Homme de foi et de loi, Roger Vicot se dévoile
Du journalisme à la politique, de la sécurité à Lille à la mairie de Lomme, les itinéraires d’un homme engagé. Interview exclusive.
On pourrait croire qu’un adjoint au maire chargé de la sécurité et passionné par ces questions n’est qu’un homme froid et blindé. C’est ne pas connaître Roger Vicot, capable, avant de commencer l’interview, de rester dix minutes en extase devant une sculpture de Roulland, profondément ému par le tourment inscrit dans le bronze, le drame fondu dans le métal. Il y voit tout ce qui fait l’humanité à laquelle il a consacré son engagement.
Sous la carapace, un homme sensible et qui ne le cache pas longtemps tant cela est à la racine de son engagement politique dans les deux délégations qu’il a assumées : pour la première, la sécurité à Lille, et la seconde, qu’il détient toujours, la solidarité au Département. Deux délégations nullement contradictoires mais complémentaires dans ce qu’elles touchent de près à l’homme et à la société. Des engagements qui, pour lui, sont clairement de gauche.
Depuis peu, Roger Vicot est devenu le nouveau maire de Lomme, passant de l’ombre du premier adjoint d’Yves Durand, à la première place, celui-ci ayant abdiqué en sa faveur pour respecter scrupuleusement le non cumul des mandats après qu’il a retrouvé son fauteuil de député.
Nous avons voulu le connaître mieux et vous le présenter.
La Gazette. Commençons par le mandat de maire. Comment êtes-vous arrivé à succéder à Yves Durand ?
Roger Vicot. C’est une nouvelle vie mais j’ai la chance d’avoir été associé à Yves Durand depuis longtemps. J’avais une délégation de premier adjoint très étendue. Après une immersion de deux décennies, je prends un autre costume pour succéder à un maire qui a beaucoup marqué la ville. Je prends conscience de cette responsabilité.
Cela s’est construit un peu à la fois, relativement récemment dans la confiance avec Yves Durand. Cela s’est fait aussi au terme d’une décision collective, partagée avec les élus PS du conseil et avec les militants. Graduellement, au fil du temps, en deux ans une décision mûrie s’est construite. Yves Durand n’a rien imposé. L’esprit de responsabilité était de préparer dès que les militants se seraient prononcés.
Avez-vous eu une vie avant la politique ?
Oh ! oui. Avant la politique, j’étais journaliste. Je suis né à Denain le 1er juin 1963, de deux parents instituteurs. Après un bac B, et un Deug d’anglais, direction Paris pour l’Ecole supérieure de journalisme. Je n’ai jamais eu de problème d’orientation car j’ai toujours voulu être journaliste. C’était mon rêve professionnel et j’ai tout fait pour cela. J’étais attiré par tout ce qui touche l’Europe. Après mon diplôme, j’ai débuté au Matin de Paris, puis à Nord Eclair. C’est là que j’ai rencontré André Diligent qui m’a ouvert plusieurs années ses archives pour écrire mon livre sur l’histoire de La Voix du Nord. Il était un des seuls à avoir la collection complète des journaux de la Résistance. Puis ce fut la rencontre avec Pierre Mauroy. Elu président de la Communauté urbaine en juillet 1989, constituant son cabinet, il m’a recruté pour écrire ses discours.
Et c’est là que j’entre en politique en rejoignant Yves Durand en 1991 qui a été élu en cours de mandat,en juillet 1990, à la succession d’Arthur Notebart. Je deviens directeur de la communication à Lomme, puis, en 1993, attaché de presse de Pierre Mauroy, en mars 1995 directeur de la communication de la Ville de Lille. En octobre 2000, six mois avant les élections je démissionne pour rejoindre les listes de Martine Aubry et Yves Durand, tandis que professionnellement je deviens directeur de la communication du MIN. J’ai été présenté à Yves Durand par un ami commun et nous avons tout de suite accroché. Je suis entré réellement en politique avant tout cela quand, en 1986, j’ai adhéré au PS en réaction à la nomination de Pasqua et Pandraud par Chirac. Les questions de sécurité me taraudaient déjà. J’étais alors à la section du 14e arrondissement.
Mes parents n’étaient pas politisés mais la curiosité du journaliste fait que par vocation on s’intéresse à l’actualité. De là, à l’envie d’agir il n’y a qu’un pas. Puis, du militant à celle de peser sur le quotidien, un autre que j’ai franchi aussi. Je vais doucement sur mes 30 ans de parti.
