Filière forêt-bois : acteur majeur de la croissance verte ?
«La filière forêt-bois est une filière d’avenir», déclare Jean-Emmanuel Hermès, directeur-général de France bois forêt, l’interprofession nationale de la filière forêt-bois. Cependant, seulement 56% du bois disponible est récolté dans la région, alors que consommer du bois issu de ces forêts ne menacerait pas cette ressource renouvelable. Le bois issu des forêts alimente une filière locale qui représente plus de 8 000 établissements et 43 000 emplois en Nord − Pas de Calais – Picardie, selon les sources de Nord Picardie bois et ses partenaires du contrat de filière forêt-bois. Selon ces mêmes sources, ce volume pourrait nettement augmenter si les forêts étaient mieux gérées, mieux entretenues et préparées aux événements climatiques de demain .
La surface forestière du Nord − Pas de Calais – Picardie a augmenté de 9% en quinze ans. Elle est de 428 000 hectares, avec un taux de boisement de 8,3% dans le Nord – Pas-de-Calais et de 16,8% en Picardie. Et 72% de cette surface globale appartient à des propriétaires forestiers privés. Ils sont 121 447 dont 10 000 qui possèdent plus de 4 hectares et représentent 220 000 hectares, soit 75% de la surface totale de la forêt privée régionale. Une enquête réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) met en évidence l’attachement des propriétaires forestiers à leur patrimoine et leur faible motivation quant à son exploitation commerciale. Le morcellement de la propriété forestière limiterait ainsi l’exploitation et la valorisation économique des forêts privées. Ce n’est qu’au-delà de 150 hectares que plus de 50% des propriétaires disent rechercher un produit financier et se considèrent comme producteurs de bois. Actuellement, ce sont essentiellement les grandes propriétés forestières qui alimentent le marché des coupes de bois.
Seuls 20% des propriétaires commercialisent le bois. Ainsi, seuls 20% des propriétaires interrogés déclarent que leurs bois leur rapportent de l’argent. Pour leur grande majorité, les bois sont un élément constitutif de leur patrimoine plutôt qu’un moyen de production et de revenus. Après l’autoconsommation, ce sont les dimensions immatérielles de la propriété forestière qui représentent les principaux bénéfices mis en avant par les propriétaires privés : le bois pour l’usage personnel (35%), l’espace de promenade et de loisirs (17%), le patrimoine à transmettre (17%), le cadre paysager (12%), l’espace de nature (10%), les champignons (8%), la chasse (7%), la vente de bois (5%), le produit financier (4%). Alors que la France est la quatrième nation forestière de l’Union européenne, on peut s’étonner que des industriels du bois importent aujourd’hui une grande partie de leur matière première d’Allemagne ou de Belgique.
Les politiques publiques. Afin de faciliter le développement de la filière de la construction en bois dans son ensemble, l’État a élaboré le plan «Industries du bois» en 2013 autour d’un projet fédérateur : la construction d’immeubles de 30 étages en bois d’ici 2030. D’autre part, le plan bois-construction de la direction habitat, urbanisme et paysages au sein du ministère de l’Écologie a été prorogé jusqu’en 2016. Son objectif est triple : valoriser dans la construction la ressource en bois feuillus, particulièrement abondante en France mais peu exploitée par l’aval de la filière ; améliorer l’attractivité des formations du bois pour développer les compétences et l’emploi au niveau national (selon le rectorat, il y aurait plus de 3 300 élèves et apprentis formés par an dans la région) ; promouvoir les solutions bois pour la réhabilitation des bâtiments et aboutir à la proposition de systèmes constructifs performants. Jean-Emmanuel Hermès compte notamment sur les prescripteurs, maîtres-d’oeuvre, designers et architectes pour faire partager à leurs clients les qualités d’un environnement en bois et susciter l’envie de s’engager dans de nouvelles constructions innovantes.
Les ressources du bois. Avec une productivité annuelle d’environ 7,5 m³ par hectare et par an (9 m³ en prenant en compte les branches), la forêt régionale se situe plus de 30% au-dessus de la moyenne nationale qui est de 5,6 m³ par hectare et par an. Dans la famille du bois, on dénombre trois éléments majeurs, le bois d’œuvre, le bois d’industrie et le bois de feu.
Le bois d’œuvre, destiné à être scié ou débité, est la partie du tronc comprise entre la section de base (souche) et la découpe dite «marchande» d’une longueur minimum de 2 mètres. Il est utilisé pour la construction de charpentes de maisons et pour la fabrication d’une multitude d’autres produits, souvent reliés à la construction et à la rénovation résidentielles. Le bois d’industrie, bois rond non transformé, est normalement destiné à des emplois industriels tels que des poteaux, de la pâte à papier, etc. Quant au bois de feu, il est utilisé pour le chauffage domestique et comprend des perches et autres parties hautes de l’arbre, ainsi que des sous-produits et des déchets de transformation.
La moitié de la récolte totale de bois issue des forêts régionales constitue du bois énergie. La majorité du bois d’œuvre quitte quant à elle la région et une part importante est exportée, majoritairement chez nos voisins européens, mais également en Asie et dans les pays du Maghreb. Dans le cadre du contrat de filière et du Pôle d’excellence régional bois, les partenaires cherchent à développer des filières courtes via de nouveaux débouchés pour les bois locaux, et ce, avec le soutien du conseil régional Nord – Pas-de-Calais – Picardie. Les objectifs fixés à l’horizon 2020 en matière environnementale reposent en grande partie sur la contribution déterminante de la forêt et du bois.
Lucy DULUC