Défaillances d’entreprises
L’amorce d’un retour à la normale, avec la fin progressive des aides
La dernière édition du Baromètre national des entreprises du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce vient confirmer la tendance observée au premier semestre en France, à savoir un ralentissement de la création d’entreprises et une forte hausse des procédures collectives. Cette dernière reste toutefois en deçà de ses niveaux pré-Covid.
«Les tendances négatives observées au cours du premier semestre se confirment à l’issue de l’été et de la rentrée de septembre-octobre » et « les deux derniers mois de l’année seront décisifs pour dresser un panorama exhaustif des dynamiques à l’œuvre pour les créateurs et les dirigeants d’entreprises», relève le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), Thomas Denfer, dans un communiqué publié mi-novembre avec la nouvelle édition du Baromètre national des entreprises, réalisé par l’institut d’études Xerfi, qui analyse l’évolution des données du registre du commerce et des sociétés (RCS) sur la période de juillet à octobre 2022.
Des tendances qui annoncent une forme de retour à la normale
Après la forte poussée entrepreneuriale observée en 2021, les premiers signes de tension observés sur ce marché depuis début 2022 s’accentuent avec la levée progressive des aides gouvernementales, le retour de l’inflation, la baisse de la consommation et les tensions géopolitiques actuelles. Les données collectées par les greffes des tribunaux de commerce attestent d’un net ralentissement de la création d’entreprise et d’une forte hausse des procédures collectives depuis le début de l’année.
Entre juillet et octobre 2022, le nombre de créations d’entreprises (169 278) a enregistré une baisse de 5% par rapport à la même époque l’an passé, le nombre d’ouvertures de procédures collectives a augmenté de 66% sur un an et celui des ouvertures de liquidations judiciaires a enregistré une hausse de 64%, sur la même période. Mais en dépit de ce revirement de tendances, le nombre des entreprises en difficulté reste inférieur à ses niveaux d’avant-Covid.
Les gagnants de la crise sanitaire, premières victimes de l’après-crise
Premier constat tiré de ce baromètre : «les entreprises portées par les opportunités nées de la crise sanitaire et protégées par les aides gouvernementales sont les premières victimes de l’inversion des courbes». Sont ainsi touchées en premier lieu, celles «ayant bénéficié du dynamisme et de la reprise enregistrée en parallèle de la crise sanitaire, tout comme celles qui souffrent de l’arrêt des dispositifs de soutien gouvernementaux».
Ainsi, les entreprises du secteur de l’hébergement-restauration, qui ont été très soutenues par les dispositifs publics, voient aujourd’hui leurs difficultés «exploser» : le nombre de procédures collectives ouvertes dans ce secteur a augmenté de 124% sur la période. De même, les secteurs de la livraison à domicile et du e-commerce, qui ont énormément prospéré pendant la crise sanitaire, sont surreprésentés dans les radiations d’entreprises : «près d’une entreprise sur deux créées dans le secteur de la livraison à domicile depuis 2020 a été radiée sur la période, et près de 63% dans le secteur de la vente à distance».
En parallèle, la restauration (rapide et traditionnelle) et le commerce de proximité (habillement, boulangerie-pâtisserie, débit de boissons) restent les premières victimes de la fin du «quoi-qu’il-en-coûte» : «les liquidations judiciaires sont plus que multipliées par deux dans ces secteurs au cours des quatre derniers mois, comparativement à 2021».
Le nombre des entreprises en difficulté toutefois moindre qu’avant la crise
Avec un peu plus de 12 000 procédures collectives ouvertes sur entre juillet et octobre, le retournement de tendance est très net, après les niveaux historiquement bas enregistrés pendant la crise. Mais, en dépit de cette forte hausse, le nombre des entreprises en difficulté reste inférieur à ceux atteints avant la crise. Et en parallèle, les radiations d’entreprises, qui avaient fortement augmenté au cours du premier semestre, semblent désormais se stabiliser. Une situation qui, selon le CNGTC, tend à éloigner à nouveau le spectre tant redouté du « mur des faillites ».
Des disparités régionales
Toutes les régions ne sont pas concernées dans les mêmes proportions par la reprise des ouvertures de procédures collectives. L’Île-de-France et surtout PACA sont celles les moins touchées, avec des hausses, de juillet à octobre 2022, en deçà la moyenne nationale (+53% et +34% vs. la même période de 2021). La même tendance est observée pour la Bourgogne-Franche-Comté (+56%) et la Nouvelle Aquitaine (+58%), alors que la Bretagne (+81%), l’Occitanie (+87%), l’Auvergne-Rhône-Alpes (+90%) voient le nombre d’entreprises en difficulté bondir plus sévèrement que dans les autres régions, avec des pics dans les Hauts de France (+110 %), et plus encore en Corse (+131%).