7ème édition du «Portrait financier des territoires urbains»
France urbaine demande un «bouclier tarifaire» pour les collectivités
En 2021, la situation financière des territoires urbains était saine, d'après la dernière étude de la Banque Postale pour France Urbaine. Mais l'association d'élus alerte sur les conséquences de la crise actuelle sur leurs investissements.
La
situation financière des territoires urbains était saine en 2021,
mais pour l'avenir, l'inquiétude prédomine. Le 14 septembre dernier, lors
d'une conférence de presse à Paris, Luc Alain Vervisch, directeur
des études de La Banque Postale présentait la 7ème édition du «Portrait
financier des territoires urbains»
avec France Urbaine, qui représente 2 000 communes où résident 30
millions d'habitants.
A
tous égards, 2021 fut «l'année
de reprise post-Covid»,
explique Luc Alain Vervisch. Cela s'est notamment traduit par une
augmentation de 2,6% des dépenses de fonctionnement qui ont atteint
62,1 milliards d'euros. Dans le détail, les frais liés au personnel
pèsent pour 45% de l'ensemble. Celles dites «générales»
qui comprennent énergie et prestations de service, 22%. L'importance
de ces postes de dépenses «ne
sera pas sans conséquences en 2022»,
note Luc Alain Vervisch. Évolution du point d'indice dans la
fonction publique, augmentation des prix de l'énergie, et inflation
qui impactera les factures des prestataires devraient contribuer à
les
faire
augmenter fortement.
Par
ailleurs, l'étude montre que depuis 2017, les dépenses
énergétiques des territoires urbains ont augmenté moins vite que
les coûts de l'énergie. Parmi les facteurs qui expliquent cette
tendance, «les
politiques d'économie d'énergie jouent un rôle»,
analyse le responsable.
Autre constat de l'étude sur la période récente (2021), les recettes ont augmenté de 4,4% par rapport à 2020, pour atteindre 73,6 milliards d'euros. «L'évolution des recettes de fonctionnement aussi est liée à la reprise post-Covid. Même si tous les équipements n'ont pas rouvert dans les mêmes conditions qu'en 2019, le produit des services a assez fortement augmenté. Toutefois, c'est avant tout la fiscalité qui a porté l'augmentation», poursuit Luc Alain Vervisch. En particulier, les ressources liées aux droits de mutation à titre onéreux ont augmenté de 19,5%, pour représenter 10% de la fiscalité. «Ils sont devenus l'élément structurant des recettes des collectivités territoriales. Il s'agit d'un phénomène fragilisant, car il pourrait se tasser», pointe Luc Alain Vervisch.
D'après l'étude, le «panier
des ressources fiscales»
des territoires urbains a fortement évolué en sept ans. Principal
changement, la part de la fiscalité directe locale a fondu, passant
de 65% en 2015 à 53% en 2021, principalement en raison de la
suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales.
Autre évolution, les dotations, participations et compensations
fiscales reçues par les territoires urbains ont cru de 3,2% en 2021,
mais cette hausse est uniquement portée par les compensations
fiscales, le reste diminuant de 0,2%.
D'après
la Banque Postale, 2021 a été marqué par une «reprise
des dépenses d'équipement».
Elles ont représenté près de 16 milliards d'euros, en croissance
de près de 7%. L'évolution tient à la difficulté de réaliser des
travaux durant la crise sanitaire et au décalage du calendrier
électoral qui a engendré des reports de projets. Globalement, les
grands domaines d'intervention des collectivités sont restés
stables depuis 2015 : voirie (17% des dépenses, en 2021), eau et
assainissement (11%), enseignement du premier degré (10%), sports (
9%), transports ( 8%).
Autre
constat de l'étude, en 2021, «l'encours
de la dette n'a que très peu augmenté»,
ajoute Luc Alain Vervisch. Il a crû de 0,9% pour atteindre 64,8
milliards d'euros. En 2021, les emprunts ont fortement diminué
(-14,2%), après la hausse de 16,7% en 2020.
Alerte
sur les investissements futurs
Ce
portrait financier des collectivités locales en 2021, plutôt
positif, méritait d'être actualisé, vu les bouleversements
qu'elles subissent depuis. Leurs investissements risquent d'en pâtir,
alerte France Urbaine. «Nous interpellons le gouvernement
sur la possibilité de mettre en place un bouclier pour les
collectivités . Nous aurons des échanges avec la Première
ministre sur ce sujet car les collectivités sont en grande
difficulté», annonce Arnaud Robinet, maire de Reims et
coprésident de la commission «Finances» de France urbaine. Dans
la ville dont il est l’élu, par exemple, la masse salariale
représente à elle seule 4 millions d'euros...
La Banque Postale a évalué les effets de la compensation actuellement prévue par l’État pour les collectivités afin de compenser les hausses des prix de l'énergie et de l'alimentation, ainsi que ceux de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique. «On peut avoir une vraie préoccupation», alerte Luc Alain Vervisch. Concernant ces postes de dépenses, en effet, les simulations montrent qu'un quart seulement des collectivités sont en mesure d'encaisser le choc...
Pour Arnaud Robinet, les élus sont
aujourd'hui confrontés à la quadrature du cercle : ils doivent
composer avec «la volonté de ne pas augmenter la pression
fiscale sur les citoyens et les entreprises», «la
mission d'accompagner l'activité économique» , et les
objectifs de durabilité. Résultat, «nous devons faire des
lissages, revoir les priorités sans remettre en cause
l'investissement global. Ce serait dommageable. Sur le plan national,
les collectivités locales représentent 70% des investissements et
jouent un rôle majeur dans l'économie des territoires»,
rappelle l'élu local.
Par ailleurs, si les communes jouent leur rôle pour appliquer à leur échelle la politique nationale de sobriété, «nous mettons en place des plans pour la sobriété énergétique, mais sans sombrer dans la démagogie», précise Arnaud Robinet. Certaines mesures, estime-t-il, relèvent du «symbole». A l'image des illuminations de Noël : à Reims, elles représentent un budget de 7 000 euros. Pour l'instant, Dijon Métropole, producteur d'électricité, ne connaît pas de problèmes d'explosion de ses factures énergétique. Mais son président François Rebsamen, également maire de Dijon, et coprésident de la commission «Finances» de France urbaine, insiste sur l'urgence de la situation : «chaque collectivité locale est dans une situation différente, selon son degré d'investissement dans la lutte climatique. Si elle n'a pas déjà pris de dispositions en ce sens, elle va le payer très cher».