Grossir en taille, un impératif de croissance pour les PME et ETI ?
L’entreprise Diruy de Compiègne a accueilli dans ses locaux une rencontre-débat sur le thème “Quel modèle de croissance pour les PME en France ? Faut-il à tout prix croître en taille ?”. Cet événement était organisé conjointement par la Caisse d’Épargne et Réseau Entreprendre® Picardie. Alain Tourdjman, directeur des études économiques et de la prospective, Groupe BPCE (2e groupe bancaire en France), a présenté un panorama économique avant une table ronde avec deux anciens lauréats de Réseau Entreprendre® Picardie.
Réseau Entreprendre® compte 5 600 membres au niveau national. Ce sont 120 chefs d’entreprise, créateurs et repreneurs engagés en Picardie qui ont contribué à la sauvegarde de près de 1 200 emplois dans la région. Réseau Entreprendre® Picardie s’est associé à la Caisse d’Épargne avec Pascal Lefort, directeur du marché “Entreprises et professionnels de l’immobilier” de la Caisse d’Épargne Picardie et membre du réseau, pour accueillir Alain Tourdjman, afin de faire entendre à un public d’entrepreneurs le nouveau discours des dirigeants de PME et ETI sur la croissance. En effet, pour ces entreprises qui rassemblent 35% des emplois en France, la croissance quantitative reste désirable à de nombreux égards mais ne représente plus la référence unique. « Ces dirigeants privilégient la recherche plus qualitative afin d’assurer à terme la pérennité et la vitalité de leur entreprise », a souligné l’économiste.
Paradoxe stagnation/ transformation « Ce paradoxe existe lorsque l’on s’aperçoit que le parc des PME et ETI n’a pas bougé depuis 2003 : 25% de nouvelles entreprises viennent s’ajouter aux PMI quand autant en sortent », rapporte Alain Tourdjman. Ce qui signifie une importante stabilité, mais avec des changements à l’intérieur de ce monde : la répartition reste stable avec, dans un laps de temps de trois années, un tiers de créations, un tiers de TPE devenues PMI et un tiers qui en sont sorties. De 2011 à 2014, les changements de taille restent néanmoins moins marqués pour les PME de 20 à 49 salariés que pour celle de 20 à 99 salariés. On note un tiers de changements à l’intérieur des entreprises pérennes. Quant à l’évolution sectorielle de 2014 à 2014, c’est une hausse de 20% du nombre des PME dans le secteur de la construction, alors qu’on observe une baisse de 25% dans celui de l’industrie. « La désindustrialisation est importante en Picardie, avec une chute de 9% des PME au service de l’industrie, recul d’autant plus préoccupant que la taille de l’entreprise est élevée, remarque Alain Tourdjman. On assiste à une explosion du nombre d’entreprises de zéro salarié, mais qui compense l’augmentation en taille des entreprises pérennes ! »
Repenser la croissance Il ressort du l’étude du panorama que « 60% des dirigeants préfèrent stabiliser et consolider la situation financière de leur entreprise plutôt que d’engager des investissements afin d’assurer leur développement futur ». Ce qui se traduit par une accumulation de fonds propres et une stabilisation de la valeur ajoutée, et donc une réduction du levier d’endettement. L’aspiration n’a pas pour autant disparu, mais les dirigeants réévaluent le seuil à partir duquel ils mettent en risque les acquis et la solidité de leur entreprise. La baisse d’activité due à la crise (le rythme de croissance du chiffre d’affaires des PME était de 5,9% de 1998 à 2008, il est passé à 1,9% de 2009 à 2014), la dégradation des taux de marge (-4 points) et le choix de privilégier leur capital humain ont conduit les dirigeants à s’orienter vers une démarche de stratégie plus qualitative : efficacité, notoriété…
Innovation et internationalisation : des leviers de croissance La taille ne fait pas la croissance en raison des seuils critiques à gérer lorsqu’une entreprise arrive dans sa période de de croissance stratégique, période de fragilisation. Mais il reste deux leviers à prendre en compte. Celui de l’innovation, qui arrive seulement en troisième position après le développement des marchés et la montée en gamme, car elle trop souvent considérée comme une charge. « Quant à l’internationalisation, il existe aujourd’hui moins d’entreprises qui exportent qu’il y a vingt ans, avec un effet sur la taille et le secteur », remarque Alain Tourdjman : en 2013, 45% des ETI réalisent un chiffre d’affaires à l’export, contre 15% des petites et 30% des moyennes entreprises du parc français. Et ce, surtout dans le secteur manufacturier (en continu depuis 2000 avec 20% du CA en 2013) et celui des activités de soutien aux entreprises (13% du CA en 2013). Pour l’économiste, il s’agirait en outre de développer le travail en réseau : « Le partenariat permet de croître sans être trop gros en taille et d’être efficace au sein de pôles de compétitivité. »
Des exemples concrets À la fin de la rencontre, deux lauréats accompagnés par Réseau Entreprendre® Picardie, Christophe Thuillier (Agesys, un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, 50 collaborateurs) et Bruno Pierre (ABCD nutrition, 35 millions d’euros de chiffre d’affaires, 126 collaborateurs) sont venus témoigner et ont fait part de leurs schémas de croissance, mais aussi de leurs visions de l’entreprise et de son management. Tous deux ont en effet analysé le choix indispensable d’une structuration et d’une nouvelle forme de management quand l’entreprise grossit.