Entretien avec Frédéric Pissonnier, nouveau président de la Fédération régionale des travaux publics Hauts-de-France
«Nos entreprises restent confiantes»
Le secteur compte dans la région 650 entreprises et emploie 24 000 salariés : les travaux publics se portent plutôt bien, mais se heurtent à des difficultés de recrutements… Rencontre avec Frédéric Pissonnier, nouveau président de la Fédération régionale des travaux publics Hauts-de-France, qui dévoile les grands objectifs de son mandat.
La Gazette : Comment se porte actuellement le secteur des travaux publics ?
Frédéric Pissonnier : Avec la crise sanitaire, nous avons enregistré une baisse d’activité de 10%, ce qui correspond à l’arrêt forcé de l’activité au premier confinement, qui a très rapidement redémarré. Aujourd’hui, nous sentons que le marché est fébrile, sur la partie nord-ouest de la région notamment, et dans les métropoles, avec un manque d’appels d’offres et de volumes. Sur les autres secteurs, le marché se tient.
Il ne s'agit pas, je pense, d'une question de budget : les financements et les besoins sont là, mais on constate une baisse de la dynamique, peut-être liée à une nouvelle stratégie des collectivités en matière d’investissements. Il faut rappeler que la commande publique représente 70% du chiffre d’affaires du secteur. Si ce dernier se maintient actuellement, c’est grâce aux projets – de construction ou d’extension de sites – des industriels, qui soutiennent le marché depuis quelques mois déjà.
La pénurie de matières premières, dont les délais de livraison s’allongent, commencent à impacter l’activité : les véhicules de chantier sont, par exemple, aujourd’hui livrés avec des pièces manquantes. Mais malgré cela et des marges très fines, nos entreprises restent confiantes.
Le chantier du canal Seine-Nord Europe peut-il changer la donne ?
Le canal Seine-Nord Europe est sur les rails, mais ce sont pour les moments les grands terrassiers qui vont entrer en jeu. C’est un chantier à quasiment 5 milliards d’euros. Le chiffre d’affaires des entreprises des TPE, majoritairement des PME, s’élève, lui, à 3 milliards d’euros, et les travaux du Canal vont s’étaler sur plusieurs années. C’est un projet colossal et primordial pour l’économie régionale mais qui, à court ou moyen terme, ne constituera pas un appel d’air massif pour les entreprises des TP.
Les travaux publics se heurtent comme nombre de secteurs à des difficultés de recrutements. Quelles sont les solutions pour y remédier ?
Le recrutement représente, il est vrai, une de nos grosses problématiques : il manque 10% d’effectifs, avec 3 000 postes aujourd’hui disponibles. C’est notamment inquiétant pour les professions intermédiaires, comme les conduites de travaux, les métiers de comptabilité, de direction financière et administrative... Ce sont des compétences clés qui vont dans les prochaines années partir et seront difficiles à remplacer. Si le recrutement a toujours été historiquement difficile dans les travaux publics, nous n’avons cependant pas enregistré de pertes de salariés avec la crise sanitaire, ils sont souvent attachés à leur entreprise.
Mais nous devons communiquer davantage, et mieux, sur nos métiers, en resserrant nos relations avec Pôle emploi et les acteurs de l’insertion professionnelle. Nous devons casser l’image, que nous pouvons encore avoir, de l’ouvrier avec son marteau-piqueur. Beaucoup d’actions ont été mises en place pour améliorer les conditions de travail et réduire au maximum la pénibilité : la plupart des activités ont été mécanisées, avec du matériel de dernière génération ; les sacs de ciment n’excèdent pas les 25 kilos…
Il faut aussi savoir que les TP regroupent un grand nombre de métiers, variés, allant de la construction d’ouvrages à celle des routes, l’électricité, l’éclairage urbain, le tirage de fibre… Nous devons aller au-devant des jeunes, leur expliquer que les compétences peuvent leur offrir une belle carrière, avec des formations qui leur permettent de gravir rapidement les échelons de l’entreprise.
Nous avons la chance, en région, de disposer de nombreux centres de formation dédiés aux TP, comme le Campus des métiers et des qualifications d’excellence ou le lycée professionnel des TP à Bruay-la-Buissière. C’est une vraie richesse pour le tissu économique régional.
Développer l’alternance est un des autres axes de réflexion, mais il faut que le Gouvernement aide plus, financièrement, les entreprises. Le rapport coût/temps de présence dans l’entreprise du jeune n’est pas encore assez équilibré.
Dans l’imaginaire collectif, les TP regroupent des métiers dits masculins. Ouvrir davantage vos portes aux femmes fait-il partie de vos axes de travail ?
La parité homme-femme est effectivement une des priorités que je me suis fixées pour ce mandat. Il existe beaucoup de métiers qui s’adressent aux femmes : géomètre, ingénieur étude, électricien, soudeur, conducteur de travaux… On ne compte même pas 10% de femmes dans les TP, nous avons encore beaucoup d’efforts à fournir, nous pouvons facilement monter à 40%.
Et du côté de la transition écologique, quelles actions sont mises en place ?
Les TP sont aussi pleinement investis dans la transition écologique. Nous portons une attention particulière à la sécurité sur les chantiers, qui, pour certains, sont dotés de mini-déchetteries, de panneaux solaires, de systèmes de récupération d’eau de pluie… Nous allons également devoir apprendre à recycler davantage les déchets extraits de nos travaux. Même si le secteur ne représente que 4% des émissions de gaz à effet de serre, pour réduire notre empreinte carbone nous offrons, par exemple, la possibilité à nos salariés d’emprunter les transports en commun.
La FRTP Hauts-de-France, c’est :
- 650 entreprises de Travaux publics
- 24 000 salariés
- 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires