Grève massive dans une Irlande du Nord en plein blocage politique

Exaspérés par deux ans de paralysie politique qui affectent les services publics en Irlande du Nord, des dizaines de milliers de fonctionnaires se sont mis en grève...

 © Peter MURPHY
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Exaspérés par deux ans de paralysie politique qui affectent les services publics en Irlande du Nord, des dizaines de milliers de fonctionnaires se sont mis en grève jeudi pour réclamer de meilleurs salaires.

Seize syndicats représentant les secteurs de l'enseignement, du transport, ou encore la profession infirmière appellent à cesser le travail dans la province britannique.

Les grévistes ont commencé à se réunir dès le début de la matinée autour de piquets de grève et des manifestations sont prévues, notamment à Belfast et Londonderry.

Le Congrès des organisations syndicales estime que 170.000 des 220.000 fonctionnaires que compte l'Irlande du Nord participeront à ce que son secrétaire général Owen Reidy a qualifié de "plus gros conflit social dans l'histoire de l'Irlande du Nord".

Les écoles sont fermées, les transports à l'arrêt et même les agents chargés du salage des routes devraient rejoindre le mouvement, en plein épisode de froid.

L'activité des services de santé est "réduite de manière significative" selon le gouvernement, qui appelle les Nord-irlandais à la prudence pour éviter d'avoir à y recourir. Urgences et services essentiels seront néanmoins disponibles.

L'envolée des prix depuis un an et demi a provoqué une grave crise du pouvoir d'achat et de nombreuses mouvements sociaux au Royaume-Uni mais le contexte est particulièrement difficile en Irlande du Nord. La grève, dont le coût est estimé à plus de 10 millions de livres sterling (environ 11,6 millions d'euros) y intervient alors que l'impasse politique dure depuis près de deux ans.

Le DUP, principal parti unioniste, s'est retiré des institutions locales en février 2022 pour protester contre les dispositions commerciales post-Brexit, qui selon lui menacent la place de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni.

Le Parlement nord-irlandais, Stormont, s'est brièvement réuni mercredi pour tenter d'élire un président ("speaker"), en vain.

Enveloppe proposée par Londres

Faute de Parlement et d'exécutif locaux, compétents en théorie sur de nombreux sujets comme l'éducation ou la santé, Londres gère les affaires courantes, entraînant une baisse de financements pourtant cruciaux pour de nombreux services publics comme les hôpitaux, l'entretien des routes ou les écoles, désormais à l'agonie.

Le ministre britannique chargé de l'Irlande du Nord, Chris Heaton-Harris, a rappelé lundi qu'une enveloppe de 3,3 milliards de livres sterling (3,8 milliards d'euros) proposée par Londres le mois dernier était disponible, à la condition que l'assemblée locale de Stormont, à l'arrêt depuis près de deux ans, redémarre.

Dans cette enveloppe, environ 584 millions de livres (680 millions d'euros) sont destinés à augmenter les salaires des fonctionnaires.

Les fonctionnaires nord-irlandais "sont utilisés comme des pions par ce gouvernement conservateur discrédité", a pesté mercredi le secrétaire général du Congrès des organisations syndicales, Owen Reidy, soulignant que nombre d'entre eux n'ont "pas eu d'augmentation depuis trois ans, malgré la situation post-Covid et la crise du coût de la vie".

"L'argent est disponible", mais les fonctionnaires sont "rançonnés", a-t-il dénoncé.

Les syndicats font valoir que les fonds pour les augmentations de salaire doivent être débloqués dès que possible indépendamment du redémarrage des institutions locales, les DUP accusant quant à lui Londres d'utiliser la grève comme levier pour pousser le parti à mettre fin à son boycott.

Selon le chef du DUP Jeffrey Donaldson, le gouvernement britannique dispose de l'argent et des pouvoirs nécessaires pour que les hausses de salaires soient immédiates.

Au delà de la crise actuelle, la vice-présidente du parti républicain Sinn Fein, grand vainqueur des dernières élections et favorable à une unification avec la République d'Irlande, Michelle O'Neill, a exprimé mercredi ses craintes quant à la survie des "institutions démocratiques" issues de l'accord du Vendredi saint, qui a mis fin en 1998 à trois décennies de violences en Irlande du Nord.

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