«Je suis à l’écoute, tout en sachant taper du poing sur la table»
Caroline Poissonnier a intégré le groupe Baudelet Environnement dès 2008, mais ce n’est qu’en janvier 2018 que la jeune femme a pris, avec son frère Jean-Baptiste, les rênes de l’entreprise familiale. Moins d’un an plus tard, cette chef d’entreprise énergique fait déjà son entrée dans le classement du Women Equity, qui présente le palmarès annuel des 50 meilleures performances nationales parmi un index de 40 000 entreprises dirigées ou codirigées par des femmes.
La Gazette : Comment êtes-vous devenue codirigeante de l’entreprise familiale ?
Caroline Poissonnier : J’ai un parcours assez classique, Bac ES, prépa HEC, école de commerce avec un parcours RH et deux ans d’activité professionnelle en ressources humaines, avant d’intégrer l’entreprise. Je suis arrivée ici en 2008, en intégrant d’abord le service communication pendant quatre ans, avant de prendre la partie RH. Parallèlement, j’ai fait un complément de formation en finances, puis je suis passée directrice générale adjointe, puis directrice générale avec mon frère Jean-Baptiste, puisque nous sommes tous les deux à la tête de l’entreprise, j’insiste bien là-dessus.
Quand vous avez attaqué
vos études, étiez-vous conditionnée pour reprendre l’entreprise familiale ?
Pas du tout ! Au départ, je voulais être avocate ! Finalement, j’ai accroché avec le côté éclectique et pluridisciplinaire des enseignements suivis en école de commerce et dès la fin de mes études, j’ai démarré dans la vie active. En fait, en 2008, mes parents ont eu un besoin, et m’ont demandé s’ils pourvoyaient ce poste ou si je les rejoignais. A ce moment-là, j’étais chargée RH chez Experian Cheetahmail, avec un CDI en perspective.
Qu’est-ce qui a fait que
vous avez accepté leur proposition ?
Il s’agissait de remplacer quelqu’un qui partait en retraite et qui occupait un poste qui pouvait correspondre à mes attentes. J’ai beaucoup réfléchi, contrairement à mon frère qui a toujours voulu venir ici. Lui, c’était tout tracé dans sa tête, pas dans la mienne. Nos parents ont toujours été clairs par rapport à ça : “Si vous venez, disaient-ils, il vous faudra un bagage. Vous ne viendrez pas parce que vous travaillez mal à l’école et que vous ne trouvez pas de poste. Faites vos preuves !’“
Du coup, le choix s’est-il fait facilement ?
Assez facilement, parce que je suis quelqu’un de posé. Je me suis dit que si je démarrais une carrière chez Experian, j’aurais ensuite du mal à tout quitter pour aller travailler avec mes parents. Donc, j’ai préféré démarrer une aventure ici pour voir si ça me plaisait. C’est quand même un environnement très masculin, pas sexy de prime à bord, et le traitement du déchet, ça ne fait pas forcément rêver. Du coup, j’ai voulu y aller pour ne pas avoir de regrets. Puis, ça s’est extrêmement bien passé…
De quelle manière
avez-vous pris vos marques ?
Avec beaucoup de communication, d’échanges et d’humilité. Dans mon esprit, j’avais beaucoup de choses à prouver. Je voulais montrer que je n’étais pas la “fille de”, et il fallait que je me fasse un prénom. Après quatre ans à la communication, je suis arrivée aux ressources humaines qui sont mon cœur de métier et ma sensibilité. Ici, je suis vraiment partie d’une page blanche : j’ai créé le logo, la stratégie de marque avec une seule identité visuelle pour toutes les sociétés du groupe. On a lancé un site internet, on a fait des plaquettes, on a commencé à faire des salons, à être un peu plus visible.
Comment caractériseriez-vous votre manière de manager ?
Je pense que c’est un management de proximité. Je dirais que j’aime être assez proche de mes équipes, tout en leur laissant une part d’autonomie. On essaie de se voir au moins une demi-heure chaque semaine. Mon job à moi est plutôt de les motiver, de les pousser vers le haut… Je suis là pour les aider à accomplir leurs objectifs et les missions qui leur sont confiées pour faire grandir l’entreprise.
Dans ce milieu du
déchet, comment avez-vous fait pour vous faire respecter ?
J’ai un caractère assez fort, il paraît que c’est ce qui me caractérise (rires). Mais je suis à l’écoute, tout en sachant taper du poing sur la table. J’essaie vraiment, avec Jean-Baptiste, de rendre notre management le plus équitable possible.
Démarrer à la
communication vous a aussi permis de mieux connaître l’entreprise…
Exactement ! Je connais l’entreprise sur le bout des doigts, et cette période m’a permis par ailleurs de m’intégrer dans des réseaux, notamment dans le Family Business Network, un réseau d’entreprises familiales basé à l’époque sur Paris, que j’aide actuellement à se développer sur Lille. Ça donne des clés et des ouvertures. Je suis passionnée par l’entreprise familiale en général. Rendre une entreprise transgénérationnelle, je trouve cela fabuleux, mais c’est extrêmement difficile. Jean-Baptiste et moi, par exemple, nous avons un coach qui, une fois par mois, évalue avec nous les points un peu difficiles. Pour l’entreprise, c’est décuplant. Depuis qu’on fait ça, les décisions sont tranchées, assumées et expliquées, et du coup, on fait bloc à deux. Avec chacun nos responsabilités. Lui gère le quotidien de l’entreprise, très dans le management de proximité avec les équipes. Moi, je regarde plutôt demain, je suis le visage public de l’entreprise, je la représente à l’extérieur, et suis attentive à ce qui est fait ailleurs. Lui sera sur le zéro-trois ans, moi sur le cinq-dix ans. En ayant ces deux hauteurs de vue, ça donne du sens et de la cohérence à notre métier. Avec Jean-Baptiste, on a amené un rythme nouveau. Quand je suis arrivée, l’entreprise comptait 150 personnes ; aujourd’hui, il y a 420 salariés.
Date marquante. «2014 ! Ça correspond aux 50 ans de Baudelet environnement et à la sortie d’un livre sur lequel j’ai travaillé, qui retrace toute l’épopée de l’entreprise. C’est la première fois aussi que l’on faisait des portes ouvertes pour marquer le coup.»
Lieu marquant. «L’Eco-Parc, puisque c’est là où je passe l’essentiel de mon temps ! C’est une vitrine qui est extraordinaire pour notre groupe. Nous sommes l’un des plus beaux sites en France, nous en sommes très, très fiers.»
Femme inspirante. «Catherine, ma maman ! Elle s’est imposée dans un milieu très machiste à une époque où mon grand-père considérait que les femmes ne devaient pas travailler. Elle a fait preuve d’une certaine force de caractère, et j’ai trouvé qu’elle avait su incarner à sa manière l’entreprise.»