Faire dialoguer TPE et administrations
Aplanir les différends entre une TPE et le service des Douanes, une petite et une grande entreprise... le Médiateur des entreprises s'efforce de créer un climat de confiance. Bilan de son action.
Un entrepreneur qui omet de déclarer son chiffre d’affaires de zéro euro et se voit pénalisé par l’administration pour sa non-déclaration : c’est l’un des cas qu’a contribué à résoudre le Médiateur des entreprises, dans le cadre de ses nouvelles missions. Le 3 octobre à Paris, Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, et Nicolas Mohr, directeur général de la médiation, dressaient un bilan de leurs activités.
Créée en 2010, la Médiation des entreprises, une structure publique, intervient traditionnellement pour aider petites et grandes entreprises à résoudre leurs différends sans recourir à la justice. Depuis mars dernier, dans le cadre de la loi Essoc (pour un État au service d’une société de confiance) promulguée en août 2018, le Médiateur des entreprises a lancé une expérimentation dans quatre régions : Normandie, Centre-Val de Loire, Grand-Est et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Au total, un bassin potentiel de 1,2 million d’entreprises concernées. Objet : aplanir les différends entre entreprises et administrations, qu’il s’agisse de fiscalité, de travail, des Urssaf, d’une déclaration mal remplie ou d’un permis de construire qui tarde à venir et bloque l’expansion de l’artisan qui veut agrandir son atelier… Le tout, par le dialogue.
Les domaines sont très divers. Exemple, illustre Nicolas Mohr, d’une TPE dont le matériel pour une exposition temporaire était bloqué en douane : «Nous avons fait une médiation pour que le matériel puisse être débloqué dans les temps utiles.» Autre exemple, celui d’une entreprise qui devait mettre aux normes ses machines suite à une modification d’une directive européenne. L’administration, contactée par la Médiation, a accepté un étalement des travaux de mise aux normes car il s’agissait d’un sujet «non critique», permettant à l’entreprise de poursuivre normalement son activité. Déjà, 128 médiations ont été réalisées. «On sent que cela répond à un besoin», commente Pierre Pelouzet pour qui ces premiers résultats plaident pour une extension de l’expérimentation, prévue pour trois ans, au reste du territoire.
Nouveaux défis numériques
L’activité traditionnelle de la Médiation entre entreprises continue d’augmenter. Après environ 1 200 saisines en 2017, elle a atteint le chiffre de 1 307 saisines en 2018. Lesquelles émanent à 92% de TPE et de PME (56% de TPE). Un chiffre demeure stable, celui du taux de réussite : 75% des médiations se concrétisent par un accord simplement oral ou alors un protocole écrit, qui, dans de rares cas, va jusqu’à être homologué par un juge.
Nouveauté : «de plus grandes structures commencent à venir nous voir, privées et même des administrations», note Pierre Pelouzet. Exemple, une grande entreprise qui produit en grande série un produit et projette d’arrêter un modèle sans vouloir l’annoncer, sous peine de faire fuir ses clients. Que faire alors pour son sous-traitant avec lequel elle a un contrat de trois ans, pour des pièces intégrées au produit ? Le recours à la Médiation permet de chercher une solution susceptible de convenir aux deux parties, comme une collaboration sur de nouvelles pièces. Pour la Médiation, ces grandes entreprises ont saisi l’intérêt d’une démarche afin d’éviter les temps, les coûts et la rupture que suppose une décision de justice. «C’est gratuit et rapide. En général, sur trois mois c’est réglé. Mais si au bout de trois ou quatre réunions, cela ne marche pas, c’est que ça ne marchera plus», note Pierre Pelouzet.
Autre évolution dans l’activité de la Médiation, l’essor des médiations entre petites entreprises et plateformes en ligne (50 en 2018). Exemple avec une TPE de moins de dix salariés qui vend des vêtements qu’elle-même achète et qui réalise environ 80% de son chiffre d’affaires via une plateforme. Déréférencée du jour au lendemain, incapable de trouver un interlocuteur à la plateforme, elle a recours à la Médiation. Laquelle obtient des explications de la plateforme : cette dernière a procédé au déréférencement car elle avait besoin de factures d’achat de la TPE pour elle-même être en mesure de démontrer que des articles de contrefaçon ne sont pas vendus via le site. Informé, le chef d’entreprise a fourni les documents et a été de nouveau référencé. Dans ce secteur où les règles sont nouvelles, «la démarche mêle médiation et pédagogie», analyse Nicolas Mohr.
Les entrepreneurs perdus dans les dispositifs d’accompagnement
En plus, la Médiation s’efforce de créer un climat de confiance en promouvant de nouveaux outils et en agissant à des niveaux plus globaux que l’entreprise. Dans le numérique, elle a ainsi élaboré, avec les plateformes, une charte des bonnes pratiques que presque toutes ont signée, à l’exception d’Amazon. «Nous sommes dans le préventif, nous nous réunissons en amont pour construire des solutions», précise Pierre Pelouzet. Une démarche déjà réalisée avec les acteurs de la filière ferroviaire, et actuellement en cours avec ceux de la construction.
Mais les activités de la Médiation sont également très basiques et l’une d’elle s’est imposée naturellement. «Nous sommes devenu un service d’orientation», raconte Pierre Pelouzet. En 2018, sur le site Internet de la Médiation, plus de 600 personnes ont cliqué sur le bouton «questionner le Médiateur». Mais bien souvent, les questions ne relèvent pas du Médiateur… En particulier, nombre d’entre elles sont liées à des difficultés financières. En fonction de la demande, les chefs d’entreprise sont alors dirigés vers le Médiateur du crédit, le correspondant TPE de la Banque de France ou le Médiateur de l’énergie…
Des cabinets de conseils dignes de confiance
«On a vu le mal que pouvaient faire certains cabinets en amenant des entreprises sur le CICE alors qu’elles n’y avaient pas droit», regrette Pierre Pelouzet. Sur le site du Médiateur des entreprises, une liste de 42 cabinets de conseil en crédit impôt recherche et crédit impôt innovation sont référencés, évalués comme fiables.