Il y 80 ans, le 20 août 1944, un groupe de résistants crée l'AFP

Il y a 80 ans, le 20 août 1944, un petit groupe de résistants s'empare de l'Office français d'information (OFI), créé par le régime de Vichy, et donne naissance à l'AFP...

Le 20 août 1944 huit hommes donnent naissance à l'AFP (g-d): Claude Martial-Bourgeon, Basile Tesselin, Jean Lagrange, Pierre Courtade, Max Olivier-Lacamp, Vincent Latève, Gilles Martinet et Claude Roussel © -
Le 20 août 1944 huit hommes donnent naissance à l'AFP (g-d): Claude Martial-Bourgeon, Basile Tesselin, Jean Lagrange, Pierre Courtade, Max Olivier-Lacamp, Vincent Latève, Gilles Martinet et Claude Roussel © -

Il y a 80 ans, le 20 août 1944, un petit groupe de résistants s'empare de l'Office français d'information (OFI), créé par le régime de Vichy, et donne naissance à l'AFP, cinq jours avant la libération de Paris.

C'est un dimanche, deux jours après la mobilisation générale décrétée par Henri Rol-Tanguy, le chef communiste des Forces françaises de l'intérieur (FFI) d'Ile-de-France. 

Les huit conspirateurs se sont donné rendez-vous à sept heures du matin, 13 place de la Bourse, au pied de l'immeuble décrépit de l'ancienne Agence Havas, qui abrite l'OFI depuis quatre ans.

"Elle était devenue une agence de la propagande allemande", rappellera plus tard Gilles Martinet, un des huit. Le groupe dont il fait partie est surtout formé d'anciens rédacteurs d'Havas: Claude Martial-Bourgeon, Pierre Courtade, Max Olivier, Jean Lagrange, Vincent Latève, Basile Tesselin, auxquels s'est joint Claude Roussel, frais émoulu de l'Ecole normale supérieure (ENS).

Première dépêche

La chaleur est lourde, les rues sont vides. On entend des fusillades. Un char allemand est immobilisé non loin, rue du 4 Septembre.

Le petit commando, accompagné de deux gardiens de la paix (les seuls à être armés) envoyés par le Comité parisien de Libération, se faufile dans l'escalier, fait irruption dans la salle de rédaction. Dix têtes se lèvent, éberluées.

"Personne ne bouge, personne ne sort... Désormais, vous travaillerez pour la France, au lieu de travailler pour les Allemands", lance Martial-Bourgeon. Aucun ne bronche. On emmène un censeur allemand au sous-sol et on l'enferme.

On distribue les responsabilités: Martial-Bourgeon, l'aîné, prend les rênes, Gilles Martinet devient rédacteur en chef à seulement 28 ans.

Rapidement, on prend contact avec les équipes des journaux clandestins: "Combat", "Défense de la France", "Le Parisien Libéré", "L'Humanité"...

A 11H30, est publiée la première dépêche: "Les premiers journaux libres vont paraître. L'Agence française de presse leur adresse son premier service...". Jusqu'à la fin des combats, les dépêches sont tirées sur des ronéos rudimentaires et distribuées par cyclistes aux journaux et au PC de la Résistance. 

Le 23 arrive Fernand Moulier qui a jeté avec d'autres à Londres les bases d'une Agence française indépendante dotée d'un embryon de réseau international. La jonction s'opère entre journalistes de la Résistance et ceux de la France libre.

L'équipe de la place de la Bourse va très vite s'étoffer. "On avait mis un lit de camp dans mon bureau, je dormais là…", racontera Gilles Martinet qui, comme ses camarades, passe plusieurs nuits sur place. Main basse est faite par l'équipe sur les réserves du Caneton, un restaurant proche ayant servi de mess aux officiers allemands. Au menu: terrines, foie gras et vins fins.

Des reporters sillonnent à vélo les environs de Paris à la rencontre des troupes alliées et de la 2e DB. 

A la préfecture, Basile Tesselin a fait installer un téléphone direct dans la salle de bains de l'appartement du préfet. C'est lui qui sera le premier, le 25, à annoncer l'entrée dans Paris du général Leclerc... "Toutes les cloches de Paris ont sonné et ça a été un intense moment d’émotion", racontera M. Martinet.

Nouveau modèle

"Tout avait été décidé un mois auparavant, la stratégie, la tactique et surtout l'objectif": recréer une grande agence de presse française capable de faire entendre sa voix aux quatre coins du monde, l'héritière de l'agence Havas fondée en 1835, racontera Tesselin plus tard.

Mais Havas était une entreprise privée, qui avait comporté une branche information et une branche publicité. "Les capitalistes qui géraient l'affaire s'étaient lassés de voir que l'information faisait perdre une bonne partie de l'argent que rapportait la publicité. D'où la séparation, en 1935, des deux activités et, par la force des choses, l'ingérence de l'Etat, moyennant une subvention, dans la branche information". 

"Nous ne voulions ni de l'un ni de l'autre de ces deux inconvénients: celui de la gestion privée, forcément capricieuse et trop attachée au seul intérêt financier, celui de l'ingérence étatique (...), moins préoccupée de l'intérêt de la France que de celui du parti au pouvoir", expliquera Basile Tesselin dans ses mémoires.

Le statut inédit de l'AFP mettra un certain temps à mûrir dans les esprits. Il sera créé par la loi du 10 janvier 1957, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, qui lui garantit son indépendance.

L'AFP, dont le siège est toujours situé place de la Bourse, est aujourd'hui une des trois grandes agences de presse mondiale, avec Reuters et Associated Press. Ses journalistes sont présents dans plus de 150 pays.

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