"Gilets jaunes" matraqués dans un Burger King en 2018: procès requis contre 9 CRS

Le parquet de Paris a requis mercredi le renvoi de neuf CRS soupçonnés d'avoir frappé ou matraqué des "manifestants non hostiles" dans un restaurant Burger King lors de l'acte 3 des gilets jaunes, ouvrant ainsi la voie à un...

"Gilets jaunes" et policiers se font face près de l'Arc de Triomphe à Paris le 1er décembre 2018 © Geoffroy VAN DER HASSELT
"Gilets jaunes" et policiers se font face près de l'Arc de Triomphe à Paris le 1er décembre 2018 © Geoffroy VAN DER HASSELT

Le parquet de Paris a requis mercredi le renvoi de neuf CRS soupçonnés d'avoir frappé ou matraqué des "manifestants non hostiles" dans un restaurant Burger King lors de l'acte 3 des gilets jaunes, ouvrant ainsi la voie à un procès dans ce dossier symbolique des violences policières.

Les faits remontent au 1er décembre 2018, dans un Paris bouleversé par la contestation sociale des gilets jaunes.

Alors que des manifestants se trouvaient dans un Burger King, près des Champs-Elysées, certains CRS de la compagnie de Chalon-sur-Saône les frappaient à plusieurs reprises "munis de leur matraque et de leur bouclier", d'après le réquisitoire définitif rendu mercredi et consulté jeudi par l'AFP.

Ils expliquaient, au cours des investigations, traquer des pilleurs de commerces. Mais ces manifestants violentés apparaissaient "non hostiles", a souligné le parquet: ils "se trouvaient au sol" ou "tentaient de sortir les mains en l'air". 

Les violences se poursuivaient "vraisemblablement" même à l'extérieur du restaurant.

Le parquet a demandé que neuf CRS, âgés de 29 à 51 ans, soient jugés devant le tribunal correctionnel pour violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l'autorité publique. 

Les violences imputées à six d'entre eux ont notamment entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours chez les parties civiles.

Leur avocat, Laurent-Franck Lienard, a affirmé à l'AFP découvrir le réquisitoire "par la presse". "Nous y répondrons en droit selon les règles procédurales qui supposent à ce stade un débat couvert par le secret", a-t-il déclaré sans commenter le fond du dossier.

Les avocats de la défense comme des parties civiles peuvent déposer des observations, avant que la juge d'instruction ne tranche sur la tenue d'un procès ou non.

27 coups de matraque

L'enquête s'est appuyée sur de nombreuses vidéos.

La toute première avait été diffusée quatre jours après les faits par l'agence HZ Press sur YouTube et a enclenché l'ouverture d'une enquête préliminaire. Puis les enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) exploitaient la vidéosurveillance du restaurant.

Une caméra filmait ainsi un manifestant au sol, devant le comptoir des caisses, recevant 27 coups de matraques au total par six CRS. Une autre montrait un journaliste, frappé également à la matraque.

Si des victimes restent non identifiées, cinq personnes se sont constituées parties civiles dans l'information judiciaire ouverte en mai 2019.

A l'époque des faits, "les violences policières n'existaient pas pour Emmanuel Macron", a taclé jeudi Arié Alimi, conseil de deux manifestants blessés, contacté par l'AFP. "Il est désormais probable que neuf CRS soient renvoyés devant le tribunal", s'est-il félicité.

Ce réquisitoire est une "excellente nouvelle même si on reste sur un sentiment mitigé, celui d'une justice qui passe au forceps et dans la douleur", a aussi déclaré Moad Nefati, avocat du manifestant blessé de 27 coups de matraques.

Il fustige notamment "l'exonération totale" des supérieurs hiérarchiques de la compagnie, dont deux ont été placés sous le statut plus favorable de témoins assistés, échappant ainsi aux poursuites.

Pas légitime

Tout au long de l'enquête, la compagnie a présenté son intervention comme indissociable de la situation "insurrectionnelle" de cette journée de manifestation, avec notamment à Paris des violences ou encore d'importantes dégradations à l'Arc de Triomphe.

Cette compagnie avait pour instruction de "s'opposer aux casseurs qui pillaient les commerces", rappelle en effet le parquet.

Mais les investigations ont établi que ces manifestants blessés n'avaient commis "aucune infraction de violence ou de dégradation (...) au sein de l'établissement" et s'étaient plutôt "réfugiés" dans le Burger King, dont la porte d'entrée avait été dégradée.

Pour défendre ses troupes, le commandant, placé sous le statut de témoin assisté, a fait valoir que la compagnie avait été confrontée à "200 à 300 casseurs violents" juste avant l'épisode du Burger King. Toutefois, il reconnaissait que leur intervention pouvait "apparaître comme choquante".

Devant les enquêteurs, l'encadrement a confirmé "que l'usage de la force à ce moment-là n'était pas légitime et que les individus n'avaient pas eu le temps de quitter les lieux de leur propre initiative", relève le parquet.

Dans son rapport administratif cité par le réquisitoire, la compagnie "faisait état d'un bilan définitif hors norme" de moyens utilisés au cours de l'intervention, avec notamment 1.700 grenades de gaz lacrymogène, 312 tirs de LBD, "mais également de blessés au sein de son unité" (27 blessés sur 63 CRS).

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