"Il faut que ça change!": Bruxelles, épicentre de la colère agricole
"On ne peut pas attendre 2027, c’est demain qu'il faut que ça change!": des milliers de manifestants de différents pays - et plus d'un millier de tracteurs - ont envahi les rues de Bruxelles jeudi aux abords d'un sommet des...
"On ne peut pas attendre 2027, c’est demain qu'il faut que ça change!": des milliers de manifestants de différents pays - et plus d'un millier de tracteurs - ont envahi les rues de Bruxelles jeudi aux abords d'un sommet des Vingt-Sept, sur fond de colère du monde agricole.
"C’est un symbole important: pour faire changer les choses il faut venir ici", a expliqué à l'AFP Pierre Sansdrap, éleveur laitier du Brabant Wallon, membre de la fédération des Jeunes agriculteurs, près d'une longue file de véhicules agricoles à l'arrêt.
Devant les bâtiments bruxellois du Parlement européen sur la place du Luxembourg, dont l'accès est bloqué par des centaines de tracteurs, une foule dense réunit des manifestants belge, français, espagnols, italiens, portugais ou encore allemands.
Un rassemblement transnational à quelques centaines de mètres du périmètre très sécurisé du Conseil européen, où les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE tiennent un sommet consacré à l'Ukraine en marge duquel la question agricole s'est invitée.
"L'objectif, c’est de faire entendre les colères qui montent partout", résume, dans un entretien à l'AFP, Marianne Streel, présidente de la puissante Fédération wallonne de l'agriculture (FWA).
"Ensemble, on est plus fort pour montrer qu'on est tous contre l'incohérence des politiques européennes et parler d'une même voix", ajoute-t-elle, réclamant une "Europe plus réaliste". "Le désespoir est dans nos fermes, le ras-le-bol, la colère sont tellement forts, et vous l'entendez".
Klaxons de tracteurs, bruits de pétards qui claquent dans l'air. Des feux de palettes sur la chaussée dégageant une âcre fumée noire, des traces de jets d'œuf sur les façades et un tas de pneus brûlés durant la nuit: un important dispositif policier a été déployé, mais sans incidents majeurs.
Et si une petite statue a été dégradée, la police parle d'une situation globalement "calme".
-"Folie"-
Revenus insuffisants, "surcharge administrative", législations écologistes complexes ou importations ukrainiennes "déloyales": tous partagent ces revendications.
"Pas l'Europe que nous voulons", "Stop UE-Mercosur. Sortons l'alimentation du libre-échange", "moins de normes": accrochées à l'avant des tracteurs ou brandies par les manifestants, les banderoles résument le message.
L'accord commercial en discussion avec les pays sud-américains du Mercosur fait figure d'épouvantail.
"Nous voulons être équitablement traités, un principe de réciprocité dans ces accords. Sinon, notre travail et nos exploitations sont condamnées", insiste Mauro Bianco, responsable local de la principale confédération syndicale agricole italienne, Coldiretti.
Celle-ci est venue en force, ses manifestants reconnaissables à leurs gilets jaunes occupent le devant de la place devant un étendard fustigeant "la folie de l'Europe".
"Du Piémont, de Sardaigne... Nous sommes au moins 500, venus d'Italie en avion, ça s'est décidé avant-hier très rapidement" pour s'opposer à "la politique totalement folle de l'UE", indique Gianluca Ragni, autre membre de Coldiretti.
Les manifestants ne sont guère convaincus par les concessions proposées par Bruxelles, dont une dérogation "partielle" aux obligations de jachères imposées par la Politique agricole commune (PAC).
"C'est une miette, ça ne règle pas le fond: on veut un revenu. Les primes, on s’en fout! On veut vivre de notre travail!", s'énerve Pierre Sansdrap. Il dénonce les distributeurs: "les consommateurs paient trop cher, nous on n'est pas payés assez".
-"Dérive environnementale"-
L'agriculteur liégeois Jules Corstjens, 23 ans plaide aussi pour un "juste prix" et des normes environnementales adaptées: "on doit trouver un juste milieu, il faut nous laisser du temps".
"Nous ne voulons pas d'une Europe engagée dans une dérive environnementale extrême, dans laquelle les agriculteurs ne seront plus capables de cultiver, de produire", tonne Mauro Bianco.
Surfant sur la colère, le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini a posté sur le réseau social X des images des manifestations assurant être "du côté des agriculteurs" pour demander la fin des décisions "idéologiques et déconnectées de la réalité".
Mercredi soir, le Premier ministre hongrois Viktor Orban était lui allé à la rencontre des manifestants dans les rues de Bruxelles.
"La Commission doit représenter les intérêts des fermiers européens à l'égard des Ukrainiens, non l'inverse", a-t-il répété dans un message diffusé par son parti, le Fidesz. "La solution est de changer les responsables bruxellois" lors des élections européennes de début juin, a-t-il ajouté.
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