Guy Lengagne, ancien maire de Boulogne-sur-Mer, sans filtre
Le dernier débat du Cercle Opale Synergie s’est tenu le 29 janvier dernier. Au menu, un invité exceptionnel en la personne de Guy Lengagne, qui a notamment été Secrétaire d’État chargé de la mer, et maire de Boulogne-sur-Mer. Verbatim d’un ancien responsable sans langue de bois.
Un énième débat du Cercle Opale Synergie s’est tenu (en ligne) le 29 janvier dernier. Au menu, un invité exceptionnel avec Guy Lengagne, ancien Secrétaire d’État chargé de la mer, ancien maire de Boulogne-sur-Mer, ex-président de l’agglomération et administrateur fidèle du Centre national de la mer – Nausicaá. Les sujets maritimes ont naturellement pris l’essentiel du débat avec l’ancien édile du Boulonnais pendant les presque deux heures d’entretien.
Et d’abord, la plaisance a été évoquée avec son manque de place à Boulogne-sur-Mer…. «Le bassin Napoléon est petit et son écluse est très grande.Elle a été faite pour des chalutiers, cela vide le bassin. Une ancienne idée était de réinjecter de l’eau par la Liane pour empêcher qu’il ne se vide», s’est remémoré Guy Lengagne. La place est chère mais elle produit des richesses. «Le port de plaisance se porterait mieux s’il n’y avait pas la Socarenam. Mais l'entreprise aussi ne demande pas mieux d’aller ailleurs. Il y a de la place au fond, quai de l’Europe. Mais ça coûte très cher et qui va payer ?».
«On ne peut pas concurrencer Dunkerque sur les conteneurs»
Question portuaire encore, avec la disposition des trois ports de la Côte d’Opale (Calais, Dunkerque et Boulogne-sur-Mer) : «On ne peut pas concurrencer Dunkerque sur les conteneurs, car Boulogne est trop petit. La spécialisation des trois ports a un sens. Boulogne peut faire un peu de pondéreux, mais il suffit de regarder la carte pour voir qu’il n’y a pas beaucoup de place». Faire de Boulogne un port de nautisme de taille internationale comme le pétitionne le président de Région Xavier Bertrand ? «Je suis pour ! C’est très bien qu’on installe tous les pontons (…). Il n’y a pas de raison que Boulogne n’ait pas une grande course. Il y a la place de faire un grand port de plaisance». En dépit d’un quai d’à peine 300 mètres linéaires… Dans les trois bassins, le port n’atteint pas les 600 anneaux…
Et pour cause : «La priorité du port, c’est la pêche. Moi, j’ai connu le port avec 150 000 tonnes, on en est à 30 000 tonnes aujourd’hui», a-t-il reconnu. Pas de langue de bois sur les investissements de la Région dans une passerelle pour voyageurs… «Boulogne, c’est un petit port. Le Transmanche ? On a les équipements, mais il n’y a rien aujourd’hui. C’est un pari qui a été perdu, il faut bien le dire», a-t-il dit sans ambages.
Nausicaá : «Je suis fier de mon bébé»
Le pari gagné, c’est Nausicaá pour l’ancien maire : «On espère un million de visiteurs. C’est colossal. Le chiffre d’affaires n’est pas loin de 30 millions ; les retombées, ce sont 45 millions d’euros. La moitié du port de pêche. Avec Capécure, c’est le poumon économique. C’est un appel pour le tourisme», a-t-il argué. «La première étape de Nausicaá coûtait 10% à la ville. Je n’ai pas obtenu de financement pour un aquarium, mais pour un centre de culture scientifique. Songez à l’importance de la mer : s’il y a un conflit mondial, il est à peu près sûr que ce sera pour des questions d’accès à la mer. 90% du trafic mondial se fait sur la mer ; le rôle climatique aussi. Nausicaá doit expliquer tout cela, le rôle fondamental de la mer. Je suis fier de mon bébé».
Touche pas à ma Loi Littoral
Autre «bébé Lengagne», la loi Littoral provoque toujours quelques vagues. «Elle a été votée à Noël 1985 à l’unanimité et approuvée par 94% des Français. Le premier ministre Fabius avait confié la loi au ministre de la Mer, pas à l’Environnement. Ce n’est pas seulement une loi de protection. Mon ami Percheron aurait dit qu’elle est trop rude. Qu’il attende quelques années pour voir que son vieux camarade avait raison». Et le nonagénaire de nous régaler d’anecdotes : «J’ai présidé dix ans le Conservatoire du Littoral qui achète des terrains inaliénables et imprescriptibles. Le département du Pas-de-Calais était le territoire le mieux protégé. 'C’est un atout touristique et c’est la poule aux œufs d’or', ai-je dit à Jacques Durand, l’ancien patron d’Arc International qui voulait faire quelque chose pour ses ouvriers». Et d’ajouter : «Quand j’entends qu’on veut y toucher, j’ai envie de tirer à vue».
Enfin, Guy Lengagne suit les projets économiques du territoire et en particulier celui de Local Océan et de sa future ferme d’élevage de saumons. «Il y a 40 ans, je ne croyais pas au développement de l’aquaculture. Mais aujourd’hui, compte tenu de la diminution des ressources dans toutes les mers du monde, je crois que cette activité a un avenir. Et dans le premier centre de traitement des produits de la mer, il est anormal qu’il n’y ait pas d’aquaculture…».