Lecture
Jean-Marc Fournier, ancien producteur de lait, se raconte dans un livre
Retraité depuis quatre ans, Jean-Marc Fournier se raconte sans filtre dans Résilience d’un éleveur. Loin du pathos, il narre son histoire pas toujours simple de « producteur de lait dans le Vimeu et fier de l’être » à Béthencourt-sur-Mer, dans la Somme.
Au terme de quarante ans de carrière, Jean-Marc Fournier, 64 ans, a cédé en 2019 sa ferme de près de 160 hectares et de 140 vaches laitières à son fils Jean-Michel. Difficile toutefois pour lui de laisser derrière une vie dédiée à l’élevage de vaches laitières de race Prim’hostein. Durant deux ans, il s’est attelé à écrire son parcours professionnel. Il vient d’être publié à compte d’auteur (avec l’aide de la coopérative Lact’Union et du Crédit mutuel Nord Europe) aux Éditions Jets d’encre basées à Saint-Maur-des-Faussés.
« Mon expérience peut être profitable à d’autres »
Entre problèmes structurels, conjoncturels et de santé, sa carrière n’a pas été un long fleuve tranquille. « Ce sont des choses qui arrivent », commente-t-il-simplement. Au travers de son livre, Résilience d’un éleveur producteur de lait dans le Vimeu et fier de l’être, il démontre combien sa passion pour son métier est intacte. « J’ai rejoint l’exploitation familiale à 16 ans, je n’aimais pas l’école, se souvient-t-il. Dans mon récit, je n’ai rien caché car mon expérience peut être profitable à d’autres. C’est une satisfaction personnelle. Je me sens heureux d’être allé au bout de mon projet. »
Soucieux du mal-être d’autres agriculteurs, il évoque le film Au nom de la terre, qui l’a beaucoup ému et poussé à prendre la plume. Jean-Marc Fournier affirme que, face à la difficulté, les agriculteurs ne doivent pas hésiter se faire aider. « Bien souvent, c’est la détresse qui les gouverne, poursuit-il dans son livre. Dans ces cas là, un simple pansement ne suffit pas, il faut au contraire utiliser tous les moyens humains qui peuvent être mis à nos disposition par la profession. Il n’y a pas de honte à dire ses difficultés, et même si nous nous engageons dans un chemin de vie professionnel semé d’embûches, celui ci n’est pas obligatoirement orienté vers une voie sans issue. »
Il a aussi l’ambition de changer un peu les regards trop négatifs sur ces métiers. « J’estime que pour ne pas se mettre dans des situations difficiles, il faut se donner des ambitions atteignables, ne pas vouloir faire comme le voisin, ne pas vouloir acheter plus de matériel que l’on a besoin. Pour ma part, j’avais décidé de déléguer la culture des plaines. Mon fils continue de faire de même. En tant que professionnels, nous sommes bien entourés. Il est important d’écouter ces conseils là, d’avoir des avis extérieurs sur notre façon de travailler et de choisir les bonnes personnes. »
Jean-Marc Fournier n’a jamais hésité à sortir de sa ferme pour prendre d’autres fonctions comme administrateur au contrôle laitier ou à la coopération Lact’Union durant 30 ans. Une manière d’ouvrir son esprit et de rompre la solitude. Celui qui est toujours administrateur-président du Crédit mutuel du Nord à Friville-Escarbotin n’hésite pas à tacler le monde agricole si impitoyable. « J’étais capable de toucher à tout et de me débrouiller, à la manière d’un véritable MacGyver. Beaucoup me regardaient en fronçant les sourcils, se demandant très certainement ce que j’allais bien pouvoir faire sur cette petite exploitation avec mon père », écrit-il.
Le travail des plaines délégué, il a pu se concentrer sur l’élevage, passion héritée de son grand-père, afin de développer la production laitière tout en s’engageant dans la charte des bonnes pratiques de l’élevage, au début des années 2000 pour devenir une des 40 fermes françaises entrant dans le projet Eurodairy en 2017. Soutenu financièrement par le Conseil régional, ce dernier permet des rencontres avec des producteurs laitiers d’autres pays. Membre fondateur et administrateur du service de remplacement dans le Vimeu, il a pu dès les années 1980 profiter de vacances en famille toujours sous le regard inquisiteur de ses voisins.
Fait chevalier dans l’ordre du Mérite agricole par le ministre de l’Agriculture, en octobre dernier, il évoque avec respect Colette, son épouse, conjointe collaboratrice, qui l’a épaulé tout en lui apportant une vie de famille équilibrée avant de prendre un poste d’administratrice à la Mutualité sociale agricole. En 1986, pour faire face à l’instauration de quotas laitiers, le couple avait mis au point un service de vente au détail de lait, neufs, volailles, fruits et légumes. Une aventure qui a duré dix ans jusqu’à l’opportunité d'augmenter son quota de lait. Un témoignage vibrant à lire.