Financements publics : quand 750 M€ peuvent devenir 6 Mds€
750 M€, c’est, stricto sensu, le montant des crédits nouveaux que l’Etat apportera dans la corbeille du contrat de plan Etat-Région 2015-2020. Montant qui passe à plus de 6 Mds€ à additionner l’ensemble des investissements publics prévus pour la Région sur cette période. La signature du protocole d’accord, le 18 mars, vaut engagement officiel des partenaires de ce contrat dans l’attente du contrat définitif attendu pour juin.
C’est donc la préfecture de région – faut-il y voir un symbole ? – qui a reçu le 18 mars Manuel Valls, Premier ministre, venu signer après une halte sur le site EuraTechnologies où il a annoncé l’arrivée d’un CEA Tech (lire par ailleurs), le protocole d’accord politique du CPER 2015-2020 avec Daniel Percheron, président du Conseil régional, les présidents du conseil général du Nord, Didier Manier, du conseil général du Pas-de-Calais, Michel Dagbert, et de la Métropole européenne de Lille, Damien Castelain.
Retour à une meilleure écoute. Démarrées difficilement du fait d’une première enveloppe «inacceptable» autour de 450 M€ quand l’Etat avait consenti 817 M€ pour le CPER 2007-2013, les discussions ont finalement pris un tour plus favorable pour la Région avec une proposition de l’Etat à 750 M€. Proposition présentée au Conseil régional le 17 décembre 2014 qui l’a entérinée et qui préfigure le contrat définitif attendu pour juin.
Pourquoi cette signature d’un protocole d’accord politique inédit ? Certes, les enjeux financiers de ce contrat sont importants et le gouvernement a dû tenir compte de la nécessaire maîtrise de la dépense publique qui, dit-il, impose de concentrer l’effort public là où son effet est maximal. L’établissement de ce protocole d’accord politique entre les futurs signataires est l’expression des priorités qu’ils ont choisies de partager dans sept domaines que sont les transports, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, la transition écologique et énergétique, le numérique, les entreprises innovantes, le développement territorial et l’emploi. Cette signature ouvre l’étape d’élaboration et de formulation du contrat lui-même qui devra être signé d’ici juin 2015, de façon à garantir au plus vite l’injection de ces crédits publics dans l’économie régionale..
Dans son allocution, Manuel Valls a bien sûr rappelé «le soutien de l’Etat» qui mobilise dans ce CPER 750 M€ de crédits nouveaux, montant très approchant de celui du CPER précédent (817 M€) et que la Région abondera d’un montant au moins équivalent dans ses domaines d’intervention. Complétés d’autres crédits d’Etat tels que ceux du plan Campus (130 M€), du programme d’investissements d’avenir (268 M€), des apports aussi des conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais ainsi que de la Métropole européenne de Lille, désormais associés au CPER, les crédits publics seront portés à hauteur de 2 Mds€.
Renforcé par une articulation avec les crédits européens pour 1,1 Md€ et par les investissements que réaliseront les collectivités et intercommunalités bénéficiaires des actions et projets inclus dans le contrat, le CPER concentrera dans la région, dans les six ans qui viennent, 4 Mds€ de crédits publics. Et si l’on vient y ajouter à cette forte mobilisation de crédits publics, les crédits de la rénovation urbaine ( M€), le canal Seine-Nord Europe, le projet portuaire Calais 2015, les investissements publics pour la Région entre 2015 et 2020 totalisent plus de 6 Mds€..
Sept axes majeurs. Les axes majeurs prévus par le protocole sont donc au nombre de sept.
− Les mobilités (ferroviaire, routier, fluvial, portuaire) vont mobiliser 337 M€ apportés par l’Etat et un montant équivalent par la Région, qui permettront 1,2 Md€ d’opérations, en particulier l’amélioration de l’accessibilité de la métropole lilloise, de l’Avesnois, du Valenciennois, du Littoral, une meilleure desserte des ports de la région, notamment 43 M€ pour la desserte ferroviaire du port de Calais, l’adaptation des canaux existants pour relier l’Escaut au futur canal Seine Nord Europe à grand gabarit pour 245 M€.
− La transition écologique et énergétique verra l’engagement de l’Etat à hauteur de 126 M€, abondé d’autant par la Région, dans la troisième révolution industrielle et la croissance verte, et assurer l’amélioration de l’environnement et des milieux ainsi que la prévention des risques accrus par le changement climatique.
