Il n’y a que le bail (commercial) qui m’aille…
La législation sur les baux commerciaux dont les premiers textes datent de 1929 a été considérée par certains auteurs de l’époque comme «une conquête des besogneux du commerce sur les nantis de la propriété». Elle a pour objectif de préserver le fruit des efforts du commerçant locataire par son droit au renouvellement du bail et par le plafonnement du loyer mais elle a également pour corollaire l’interdiction pour le propriétaire de récupérer son bien sauf à acquérir le fonds de commerce de son locataire par le biais du paiement d’une indemnité d’éviction.
Force est de constater d’une part, que l’achat de locaux commerciaux pour les louer peut constituer un complément de retraite appréciable pour des personnes qui sont loin d’être nanties et d’autre part, que le marché de la location commerciale devient de plus en plus complexe pour de nombreux propriétaires qui se retrouvent soit avec des locaux vides soit avec des locataires qui ont des difficultés à honorer leurs échéances. Cependant, les évolutions de la législation ne tiennent pas compte de ce contexte et elles aboutissent à une certaine inflation des obligations à la charge du propriétaire qui doit réunir de nombreuses qualités :
Le propriétaire doit être accueillant en raison de son obligation de délivrance du bien en bon état de réparation attesté par l’établissement obligatoire d’un état des lieux.
Le propriétaire doit être prudent et prévoyant car les dispositions de la loi Pinel lui imposent de prendre en charge obligatoirement les grosses réparations de l’article 606 du Code Civil (clos et couvert) notamment dans le cadre d’une mise en conformité des locaux, ce qui doit renforcer sa vigilance sur les contraintes de l’activité du locataire et sur les obligations en matière d’accessibilité des handicapés.
Le propriétaire doit être également visionnaire car il doit communiquer tous les trois ans un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes.
Le propriétaire doit être gestionnaire car un document résumant la répartition des charges, taxes, redevances et impôts entre locataire et bailleur doit être communiqué au plus tard le 30 septembre de chaque année.
Le propriétaire doit être également diplomate avec un acquéreur potentiel des locaux dans la mesure où il doit respecter le droit de préférence du locataire avant de pouvoir procéder à la vente.
Le propriétaire doit avoir une connaissance technique parfaite de ces locaux car il doit délivrer un ensemble de documents à son locataire concernant a minima l’amiante, les risques naturels et technologiques ainsi que la performance énergétique voire dans certains cas les termites, le plomb et le gaz.
Le propriétaire doit être patient et compréhensif car en cas de procédure collective de son locataire, le bail n’est pas résilié de plein droit car seul l’administrateur ou le liquidateur peut le résilier à tout moment. Le propriétaire ne peut quant à lui initier une résiliation du bail qu’au bout de trois mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure uniquement pour le non-paiement de loyers postérieurs à ce jugement.
Compte tenu de la complexité croissante de cette législation qui ne vous exonère pas de vos obligations comptables et fiscales, la location de locaux commerciaux devient une véritable activité qui ne s’improvise plus et qui nécessite en conséquence un accompagnement notamment pour la rédaction et la gestion du bail afin que vous puissiez affirmer sans aucune hésitation : «il n’y a que le bail (commercial) qui m’aille».
Maître Frédéric Ferry
Président de l’ACE Lorraine
Avocat spécialiste en droit des sociétés