Guillaume Droussent, de l’informatique chez Goodyear au contrôle technique
Guillaume Droussent, 50 ans, a senti le vent tourner avant la fin de son aventure chez Goodyear et en a profité pour mettre en place sa reconversion dans la mécanique un domaine qu’il pratiquait jusque-là par passion.
Le soleil tape fort en cette matinée de juillet. Face au lave-auto au fin fond de la zone d’activités de la Blanche Tâche à Camon, le Contrôle technique Droussent est fermé. Guillaume Droussent, le patron, subit un contrôle administratif. « Nous sommes fermés deux fois dans l’année pour faire inspecter le matériel », explique-t-il tout sourire. Le quinquagénaire discute tranquillement avec l’électricien qui visite les installations. Un ex-Goodyear comme lui. Deux rescapés des 1 143 salariés laissés sur le carreau en 2014 après la fermeture de l’usine de pneus d’Amiens Nord. « Quand je suis arrivé chez Goodyear, je me suis dit : “J’y suis jusqu’à la retraite”. J’y étais bien. Le travail était intéressant. Il y avait des avancées et des investissements. C’était une bonne boutique », lâche, amer, l’ex-informaticien.
Dépôt de bilan L’histoire a débuté « le 2 novembre 1992. Le 1er était férié. J’avais 26 ans », répond Guillaume Droussent du tac-au-tac. « À l’époque, je bossais chez Random, mais notre société a déposé le bilan », se remémore l’informaticien qui connaissait bien Goodyear : « Nous étions un de leurs fournisseurs et j’y faisais des formations. » La proximité avec l’ex plus gros employeur de la Somme lui permet d’être au courant de l’ouverture d’un poste d’analyste programmeur. « Même si j’étais au courant avant, j’ai passé un entretien », s’empresse de préciser Guillaume Droussent. La faillite de son ancienne entreprise est loin derrière. L’usine est en plein développement. « Il y avait 15-20 PC. Ils m’ont embauché dans l’hypothèse de développer le système. ». Le service informatique compte alors une petite équipe qui va grossir au fur et à mesure. Ils sont cinq avant le rapprochement avec Dunlop en 2004. « Après la réunification des deux usines, mon chef de service et deux collègues sont passés de l’autre côté de la rue », retrace Guillaume Droussent.
L’histoire remet ça Goodyear Amiens Nord commence à vaciller. Le groupe américain restructure déjà sur d’autres continents. Les premières secousses arrivent en 2007. Les 1 176 ouvriers de Goodyear refusent les 4×8, tandis qu’à quelques mètres l’usine Dunlop les accepte. Guillaume Droussent sent le vent tourner : « À partir du moment où les syndicats ont refusé les 4×8, on a directement senti que la direction européenne nous avait lâché. » Cependant, l’Amiénois poursuit sa progression dans l’entreprise. « Je suis passé cadre sans le titre mais avec la fonction. » En 2010, il réalise une Validation des acquis de l’expérience (VAE). Sa licence pro d’Administration de parc informatique (API) en poche et son parc de 350 ordinateurs à gérer, Guillaume Droussent se sent bien chez Goodyear. Cependant, en 2011 tout bascule. Titan est entré dans la course pour reprendre l’activité pneus agricoles. Celui qui est devenu informaticien « parce que c’était peut-être un phénomène de mode en 1986 » change son fusil d’épaule : « J’avais une amie dans le contrôle technique. Elle vivait bien. Ça m’intéressait. Je me suis dit : “on ne sait jamais”, si un jour, il y avait besoin de se recycler. Et puis la mécanique j’en faisais un peu les week-ends avec un ami garagiste sur nos 4×4. »
La vie continue Derrière la machine est enclenchée. « En 2012, j’ai décroché mon CAP mécanique auto en candidat libre. J’ai passé uniquement les épreuves théoriques et mécaniques », rapporte ce passionné de 4×4. Le diplôme en poche, Guillaume Droussent change de cap. « J’ai ensuite sollicité les ressources humaines pour faire une formation via le Fongecif. Vu la situation dans l’usine, on ne me l’a pas refusée. Je suis donc parti de mars à août 2013 à Hazebrouk pour devenir contrôleur technique automobile. » « Au départ, l’idée c’est le rachat. Soit celui de mon amie à Flixecourt, soit à Fouilloy. À Flixecourt ce n’était pas top car un troisième centre allait ouvrir. La négociation à Fouilloy semblait bien partie et au final, le propriétaire ne nous l’a pas vendu », lâche le trésorier de l’association de 4×4 Terre et passion en se remémorant ce jour d’octobre 2013. À défaut de trouver, Guillaume Droussent prend la décision de faire construire.
Pourvu que ça dure Ce sera à la zone d’activités de la Blanche Tâche de Camon. « On s’est rapprochés d’Amiens Métropole pour avoir un terrain. C’était fin 2013. Il y avait déjà un projet de contrôle technique, nous avons dû attendre le désistement de l’autre candidature pour avoir la nôtre. Janvier 2014, on reçoit un avis positif », savoure Guillaume Droussent. qui en parralèle, poursuit son activité chez Goodyear : « Je suis resté pour le démantèlement ». Pourtant, l’aventure n’est pas encore engagée. L’obtention de la franchise prend un peu de temps. « J’étais en contact avec le commercial de chez Dekra-Norisko. Le Norisko d’Amiens a donné son accord tout de suite. » Ce n’est qu’en octobre 2014 qu’il demande son licenciement alors que la construction du bâtiment bat son plein au bout de la rue Édouard Branly. « Avec trois mois de préavis, cela m’a amené à fin février », indique celui qui a pris possession des murs et ouvert en mars 2015. Pour la seconde fois dans sa vie, il change d’emploi sans connaître de passage à vide. « Je suis un peu chanceux, je n’ai pas eu de rupture d’activité », s’amuse celui qui a passé 22 ans chez Goodyear. Aujourd’hui, « ce sont près de 200 Goodyear qui sont repassés pour leurs voitures », et Guillaume Droussent en a même embauché un en CDI. L’aventure est bien lancée. Ce mois-ci un second CDI a même été embauché. Dehors, le soleil n’est pas retombé. Il se fait de plus en plus fort et haut dans le ciel. Guillaume Droussent retourne à l’ombre. Un ancien collègue de Goodyear est arrivé pour discuter et boire le café.