Joffrey Zbierski, nouveau président de l'AMN : «Faire connaître la réalité du terrain au-delà des grands discours»

Après deux années de vacances du poste, Joffrey Zbierski, maire de Provin, a été élu président de l'Association des maires du Nord (AMN), début janvier. Maire de Provin depuis 2014, il explique vouloir être un président accessible, en phase avec les réalités du terrain, et se tient prêt à soutenir les élus démunis face à la crise sanitaire et économique en cours.

Joffrey Zbierski, maire de Provin, a été élu président de l'Association des maires du Nord.
Joffrey Zbierski, maire de Provin, a été élu président de l'Association des maires du Nord.

La Gazette Nord-Pas-de-Calais : 2020 a été une année électorale perturbée. Selon vous, l'entrée en fonction des nouveaux maires a été difficile...

Joffrey Zbierski : Pour les nouveaux élus, la situation est très compliquée dans la mesure où il n'ont pas de contacts avec les administrés, les associations, les clubs de sport de la ville... Or c'est ce qui fait vivre la ville. 
Les maires travaillent sur des projets structurants par écrit, mais ils n'ont pas encore vraiment l'impression d'être élus. Heureusement, ils peuvent compter sur les anciens élus et les collègues voisins pour être épaulés... L'AMN manquait d'un patron pendant quelques années, mais je tire mon chapeau à l'équipe qui a su maintenir l'association. J'arrive dans des conditions particulières, et il y a beaucoup de choses à faire. Fédérer nos pairs, les tenir informés et garder un lien de proximité avec eux sera une priorité pour faciliter leur quotidien.


Concrètement, quels seront les chantiers qui occuperont votre mandat pour y parvenir ?

Nous avons construit un projet autour des retours que nous avons eu sur le terrain. J'ai rencontré environ 250 maires pendant la campagne, de août à décembre. Beaucoup estiment qu'il y a un manque de proximité entre les élus de l'association et les élus de terrains. Nous allons donc y travailler, notamment en créant un site d'informations en direction des maires pour répondre à toutes leurs questions. Un label des initiatives communales va aussi être mis en place pour mettre en avant le travail des élus, inspirer les autres, et ainsi motiver les troupes.
L'un des gros enjeux sera également de donner des formations en totale adéquation avec les spécificités des territoires : on ne peut pas faire une formation Urbanisme dans l'Avesnois comme on la fait sur le littoral ou en métropole. Il y aussi des formations qui concernent les strates de communes : on ne peut pas parler finances à Rainsars comme on en parle à Marcq-en-Baroeul...


D'ailleurs, l'état des finances des collectivités vous inquiète-t-il en cette période ?

Dans le milieu économique en général comme dans le milieu des collectivités, les plus riches resteront plus riches et les plus pauvres deviendront encore plus pauvres. Pour certaines communes, les coûts sanitaires (engendrés par l'achat de virucides, masques, gels hydroalcooliques et nettoyages supplémentaires...) se font au détriment d'autres projets, ou d'autres aides. Il y a des communes à 150 000 euros de budget annuel, qui sont à 100 euros près, et ce plus que nous ne le croyons ! Beaucoup se demandent comment monter leur budget pour l'année prochaine si ces coûts supplémentaires persistent.
Pour l'instant, seules les dépenses dues à l'achat des masques ont été prises en charge à 50% par l'Etat. Or, nous avons eu une baisse de la DGF (Dotation globale de fonctionnement, ndlr.) pendant quatre ans, et la taxe d'habitation va être figée. C'est-à-dire que le maire qui construit n'aura pas de nouvelles rentrées d'argent, alors qu'il va devoir apporter du service supplémentaire à ses nouveaux administrés.


Vous semblez dire que l'Etat ne soutient pas assez les collectivités...

Le soutien aux maires de communes rurales est un vrai sujet. On ne se rend pas compte de la détresse de certains d'entre eux. Ils ont de plus en plus de responsabilités et de moins en moins de moyens. A cela s'ajoute le bafouage de leur statut. Il y a de plus en plus d'agressions envers les maires, car à chaque décision gouvernementale, les administrés s'en prennent aux élus directement ; or, nous n'avons pas étés consultés. Aujourd'hui toutes les décisions sont descendantes : on nous donne un arrêté préfectoral et on applique sans forcément avoir été concertés avant. Nous faisons remonter des problèmes, mais il n'y a pas de suivi derrière. Je reprends l'exemple tout simple du cahier de doléances pendant la crise des gilets jaunes : nous n'avons eu aucun retour...
Nous avons le sentiment de n'être considérés qu'en cas d'urgence. Ce qui serait important serait de travailler avec le président des maires de chaque département et avec toutes les intercommunalités pour faire connaître la réalité du terrain au delà des grands discours. C'était d'ailleurs le projet fort de ma campagne : faire un sorte de s'exprimer d'une seule voix, quelles que soient les sensibilités, pour enfin être entendus.