Jean-Louis Louvel, "Entrepreneur autodidacte de l'année 2013"
Ce 19 décembre 2013, à Lille, Jean-Louis Louvel a été sacré "Entrepreneur autodidacte de l'année 2013" pour la région Nord-Pas-de-Calais/Picardie. Le président fondateur de Palettes gestion services l'a emporté face à Alain Muys et Xavier Vandenbulcke (voir notre édition n°8612 du 13 décembre 2013). Retour sur une réussite qui ne doit rien aux diplômes.
La Gazette. Etes-vous un réel autodidacte ?
Jean-Louis Louvel. Si je reprends mon histoire, j’ai vraiment arrêté l’école à 16 ans pile, qui était l’âge légal de la fin de la scolarité obligatoire. J’étais le cinquième enfant de la famille et mon père m’a toujours dit que l’école, ça ne servait à rien. Je l’ai écouté, je n’ai rien fait. Même le BEPC, ils n’ont pas voulu me le donner !
Comment s’est passée votre création d’entreprise ?
La palette, c’est deux métiers : la fabrication qui est du domaine de l’industriel, et la réparation ou reconditionnement qui est du domaine du savoir-faire. L’occasion m’allait bien parce qu’en plus de ne pas avoir de diplômes, d’expérience, je n’avais pas d’argent non plus. Nous avons littéralement «ramé» pour trouver les 50 000 francs de l’époque, nécessaires pour créer la société. Vous prêter de l’argent dans ces conditions, ce n’est pas le plus simple !
Comment expliquez-vous votre réussite ?
Ma passion dans la vie, c’est de toujours entreprendre, conjugué à une soif d’apprendre. En 20 ans, je n’ai pas suivi une seule journée de formation mais je me forme moi-même en écoutant mes conseillers et mes collaborateurs. Je me fais ainsi ma propre opinion. Je marche aussi beaucoup avec ma propre intuition et cela me réussit.
Chez moi, le social, c’est très important. Je reste accessible pour tous mes collaborateurs. Je sais aussi d’où je viens, j’ai même plaisir à me le rappeler souvent pour bien conserver nos valeurs, et ce que mes collaborateurs font, ils savent que je l’ai fait et que je sais combien c’est difficile… Je suis fier de n’avoir jamais imposé de mutations, d’heures supplémentaires. Je ne cherche que des volontaires. Plus mes collaborateurs sont motivés, meilleures sont la productivité et l’ambiance, moins vous avez de turn-over. Quand je fais une opération de croissance externe, à l’inverse du banquier qui regarde le bilan, moi je regarde en premier la structure humaine, les mentalités, la culture sociale. Si elles sont identiques aux nôtres ou proches, ça va marcher. Toutes nos opérations de croissance externe ont réussi parce qu’il n’y a pas eu de choc de cultures.
Ce qui m’a peut-être aidé, c’est de ne pas avoir de formation, donc pas de formatage. Pas de formation, pas d’argent : il faut redoubler d’ingéniosité. Ma valeur ajoutée, c’est l’optimisation des ressources humaines.
Que conseilleriez-vous à des jeunes ?
Il faut écouter. C’est vous qui déciderez à la fin. Souvent on vous dira : ce n’est pas ce qu’il faut faire, votre projet, je ne le sens pas. Le nombre de fois où l’on m’a dit (les concurrents, les banquiers) qu’il n’y a rien à faire dans la palette… Heureusement que je ne les ai pas écoutés ! Mon conseil est de les écouter quand même. En revanche, s’ils y croient, il faut qu’ils y aillent. Un des problèmes en France est que sous prétexte qu’on ne rentre pas dans des cases, il ne faut pas faire. Il y a plein de projets en train de mourir alors qu’ils ne sont même pas nés !
Finalement, faire ou ne pas faire d’études ?
Si ce sont mes enfants qui me posent la question, je dirais de ne pas faire comme moi. Certes, ce ne sont pas les études qui font l’expérience et la compétence. Elles vous apportent une base, une culture. Si vous n’en suivez pas, trouver le déclic est certainement plus difficile. Aujourd’hui, je préfère quelqu’un sans diplôme mais compétent à quelqu’un qui a des diplômes mais pas de motivation. Si vous avez déjà une bonne formation, vous pouvez aller encore plus vite. Si j’avais travaillé à l’école, j’aurais certainement pu construire encore plus et plus vite. Le monde a changé. Un exemple : l’apprentissage de l’anglais. J’en baragouine quelques mots. Si j’ai besoin d’une formation, c’est bien de celle-ci pour aller à l’international. Sinon, je vais avoir un sérieux problème personnel, même si, bien évidemment, j’ai su m’entourer de collaborateurs qui pallient tous les jours mes lacunes !