Inquiétudes des élus sur la réforme de la politique de la ville
A l’heure où le gouvernement élabore sa réforme de la politique de la ville, plusieurs associations d’élus des villes se font entendre. Elles proclament leur «soutien» aux orientations prises par le ministre, François Lamy, mais expriment leurs inquiétudes sur les modalités d’application. Et espèrent en l’acte III de la décentralisation.
Le mois dernier, par sa grève de la faim devant l’Assemblée nationale, Stéphane Gatignon, maire de Sevran, a attiré l’attention sur le sort des banlieues défavorisées, qui subissent la crise de plein fouet. Ce 5 décembre, ce sont trois associations d’élus, l’Association des maires de grandes villes (AMGVF), l’Association des communautés urbaines (ACUF) et l’Association Ville & Banlieue qui ont fait entendre leur inquiétude lors d’une conférence de presse, à Paris. «L’écart entre les villes pauvres et les villes riches s’est aggravé. Mais sans la politique de la ville ce serait sans doute pire», a argumenté Renaud Gauquelin, président de Ville & Banlieue et maire de Rillieux-la-Pape (PS). Au coeur de l’inquiétude de ces élus, les réformes annoncées par François Lamy, ministre de la Ville, qui devraient déboucher sur un projet de loi l’an prochain. Ces réformes passent notamment par une actualisation de la géographie prioritaire de la ville, pour réorienter les crédits vers les quartiers les plus défavorisés. «La politique de la ville voulue par le gouvernement depuis le mois de mai a notre soutien global», a commencé par affirmer Michel Destot, président de l’AMGVF, et député-maire de Grenoble (PS), avant de faire part de ses «réserves». Celles-ci concernent plusieurs sujets. Tout d’abord, les associations s’inquiètent des modalités de «sortie» des territoires qui ne seront plus considérés comme prioritaires par la politique de la ville. «Quel sera le sort des territoires qui ne seront pas retenus dans la géographie prioritaire ?», s’est interrogé Michel Destot, qui craint une évolution «brutale» de leur situation financière. Renaud Gauquelin, lui, a plaidé en faveur d’une «montée en puissance des crédits de droit commun», d’une augmentation des crédits des ministères (éducation, santé…) sur ces quartiers, pour compenser cette sortie du zonage prioritaire. Cette tendance semble d’autant plus légitime aux élus qu’eux-mêmes se sont investis dans les dispositifs comme le contrat d’avenir. Autre question : la définition des critères de «sortie» : «le revenu par habitant est un bon critère, mais en fonction des montants des loyers, le “reste à vivre” n’est pas le même selon les villes», a illustré Renaud Gauquelin.
Acte III de la solidarité ?
Une semaine avant cette conférence de presse, le Sénat avait rejeté le mode de financement proposé par le gouvernement de la hausse de 50 % en 2013 de la dotation de développement urbain (DDU) bénéficiant aux 100 communes les plus pauvres. Un mauvais signe pour ces associations, qui soulignent l’importance des mécanismes de péréquation et la nécessité de les rendre plus efficaces et plus justes. «La réforme du zonage conduira-t-elle à une modification de la dotation sociale urbaine ? Il faut une cohésion entre la péréquation verticale et celle dite horizontale, sur laquelle on essaie de peaufiner les critères, pour qu’il y ait réellement une solidarité. Sevran est bénéficiaire de la DSU, mais n’est pas bénéficiaire de la péréquation horizontale», fait remarquer Michel Destot. Les associations plaident pour une péréquation verticale enrichie, en particulier via la Dotation de solidarité urbaine (DSU) et la DDU, pour une plus grande intégration au niveau des intercommunalités, afin de favoriser la solidarité de proximité ainsi que la mise en place d’un système global de péréquation qui stimule cette solidarité intercommunale. Selon eux, l’Acte III de la décentralisation pourrait bien constituer l’occasion de faire passer ce principe de solidarité générale dans la loi.