Entreprises et cotisations sociales : du côté des tribunaux
Revue de récentes décisions en matière de contrôles et redressements Urssaf.
Opérations de contrôle
En application des articles L. 8271-1-2 et L. 8271-6-1 du Code du travail, les inspecteurs et les contrôleurs du travail ne peuvent demander à une personne présente sur les lieux de justifier de son identité dans le cadre de cette procédure sans son consentement à être entendue. Cette obligation ne saurait être allégée - sauf à réduire les droits des personnes contrôlées et à permettre aux agents de contrôle compétents d'user de prérogatives attentatoires à une liberté publique - lorsque le procès-verbal est transmis à l'Urssaf, aux fins de mise en recouvrement des cotisations et contributions sociales, ni en l'absence du représentant de l'employeur lors des opérations de contrôle. (Colmar, Chambre sociale section SB, 19 mai 2022, RG n° 20/01541).
Travail dissimulé : solidarité financière
Faute d'avoir procédé à la vérification des attestations qui ont été remises, le donneur d’ordre a failli à son obligation de vigilance, sans qu'il ne soit besoin de s'attacher plus avant au contenu de la vérification à opérer. Le fait d'avoir cessé sa collaboration, après avoir été averti de ce que son cocontractant effectuait du travail dissimulé par dissimulation d'emploi, ne l'exonère pas de la solidarité financière, les dispositions invoquées de l'article L. 8222-5 alinéa 1er n'étant applicables qu'aux sociétés qui avaient procédé aux vérifications qui leur incombaient, au moment de la signature des contrats. Le donneur d’ordre est donc tenu solidairement des cotisations omises au regard de la constitution du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié de son co-contractant, dont il ne discute pas la réalité. (Paris, 6, 12, 13 mai 2022, RG n° 17/12884).
Réponse aux observations
Les dispositions légales n'exigent pas, à peine de nullité des opérations de contrôle, que la réponse aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations soit signée de l'ensemble des inspecteurs du recouvrement ayant procédé à ces opérations. Il est toutefois nécessaire que figure au moins la signature d'un des agents ayant procédé au contrôle. L’irrégularité affectant la lettre de réponse de l'Urssaf aux observations de la société cotisante entraîne la nullité des mises en demeure qui lui ont été notifiées. (Bordeaux, Chambre sociale section B, 19 mai 2022, RG n° 19/03199).
Mises en demeure
Aucune disposition légale n'impose à l'Urssaf de détailler son calcul des majorations de retard sur la mise en demeure. (Colmar, Chambre sociale section SB, 19 mai 2022, RG n° 19/01297). La mention «absence de versement» est une motivation suffisante pour une mise en demeure pour le recouvrement de cotisations déclarées, mais non réglées. (Paris, 6, 12, 13 mai 2022, RG n° 18/0999). Faute de preuve de son envoi par courrier recommandé, la mise en demeure est nulle en application des dispositions de l'article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale. Cette nullité prive de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet. En l’espèce, l'avis de réception produit par l’Urssaf ne portait aucun tampon dateur de la poste.(Paris, 6, 12, 13 mai 2022, RG n° 18/06536)
Contraintes
Puisqu'il n'est pas établi que le signataire disposait d'une délégation de pouvoirs au moment de la signature, aucun document probant n'étant produit par l’Urssaf à cet égard, il y a lieu d'annuler la contrainte. (Paris, 6, 12, 13 mai 2022, RG n° 18/06536).
Recours
Dès lors que le cotisant saisit la Commission de recours amiable de la totalité d'un redressement, sa réclamation, quelle que soit sa motivation, vise l'ensemble du redressement. (Bordeaux, Chambre sociale section B, 19 mai 2022, RG n° 19/03199). Dès lors que les multiples informations sur la mise en demeure ne permettent pas de connaître l'adresse du siège social de l'Urssaf et celle à laquelle la contestation doit être envoyée, le délai de recours n’a pas commencé. (Versailles, chambre 5, 19 mai 2022, RG n° 21/00292).
François TAQUET, avocat,
Spécialiste en droit du travail et protection sociale