Ifremer évalue les stocks de poisson en Manche et mer du Nord
La connaissance de l’état des stocks de poisson est un préalable indispensable à la définition des mesures de gestion de pêche par l’Union européenne. L’annuelle campagne International Bottom Trawl Survey (IBTS) d’évaluation des ressources halieutiques en Manche orientale et en mer du Nord, à bord du chalutier scientifique Thalassa, est suivie avec de plus en plus d’intérêt par les pêcheurs concernés.
Dès son retour au port de Boulogne le 10 février, la mission animée par l’ingénieur Yves Vérin, responsable du laboratoire ressources halieutiques du centre Ifremer Manche-mer du Nord, a présenté les résultats préliminaires – et encore bien partiels − de la campagne 2017. En vingt jours de mer, la vingtaine de scientifiques qui accompagnaient les 25 membres d’équipage, commandé par l’ancien artisan pêcheur Loïc Provost, ont réalisé 60 traits de chalut le jour et 120 échantillonnages de nuit au filet à larves.
Un partenariat scientifiques-pêcheurs. Après des échanges avec les navires scientifiques des six autres pays participant à la campagne IBTS (Norvège, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, Danemark, Suède), il apparaît que les indices de recrutement des principales espèces observées sont très divers selon les espèces. «La nouvelle classe d’âge qui assurera le renouvellement est faible pour le hareng, alors que cette espèce constitue environ 50% des débarquements pour la mer du Nord, annonce Yves Vérin avec précaution. Par contre, l’indice de recrutement du sprat atteint le niveau record observé en 2014. De même, nous avons trouvé des juvéniles de merlan et de cabillaud en plus grand nombre, avec un indice supérieur à la moyenne constatée depuis dix ans.»
Cette année, l’accent a été mis aussi sur le rouget-barbet et la sole, espèces qui sont l’objet de deux projets, financés par “France filière pêche”, pour améliorer les connaissances utiles à une meilleure gestion des stocks : “SMAC” sur la sole et “Dystrete” pour le rouget-barbet. L’artisan pêcheur côtier Stéphane Pinto se réjouit du meilleur climat qui règne désormais entre la communauté des scientifiques et celle des pêcheurs. Car l’amélioration de la connaissance peut, à l’avenir, éviter les baisses de quota dictées par des approches de précaution.
Une approche écosystémique. Afin de valoriser le temps passé en mer à bord du navire océanographique et d’intégrer la gestion des pêches dans une approche fondée sur les écosystèmes, d’autres études sont menées en parallèle durant les campagnes IBTS. Ainsi, Alain Lefebvre, responsable du laboratoire environnement ressources du centre Ifremer de Boulogne, a rejoint l’équipe scientifique pour profiter des équipements disponibles à bord de la Thalassa, pour travailler dans le cadre de la directive cadre européenne “Stratégie pour le milieu marin” (DCSMM). «Cette directive prise en juin 2008 par le Parlement et le Conseil européens, explique-t-il, pose les bases d’une approche écosystémique afin de prendre les mesures nécessaires pour réduire les impacts des activités professionnelles maritimes sur le milieu. L’objectif est de réaliser ou de maintenir un bon état écologique (BEE), au plus tard en 2020. Le programme de surveillance vise à recueillir les données permettant de mieux comprendre l’eutrophisation et la biodiversité marine.» Trop côtière jusqu’à présent, cette observation s’étend vers le grand large. Concrètement, zooplancton et phytoplancton sont échantillonnés, les œufs de poison sont collectés, les oiseaux et mammifères marins sont observés. C’est une vision plus durable du monde marin qui prévaut : concilier préservation de la biodiversité et pérennité des activités humaines maritimes. Les pêcheurs n’y sont pas opposés.