Rencontre avec Benoît Rochet, directeur de la Société d'exploitation des ports du détroit
«J'ai à cœur que des entreprises viennent s'installer et embauchent»
Libérer du foncier à Boulogne, relancer le trafic à Calais et contribuer à une dynamique régionale... Benoît Rochet, directeur de la Société d'exploitation des ports du détroit, a livré ses axes de travail pour les années à venir.
«Nous sortons de deux exercices compliqués». Benoît Rochet, le nouveau directeur du SEPD (Société d'exploitation des ports du détroit) a les manches relevées. Invité du cercle Côte d'Opale synergie, il a présenté la stratégie des ports pour les mois et années à venir. Et pour commencer, il faut se relever des deux années qui viennent de s'écouler. «Depuis mars 2020 jusqu'à mars 2022, la frontière a été fermée au tourisme. C'est une source de revenus qui s'est asséchée pendant 2 ans», souligne-t-il. Le trafic était ainsi tombé en dessous du million de passagers annuels. Il remonte nettement en 2022 avec une perspective à 5 millions de passagers.
Mais le douloureux épisode du Covid, associé au Brexit, n'est pas tombé au meilleur moment. Les travaux de Calais ayant été menés à bien pour 890 M€. Maintenant, il faut les rembourser. «C'est la première des priorités», souligne Benoît Rochet, balayant d'un sourire l'idée d'un rachat du port de Douvres. «Quand on nous bloque la frontière c'est compliqué de rembourser. 2021 a terminé dans le rouge. Il faut que les recettes retrouvent un niveau raisonnable.» Le trafic à destination de Douvres reste évidemment au centre de tout. «Douvres n'est pas saturé. 99,9% de l'année, le trafic y est fluide, rappelle Benoît Rochet. Néanmoins, il s'agit de trouver des relais de croissance pour toucher d'autres marchés et élargir notre champ d'intervention.» C'est tout l'objet par exemple de la ligne vers Sheerness ouverte avec DFDS.
L'avenir du hub port de Boulogne
Quant à Boulogne, l'ouverture d'une ligne Transmanche reste en question, alors que 15 ha de foncier restent gelés depuis plus de 10 ans sur le hub portuaire. «Et en parallèle, le port est plein», rappelle Benoît Rochet. Un appel à manifestation d'intérêt a donc été lancé pour mesurer si le marché serait intéressé par une réactivation du hub. Ce n'est pas si sûr. Le Brexit apporte son lot de contraintes douanières. Et il faut donc un beau taux de remplissage assuré, au risque de pertes financières importantes. «Nous sommes en train d'analyser ce dossier. Peut-être que l'équipement trouvera son marché, mais il s'agit de travailler sur des choses durables et les plus solides possibles.» A défaut, les 15 ha du hub portuaire pourraient donc être libérés.
A Boulogne, «on est dans une dynamique de croissance. J'ai à cœur que des entreprises viennent s'installer et embauchent» poursuit le directeur de la SEPD. Il annonce d'ailleurs des investissements importants autour de Capécure. 7 M€, qui seront affectés à des opérations d'entretien, notamment de la voirie. «Il ne s'agit pas de plonger Boulogne dans la naphtaline. Boulogne a des atouts considérables à l'interface des producteurs de poissons et de ses grands amateurs. C'est un centre d'excellence mondialement reconnu. Il faut capitaliser sur cette dynamique et l'entretenir.»
La carte du collectif
Dans cette idée, le concessionnaire compte bien jouer la carte du collectif. Entre Calais et Boulogne, bien sûr, mais aussi avec l'ensemble des acteurs du transmanche, notamment à travers le réseau Norlink. «Nous sommes confrontés aux mêmes défis, souligne le directeur. Nous avons traversé le Brexit ensemble. On aura une queue de comète du Brexit qui concernera non plus les marchandises mais les personnes. Franchissons-la ensemble, avec Dunkerque et même avec nos concurrents et camarades d'Eurotunnel.» Pour lui, apporter de la cohérence territoriale ne peut qu'être bénéfique à tous, et améliorer la visibilité de la région vis-à-vis des investisseurs.