Bilan de l'activité judiciaire 2020
Jean-Luc Carbonnier, nouveau président du tribunal de commerce d’Arras
L’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce d’Arras s’est tenue dernièrement sous la présidence de Jean-Luc Carbonnier, avec l’arrivée de cinq nouveaux juges, en présence réduite des invités compte tenu de la crise sanitaire. Nous avons rencontré Jean-Luc Carbonnier, nouveau président, pour recueillir ses premières réflexions et en tirer quelques tendances pour la période difficile qui semble s’annoncer pour les entreprises.
La Gazette : Vous êtes un homme de terrain... Pouvez-vous vous présenter succinctement ?
Jean-Luc Carbonnier : Natif de Carvin, j’ai 61 ans. Après un DECS comptable à 20 ans, j’ai assez rapidement créé, en 1990, ma société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes à Lens. Depuis, j’ai développé mon activité autour de trois cabinets et avec une soixantaine de collaborateurs dans un triangle qui m’est cher : Lens, Arras et, par reprise d’un cabinet, Houdain près de Béthune.
Et votre engagement au sein du tribunal de commerce ?
J’ai été installé juge en 2009 sous la présidence de Jean-Claude Milot, puis successivement juge des référés, juge-commissaire, président de chambre, avant d’être nommé président du tribunal le 16 novembre 2020. J’ai donc connu la refonte de la carte judicaire en 2009, qui a réuni les tribunaux de commerce d’Arras et de Béthune au sein d’une seule et même juridiction consulaire et fait passer le nombre de magistrats de 12 à 28.
Quels sont les chiffres principaux de l’année judiciaire qui vient de se terminer ?
L'année 2020 a connu un épisode de forte baisse dans les procédures collectives. Leur nombre est passé de 482 en 2019 à 348 en l’an 2020, soit une baisse de 28%. Il faut noter que le tribunal gère en moyenne 600 procédures collectives par an. Faut-il s’attendre au pire pour 2021 ?
Les ordonnances de référés sont passées de 97 à 58, soit une baisse de 40%. Les jugements au fond ont suivi la même tendance, de 372 à 234, soit une baisse de 37%. Les injonctions de payer s’élèvent à 866 contre 1 277 en 2019, soit une baisse de 32%. Cette baisse peut, entre autres, être expliquée par deux éléments significatifs : la grève des avocats début 2020 et la Covid-19 avec ses périodes de confinement.
Côté registre du commerce, les formalités sont restées stables à 14 508 actes, avec une bonne nouvelle : la création d’entreprises en augmentation, qui est passée de 4 304 à 4 490, soit + 4%. En passant de 10 049 à 8 654, le dépôt des comptes annuels est en baisse, soit - 14%. Il est à noter que des reports pour le dépôt des comptes ont été accordés pendant la période Covid-19 par la loi d’urgence. Le nombre d’inscriptions de privilèges et nantissements est également en forte baisse : de 21%.
Comment le tribunal de commerce d’Arras a-t-il traversé cette période dans ce contexte sanitaire ?
Comme toujours, nous avons reçu des dirigeants d’entreprise en difficulté, à la fois ceux qui en faisaient la demande lors des audiences du président et ceux qui, sur la base des données du greffe, présentaient ce que nous pouvons qualifier de signes extérieurs de difficultés.
À ce propos, nous remercions particulièrement notre greffier, Jean-Marc Parmentier, et son équipe pour leur collaboration efficace de tous les instants et dont la qualité est partie intégrante de la bonne marche d’un tribunal.
La première période de confinement de la Covid-19 (du 16 mars au 11 mai) a été traitée dans l’urgence par des audiences dématérialisées avec l’accord du procureur de la République.
Durant la deuxième période, à partir du 11 mai, nous avons été dans les premiers tribunaux de commerce à tenir des audiences en présentiel, en respectant les gestes barrières, la gestion des flux et notre sécurité. Cette nouvelle organisation, qui est toujours opérationnelle, nécessite la présence de trois greffiers à l’audience et l’implication complète des juges consulaires, du ministère public, des auxiliaires de justice, mandataires et administrateurs judiciaires.
Cinq nouveaux juges ont été installés. Le recrutement continue ?
L'année 2020 a connu encore un renouvellement important puisque 11 juges parmi les 28 du tribunal se représentaient ou se présentaient pour la première fois à l’élection consulaire. En plus des 5 juges nouvellement installés, 6 juges ont été confirmés. J’en profite pour les remercier pour leur engagement dans la justice consulaire. Pour le monde des entreprises des trois arrondissements du ressort de notre tribunal, il nous faut sans cesse trouver de nouveaux juges, et nous remercions la presse locale de nous y aider.
Rappelons une fois de plus que l’intérêt de cette justice commerciale est avant tout de traiter rapidement les contentieux, et d’aider de façon efficace et rapide les entreprises en difficultés grâce aux connaissances et à l’expérience accumulée des juges.
Il faut rappeler également que l’éloignement et le bénévolat constituant probablement des limites difficiles à franchir par les ressortissants de certaines zones économiques, il faut sans doute les (re)sensibiliser à la justice consulaire.
Quelles sont vos réflexions immédiates suite à votre première audience solennelle et dans cette période difficile pour vos ressortissants ?
Le tribunal est opérationnel. Les audiences, avec toutes les précautions sanitaires qui s’imposent, ont été rétablies très tôt. Concernant les entreprises, l’État a pris des mesures fortes pour soutenir l’économie, nous sommes à leur disposition pour les accompagner.
Par ailleurs, j’observe un fort retour de demandes de fonds de premier secours (pour les entreprises jusqu’à 25 salariés, au chiffre d’affaires supérieur à 50 000 € et avec au moins trois ans d’existence), qui ont pour objectif de faire face aux imprévus de la crise sanitaire.
Cinq nouveaux juges
. Jean-Michel Baudry, dirigeant retraité dans la vente de distribution de matériaux.
. Philippe Bluszcz, ancien directeur des ressources humaines d’un groupe alimentaire, juge consulaire à Arras de 2014 à 2019.
. Cathy Caresmel, directrice des ressources humaines d’une société industrielle, ancien juge consulaire à Douai pendant trois ans.
. André Desjonquères, dirigeant retraité, consultant dans le domaine agroalimentaire.
. Philippe Maillard, gérant d’une société de prothèses dentaires.