− L’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation recevront 155 M€ de l’Etat (85 M€) et de la Région en faveur du soutien prioritaire aux projets de recherche qui s’inscrivent dans les enjeux de la Stratégie régionale d’innovation pour une spécialisation intelligente (SRI-SI) : santé, ressources marines, numérique, biologie et chimie des matériaux, transports et sciences humaines et sociales. Mais aussi à d’autres projets étendus à l’énergie ou en résonance avec la troisième révolution industrielle, aux projets immobiliers portant sur le logement étudiant ou encore des structures à forts enjeux de formation et de recherche tels que le learning center de Lille 3 ou l’Institut de recherche intégrée sur le cancer de Lille. Autant de projets qui s’inscrivent en cohérence et en complémentarité avec le plan Campus.
− Le numérique mobilisera 115 M€ au minimum en part Etat et un montant équivalent de la Région et des départements pour la construction du réseau à très haut débit sur l’ensemble du territoire, quand la couverture de l’ensemble du territoire en très haut débit est chiffrée à 730 M€. Dans le cadre du développement des usages du numérique, en lien avec la Stratégie de cohérence régionale d’aménagement numérique (SCORAN), s’inscrivent le plan de modernisation des systèmes d’information des centres hospitaliers, pour lequel l’Etat (Agence régionale de santé) propose de contractualiser 20 M€, et le développement du numérique dans le domaine culturel (tels les projets liés au Louvre-Lens).
− Les entreprises innovantes : 10 M€ seront apportés par l’Etat et partagés avec la Picardie dans le cadre d’un appel à projets expérimental à l’échelle régionale et non plus nationale, issu du Programme des investissements d’avenir (PIA). Ils seront abondés par les collectivités régionales actuelles à hauteur d’au moins le même montant. Par ailleurs, le soutien de l’Etat à la SRI-SI se manifeste par les mesures du PIA consacrées à l’Usine du futur et à l’innovation et les 34 plans de la nouvelle France industrielle avec un objectif de financement régionalisé de 55 M€, tant la région présente un potentiel de projets de qualité suffisamment important pour lui permettre d’atteindre cet objectif.
− Le volet territorial, septième priorité, doté de 52,4 M€ en part Etat, est destiné à réduire les inégalités entre les territoires et appuyer les stratégies et projets structurants des territoires. Il concernera particulièrement à la fois les territoires en mouvement et les territoires fragiles dans leurs projets de développement, en particulier l’ancien bassin minier autour de la dynamique UNESCO, le Cambrésis et la Sambre-Avesnois. Ce volet sera articulé avec la politique de la ville et le Nouveau Programme de renouvellement urbain, dont le Nord-Pas-de-Calais est, après l’Ile-de-France, la première région bénéficiaire avec environ 500 M€.
L’ensemble des mesures du CPER vise à relever le défi de l’emploi. En complément des crédits thématiques, 46 M€ seront apportés à parité par l’Etat et la Région pour appuyer la stratégie régionale concertée d’accompagnement des mutations économiques et de continuité professionnelle, et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Une attention particulière sera portée à l’égalité femmes/hommes.
L’engagement de l’Etat est désormais connu. Comme le Premier ministre l’a noté, le préfet de région a pu bénéficier de «marges de manœuvres accrues pour mieux prendre en compte les attentes locales». D’ici à juin, le Conseil régional pourra chercher à infléchir certains dossiers, mais les grandes lignes sont désormais connues. Le plus dur sera de concrétiser tous ces financements prometteurs de développement.
Un CEA TECH dans la Métropole pour dynamiser le tissu industriel
Profitant de son étape lilloise, sur le chemin menant de Paris à Bruxelles, Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé, lors de sa visite à EuraTechnologies, l’arrivée d’une plate-forme CEA (Commissariat à l’énergie atomique) TECH sur le territoire de la Métropole européenne de Lille. Cette plate-forme a pour vocation la mise en relation de la recherche fondamentale du CEA en lien avec les universités et les laboratoires de la région avec les besoins du tissu industriel dans une démarche de recherche et développement. Plusieurs domaines d’activités stratégiques sont d’ores et déjà ciblés : la santé-nutrition en lien avec Eurasanté, l’Internet des objets et le numérique avec EuraTechnologies et la Plaine Images, le textile/matériels innovants avec le CETI sur la zone de l’Union… Plus précisément, c’est une équipe pivot de sept permanents qui doit s’installer dès septembre sur la Métropole, avec pour mission de prospecter le tissu industriel afin d’affiner le choix des équipements techniques à mettre en œuvre. A moyen terme, ce sont trente chercheurs qui pourraient renforcer cette équipe. Cette plate-forme doit aussi être associée à deux démonstrateurs à Valenciennes sur le transport terrestre et à Dunkerque sur l’énergie. L’investissement annoncé pour cette plate-forme est de 40 M€ et la création de 1 500 emplois dans les cinq ans, évoqués par l’effet «irradiant» de cette plate-forme vers le tissu industriel.