux des Finances (21,6%) et de l’Intérieur (15,2%). Mais les fonctionnaires ne peuvent enchaîner que quatre années de suite le régime de l’auto-entreprenariat? Dans une France où l’économie publique pèse encore près de la moitié du PIB, l’Etat favorisera-t-il la mixité ?