Inondation meurtrière d'un Ehpad: l'avocat d'Orpea s'en prend aux familles

Plaidant la relaxe de ses clients, l'avocat d'Orpea et de l'ex-directrice d'un Ehpad du groupe a visé vendredi dans sa plaidoirie les familles des trois résidentes mortes noyées lors d'inondations dévastatrices...

Un logo d'Orpea, lors de l'assemblée générale du groupe à Paris, le 28 juillet 2022 © JULIEN DE ROSA
Un logo d'Orpea, lors de l'assemblée générale du groupe à Paris, le 28 juillet 2022 © JULIEN DE ROSA

Plaidant la relaxe de ses clients, l'avocat d'Orpea et de l'ex-directrice d'un Ehpad du groupe a visé vendredi dans sa plaidoirie les familles des trois résidentes mortes noyées lors d'inondations dévastatrices en 2015 sur la Côte d'Azur. 

Dénonçant devant le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) les "sommes aberrantes" réclamées en dommages et intérêts, Me Michel Valiergue a mis en cause l'attachement à leur aïeule décédée affiché par certains jeudi à l'audience.

"Vous aviez une belle maison à côté de la maison de retraite, vous auriez pu la prendre avec vous", a-t-il lancé à l'une des familles, dont l'avocat a réclamé jeudi plus de 100.000 euros de dommages, expliquant qu'il avait pour sa part gardé chez lui sa mère, décédée "dans (ses) bras".

"Orpea fait ce que l'on ne veut pas faire, ce que l'on répugne à faire. S'occuper de personnes âgées grabataires, c'est pas très valorisant, c'est fatigant, c'est usant", a insisté l'avocat.

Plusieurs parties civiles sont sorties les larmes aux yeux, expliquant que la culpabilité d'avoir placé leur aïeule ne les quittait pas depuis le drame.

"Orpea, c'est la maltraitance jusqu'à l'audience", a sifflé Me Philippe Soussi, avocat de plusieurs familles, en référence au scandale né des pratiques de l'ancienne direction du groupe, révélées par un livre-enquête de Victor Castanet, "Les Fossoyeurs".

Le soir du 3 octobre 2015, une vague de submersion avait envahi le rez-de-chaussée de la maison de retraite de cette commune de 10.000 habitants. Trois résidentes de 82, 91 et 94 ans avaient péri noyées.

Jeudi, le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis contre l'ex-maire Guilaine Debras ainsi que 12 mois avec sursis contre le responsable des risques naturels de la ville, Yann Pastierik, et contre l'ancienne directrice de la maison de retraite, Anaïs Gledel.

Une amende de 50.000 euros avait été demandée contre le groupe Orpea.

Les avocats des quatre prévenus, jugés pour homicides involontaires, ont tous fait valoir qu'ils ne disposaient pas des informations suffisantes sur le niveau de risque pour prendre l'unique mesure préventive nécessaire: conduire les résidents à l'étage avant la vague.

Ainsi, l'Ehpad avait déjà été inondé mais Orpea, qui l'avait racheté en 2011, et Mme Gledel, en poste depuis un mois, se croyaient à l'abri depuis la mise en place de bassins de rétention en amont.

Et même si Météo France avait placé le département en vigilance orange, l'organisme "s'est complètement planté sur l'intensité" des précipitations, a insisté Me Valiergue.

Partout sur la côte, les inondations avaient semé le chaos, tuant 20 personnes et provoquant des dégâts considérables. Et beaucoup n'avaient rien vu venir: le chef de cabinet du préfet était au même match de foot que M. Pastierik, à l'Allianz Arena, et un concert de Johnny Hallyday avait été maintenu au bord du Var.

Dans ces conditions, Mme Debras fait figure de "bouc émissaire", a dénoncé son avocat, Me Franck Ginez.

Le jugement a été mis en délibéré au 25 mars.

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