Évolution : Vers le recrutement à l’américaine ?
Dans le cénacle du recrutement, les méthodes changent rapidement. Si CV, lettre de motivation et entretien d’embauche demeurent des piliers hexagonaux, les recrutements inspirés des modes américains commencent à se faire une place. Entre réalité et fiction, analyse du pourquoi et du comment.
De nouvelles formes de recrutement pourraient à court terme casser les codes des traditionnels entretiens d’embauche formels à la française. Venus des États-Unis, elles privilégient un côté direct à l’extrême, voire spectacle, dépassant le seul tête-à-tête recruteur-candidat. Avec 6 millions d’Américains sans emploi (taux de chômage de 3,7 %, le plus bas depuis 50 ans), les employeurs voient affluer les demandes. Une telle déferlante que le simple barrage de l’entretien traditionnel ne suffit plus à endiguer. Google reçoit ainsi plus d’un million de CV par an. En matière de stratégie d’embauche, l’entreprise de Californie fait figure de pionnière. Ses questionnaires, que certains qualifient de loufoques, sont désormais aussi célèbres que redoutés. Florilège : «Un homme a poussé sa voiture jusqu’à l’hôtel et perdu toute sa fortune. Que s’est-il passé ?», «Concevez un plan d’évacuation pour la ville de San Francisco», «Combien feriez-vous payer pour le nettoyage de l’ensemble des vitres de la ville de Seattle ?», «Combien de balles de ping-pong peut contenir la mer Méditerranée ?» Les études montrent que les entretiens traditionnels n’en révèlent pas assez. Il faut donc pousser le curseur plus en avant pour tester la créativité, l’ouverture d’esprit et la flexibilité des candidats. On aurait tort de croire que ces entretiens sont réservés aux seuls geeks de la Silicon Valley. Conseil, banque, agroalimentaire, distribution… les utilisent.
L’entretien made in USA
Les précurseurs du genre sont en réalité les Britanniques. Depuis plus de cent ans, les étudiants aspirant à intégrer l’élite des universités d’Oxford et de Cambridge doivent se soumettre au fameux test Oxbridge, dont l’une des questions phare est devenue la marque de fabrique : «Préféreriez-vous être une pomme ou une banane ?» Aujourd’hui, aux États-Unis, les entreprises optent pour des méthodes de recrutement relevant plus de l’expérience psychologique que de l’entretien d’embauche. Elles s’inspirent des émissions de télé-réalité, des jeux télévisés ou encore des techniques d’audition d’acteurs, afin de trouver la perle rare. Dans la forme du dialogue recruteur-candidat, la différence est importante entre le modèle français et son homologue américain. Le premier est plutôt taxé de courtois et distant. Le second se caractérise par une grande décontraction… de façade. Via un entretien aux accents positifs, le recruteur U.S. cherche à installer une ambiance agréable, laissant le candidat aller au bavardage… pour l’interrompre brutalement, passant en une minute de la détente à une froide rigueur. De quoi désarçonner un «frenchie». Par cette attitude, le recruteur ne met pas fin à la conversation, coupant la parole pour obtenir une information qui lui manque, sans attendre que le candidat aille au bout de son explication. Au pays de l’Oncle Sam, le candidat doit faire preuve de beaucoup de confiance et d’affirmation. L’humilité, appréciée en France, n’est pas forcément bien vue ici. De ce côté de l’Atlantique, il est bon de dire qu’on a envie de construire, d’apporter sa pierre à l’entreprise, les recruteurs aimant la volonté et la motivation à faire quelque chose de remarquable.
Money is money
Une caractéristique du recruteur américain : il jauge le degré de réussite et de performance du candidat, en axant une partie de ses questions sur la maîtrise d’un budget, la capacité à tenir la distance en termes de chiffre d’affaires demandé. Si en France, les recruteurs veulent du tangible, la barre est placée plus haute en version outre-Atlantique. Le sens du business au pays de l’Oncle Sam, ce n’est pas une légende urbaine.