Evaluation de produits «Quirky» : un ustensile multifonction plébiscité

 

D’aucuns parlent d’”open innovation”. Certains de “crowdsourcing”, utilisation de la créativité et de l’imagination d’un grand nombre de personnes. Pour Quirky et son partenaire Auchan ainsi que pour d’autres, on préfère dire “cocréation”. «On ne se contente pas de prendre les idées des gens, il y a une rencontre avec la communauté, échange et partage des idées», indique Agathe Anselme, animatrice chez Quirky, plate-forme new-yorkaise de l’innovation. Des consommateurs associés à la conception du produit : un nouveau management de l’innovation où le processus habituel de la création est quasiment inversé.  Le 13 mai à EuraTechnologies, six inventions ont été soumises à une partie de la communauté “Quirky”, laquelle compte un peu plus de 6 500 membres en France.  Seule une a été retenue. L’heureuse élue pourrait se retrouver dès cet été dans les rayons d’Auchan. Il s’agit de “Krokozine”. «C’est un produit en quatre : décapsuleur, ouvre-boîte, perce-égouttoir et tire-anneau», explique Guillaume Lapierre, inventeur avec son associé, Jacques Lestideau, du “Krokozine”. Remarques et suggestions ont été faites par les membres de la communauté en ligne et en présentiel. La plupart se sont cristallisés sur l’aspect sécurité du produit. «Je suis fan, mais je le trouve dangereux, en particulier pour les enfants à cause des dents qui sortent», a indiqué un jeune membre. Et d’autres de proposer des solutions pour remédier à cet inconvénient… «Le ‘Krokozine’ n’est pas plus dangereux que la lame d’un couteau, s’est dit Guillaume Lapierre. Nous allons toutefois tenir compte de la remarque, car nous y avons pensé nous-mêmes avant. L’idée c’est de créer un capuchon en plastique qui va se glisser sur le produit quand on ne l’utilise pas.» Certains ont trouvé qu’il manquait une cinquième fonction au Krokozine : le tire-bouchon. «On y a pensé, mais la vrille du tire-bouchon dans le manche ne permettait pas de préserver l’aspect ambidextre du Krokozine et rajoutait de la dangerosité.»

C’est la troisième évaluation produits “Quirky” en France. Le “Rem’Pote”, pot de fleur rétractable actuellement commercialisé par Auchan, avait connu le même parcours de conception.

Se pose alors la question de la propriété de l’invention issue d’un processus de cocréation. «Je pense que les créateurs ou apporteurs d’idées sont soumis aux conditions générales de Quirky, explique Jean-Louis Mouton, un expert de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Le fait de cocher vaut signature du contrat. Pour analyser ces clauses il faut l’intervention d’un avocat en propriété intellectuelle. Il y a aussi le contrat entre Quirky et Auchan, ainsi que les droits français qui s’appliquent…» Si le volet juridique paraît complexe et reste l’affaire de spécialistes, la créativité devient quant à elle l’affaire de tous.

 

Encadré :

«Un bon réservoir d’idées…»

Blandine Fraissé, consultante en créativité, fondatrice de Co-Ideas et intervenante à l’université Lille 1

La Gazette. Vous avez souvent affirmé que «nous sommes tous créatifs». La démarche de cocréation semble le confirmer.

Blandine Fraissé. Oui, dans l’idée c’est une bonne démarche pour les internautes de montrer leur créativité et pour les donneurs d’ordre, un bon réservoir d’idées.

 

Comment l’entreprise doit-elle articuler ce type de management de la créativité avec sa R&D en interne ?

Le crowdsourcing est une source de créativité très riche pour les entreprises. Comme toute chose, elle doit être cadrée et dirigée. C’est le rôle de la R&D, avec un jury ou comité de pilotage transversal, de sélectionner les pépites pour les mettre ensuite en mode projet par des équipes spécialistes en lien avec l’apporteur d’idée.

 

La cocréation est-elle compatible avec les exigences de confidentialité quelquefois nécessaires dans le management de l’innovation ?

Les sujets mis en partage sur les plates-formes ne sont pas confidentiels. La créativité c’est l’art de trouver des idées nouvelles (ouvert à tous et donc non confidentiel) et l’innovation c’est l’art de les mettre en œuvre (confidentialité). Oui, c’est compatible et aussi ouvert à la concurrence qui peut venir faire son marché.