Getlink maintient le cap malgré «une année hors norme et improbable»

Getlink a présenté, le 24 février dernier, ses résultats 2021. Sans surprise, ils sont impactés par le Covid et le Brexit. Pour autant, le groupe maintient le cap.

Yann Leriche et Jacques Gounon. (© Aletheia Press / LB)
Yann Leriche et Jacques Gounon. (© Aletheia Press / LB)

«En 2021, il n’y a pas eu un seul jour où il a été possible de traverser la frontière franco-britannique sans avoir une contrainte sanitaire très forte, voire une interdiction de venir sauf motifs impérieux», rappelle, en préambule, Jacques Gounon, président de Getlink, le 24 février dernier à Paris, à l’heure de présenter les résultats annuels à la presse.

Malgré cette année «hors norme et improbable», liée à la crise sanitaire et au Brexit, les responsables affichent leur satisfaction quant aux résultats de la société. «Compte tenu, notamment, d’une position de trésorerie qui est extrêmement solide, notre engagement est de doubler les dividendes en les passant à 10 centimes d’euros par action», annonce Jacques Gounon. Une situation financière qui tient à plusieurs facteurs.

Eurotunnel, fortement impacté

Alors que les trafics ont été impactés, «nous avons délivré une vraie performance avec, notamment, une part de marché record sur notre segment du passager, avec 74% de parts de marché, soit environ 10% de plus que ce que nous avions prévu",  résume, avec satisfaction, Yann Leriche. Ce sont ainsi plus de 960 000 véhicules de tourisme (plus de 2,6 millions en 2019) qui ont emprunté le Shuttle, soit une chute de 32% par rapport à 2020 déjà très impactée. Avec plus de 1,4 million de camions pris en charge par le Shuttle Freight, soit -6% par rapport à 2020 (près de 1,6 million en 2019), l’entreprise occupe 39,1% de ce marché et voit son activité se maintenir globalement malgré les turbulences du Brexit. Le chiffre d’affaires du Shuttle s’élève à 477 M€.

Moyennant péage, Eurotunnel est également accessible aux trains à grande vitesse de voyageurs et aux trains de fret. En 2021, le chiffre d’affaires sur ce segment est de 155 M€. Il représente 1,638 million de passagers ayant emprunté l’Eurostar, soit -35% par rapport à 2020 (plus de 11 millions en 2019). Plus de 1 600 trains de fret ont circulé, soit -5% par rapport à 2020 (2 144 trains en 2019). Le chiffre d’affaires total d’Eurotunnel s’élève ainsi à 648 M€ (incluant d’autres revenus, notamment des aides exceptionnelles de l’Etat). Ce qui représente 83% du chiffre d’affaires du groupe.

Pour maintenir ses résultats, Getlink a parié sur un accompagnement des contraintes administratives et une flexibilité importante. Pour cela, la société a développé des services ayant une valeur ajoutée et des tarifs adaptés à la demande. Une tactique qui s’est traduite, entre autres, par une hausse de 8,5% du yield des navettes.

Le chiffre d’affaires global de Getlink s’élève à 774 M€ en 2021 (-6%). (© Aletheia Press / LB)


66 M€ d’économies

De son côté, Europorte voir son chiffre d’affaires en hausse de 6%, pour atteindre 130,2 M€, grâce notamment à la monté en puissance du Flex Express. Sur le dernier pôle d’activité, ElecLink, des investissements d’un montant de 90 M€ ont été réalisés. La mise en service des offres commerciales est prévue mi- 2022. «Il devrait nous rapporter 100 M€ de chiffre d’annuel par an.»

Le chiffre d’affaires global de Getlink s’élève ainsi à 774 M€ en 2021 (-6%). «Nous avons été extrêmement actif dans la gestion de la trésorerie et dans la réduction de nos coûts pour nous adapter à cette situation difficile», poursuit Yann Leriche. Ce sont ainsi 66 M€ d’économies qui ont été réalisées en 2021 par rapport à 2019 alors que l’objectif fixé était de 55 M€. «Une quinzaine de millions d'euros économisés sont liés à la baisse d’activité, note Géraldine Périchon, directrice administrative et financière de Getlink. Nous avons également beaucoup utilisé le schéma d’activité partielle côté français et anglais jusqu’à cet été, ce qui représente 10 M€.» L’entreprise a cherché à augmenter sa productivité, par exemple en internalisant certaines missions, générant une économie de 15 M€, et a repoussé certains projets. Une mutation en profondeur qui se prolonge par le lancement d’un programme de départs volontaires - environ 200 postes - des deux côtés de la frontière, sur l’année 2022.

Prudence

Ce plan de départ, dont le provisionnement du coût est porté à 42 M€, impacte directement l’EBITDA du groupe, en baisse de 11% à 297 M€. Autre phénomène à prendre en compte l’impact négatif de l’indexation d’un tiers de la dette sur l’inflation pour 79 M€. «C’est un effet comptable, note Géraldine Périchon. Ce n’est pas un effet 'cash' immédiat puisque les intérêts que nous payons chaque année sont un petit pourcentage de ce montant.» Le résultat net consolidé du groupe représente donc une perte de 229 M€. Ce qui n’empêche pas Getlink d’augmenter sa trésorerie pour la porter à 718 M€ avec un free cash flow positif de 21 M€.

Le groupe n’a pas communiqué d’objectifs de performance financière en 2022. Il attend que les tendances positives de l’évolution de la pandémie soient confirmées. «A court terme, nous restons prudent, nous restons focalisé sur nos clients, sur la poursuite de nos points de performance et aussi l’accroissement de nos capex, notamment pour renouveler nos trains», souligne Yann Leriche. A plus long terme, Getlink, peu émettrice de gaz à effet de serre par rapport aux ferrys, entend bien développer encore cet avantage concurrentiel (voir encadré). Alors que le Brexit a rendu le passage de la frontière plus complexe, le groupe veut encore simplifier les échanges dans l’optique de conforter sa croissance.

Pour Aletheia Press, Laetitita Brémont


Plan environnement : du GNR à l'Oléo 100

«On a publié l’année dernière un plan environnement ambitieux avec des objectif et un plan d’actions très clairs qui vise à réduire nos émissions de dioxyde de carbone de 30% en 2025», commente Yann Leriche. Avec l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050. A titre d’exemple, en 2021 Getlink a noué un partenariat avec le groupe Avril pour tester l’utilisation d’Oleo 100, fabriqué à partir d’huile de colza français, en remplacement du gazole non routier (GNR) des locomotives d’Europorte. «Nous avons montré que c’était possible, c’est aujourd’hui un vrai service commercial opérationnel que nous sommes en train de déployer dans toute la France avec plusieurs clients», poursuit-il.

Guerre en Ukraine : pas d'impact pour l'instant

«L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une situation géopolitique extrêmement préoccupante. Nous ne sommes pas capable de tirer des enseignements de ce qui va se passer. Mais, pour l’instant, les marchés sur lesquels nous travaillons estiment être à l’abri de cette offensive qui se situe à 2 000 km de nous. Elle n’affecte pas nos prévisions actuelles», analyse Jacques Gounon.