Pourquoi le choix de la sécurité alors qu’on dit que la gauche est fâchée avec ces sujets ?
La sécurité est une délégation que j’ai demandée avec la prévention de la délinquance, un choix tant j’étais révolté par les façons brutales de Pasqua et Pandraud. Elle est au cœur des valeurs de la gauche. L’accusation de laxisme m’énerve. Il y a longtemps que c’est fini. Ceux qui souffrent le plus des questions de sécurité sont les plus fragiles. Etre à côté des plus fragiles est une valeur de gauche. La coproduction de sécurité a commencé avec Jospin en 1997. La répression ne me fait pas peur. Quand il y a transgression de la loi, il doit y avoir répression. Mais, en amont, il doit y avoir la prévention. Pour la récidive par exemple, il faut que la peine serve à la société mais aussi au condamné qui doit revenir dans la société avec des droits et des devoirs. J’ai participé à la Conférence de consensus. J’y étais l’élu de gauche. Je siège au Forum français pour la sécurité urbaine et au CIPC (Centre international de la prévention de la criminalité). Maintenant j’ai quitté ma délégation à la sécurité à la Ville de Lille mais je reste auprès de Martine Aubry comme conseiller spécial sur les questions de sécurité.
Vous êtes aussi écrivain.
Si l’on peut dire. J’ai déjà édité Poing à la ligne, l’histoire de La Voix du Nord de 1941 à 1944. Puis, avec Yves Durand, La Nation républicaine pour l’Europe des citoyens, une sécurité républicaine contre la république sécuritaire. J’ai un ou deux bouquins à sortir bientôt, soit un tome soit deux tomes sur la sécurité car j’en ai assez de lire des commentaires sur Internet sur la sécurité. J’ai un certain agacement. J’ai repéré 50 slogans et demandé à des spécialistes universitaires de les déconstruire. C’est intéressant de faire le tour de ces slogans qui vont de «c’est la faute aux parents ou à l’Education» jusqu’à «il faut rétablir la peine de mort». Je veux tout balayer de la manière la plus exhaustive possible en les replaçant dans la réalité sociologique factuelle. Cela m’a amené à contacter quelques dizaines de spécialistes.
Avez-vous d’autres mandats ?
Je ne suis plus adjoint au maire de Lille mais je reste vice-président au conseil général du Nord avec la délégation à la solidarité et à la lutte contre les exclusions et toute la problématique liée au RSA. Passionnant mais douloureux. Les allocataires sont presque deux fois plus nombreux dans le Nord que quand le reste du pays. On est au cœur de la notion de solidarité, au cœur de la réalité des difficultés sociales : logement, santé, mobilité. Nous sommes au plus près des plus démunis. La valeur solidarité est une valeur forte et de base quand on est militant socialiste. Cette délégation a beaucoup d’importance à mes yeux. Quand j’ai repris à la droite le canton de Lomme en 2007, j’ai d’abord été président de la commission solidarité. En 2011, Patrick Kanner m’a proposé cette vice-présidence. J’ai accepté avec plaisir.
Parlez-nous un peu de votre expérience lilloise.
Mon pire souvenir a été les noyés de la Deûle et la fusillade d’Il Théâtro. Epouvantable assurément. On est face à des jeunes qui ont toute la vie devant eux, victimes d’excès qu’on n’a pas su encadrer. Sinon, ça a été une délégation totalement passionnante. Nous avons mis en place trois contrats locaux de sécurité en dix ans. Pour élaborer la charte de la vie nocturne, nous avons réuni autour d’une table des gens qui ne se parlaient pas a priori : policiers, professionnels, jeunes, habitants. Le monde de la nuit est difficile mais les problèmes que nous rencontrons sont une évolution inquiétante de la consommation d’alcool chez les jeunes. Avec ou sans charte, ils s’amuseraient quand même. Il y a 150 000 étudiants dans la Métropole et 25 000 rien que pour la Catho dans le quartier Vauban. C’est aujourd’hui, un vrai pan de la vie de la ville. La charte n’a pas incité, elle a permis d’encadrer.
Vous êtes un homme social. Comment vous perçoivent vos amis ?
J’ai beaucoup d’amis qui, a priori, pourraient ne pas aimer un homme politique, ni le côté homme de sécurité. J’ai réussi à les convaincre qu’on pouvait faire de la politique avec des convictions, que je n’étais pas un pourri de la politique. J’ai gardé tous mes amis, c’est que j’ai sans doute réussi.