Entrepreneurs : messages entendus, pas pour tous…

Début de semaine dernière, place Charles III à Nancy, les entrepreneurs et commerçants ont répondu à l’appel de la CPME 54 pour faire entendre leur voix. Les annonces présidentielles sont dans l’ensemble bien accueillies mais bon nombre d’interrogations perdurent.
Début de semaine dernière, place Charles III à Nancy, les entrepreneurs et commerçants ont répondu à l’appel de la CPME 54 pour faire entendre leur voix. Les annonces présidentielles sont dans l’ensemble bien accueillies mais bon nombre d’interrogations perdurent.

La mobilisation des commerçants semble avoir payé ! La réouverture le week-end dernier des commerces dits «non essentiels» s’affiche comme une petite bouffée d’oxygène dans l’univers entrepreneurial même si l’inconnu du réel retour sur la durée des clients perdure. Tous les secteurs sont loin d’être logés à la même enseigne. Les restaurants et les bars demeurent rideau fermé tout comme les salles de sport et l’événementiel ne voyant toujours pas le bout du tunnel. Les plans d’aides complémentaires de l’État vont permettre, pour certains, de tenir, mais jusqu’à quand ?

«Tous à terre, tous atteints (…). Aujourd’hui, nous voulons nous relever, laissez-nous retravailler !» C’était le 23 novembre dernier, place Charles III à Nancy. Des entrepreneurs et commerçants, tous de noir vêtus en signe de deuil, entonnent à l’unisson cette doléance dans une ambiance pesante et digne. «Nous sommes en deuil, en deuil de notre chiffre d’affaires», lance une participante. Un genou à terre à chaque énumération des métiers touchés de plein fouet par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, ils se relèvent inlassablement déterminés à continuer le combat du maintien de leur activité. «L’objectif était d’apporter notre soutien aux commerces dits «non essentiels». Nous avons décidé de donner un peu de voix pour ces entrepreneurs tout comme aux restaurateurs qui, eux, ne devraient rouvrir qu’à partir de l’année prochaine. C’est un mouvement symbolique ! Descendre dans la rue n’est pas vraiment dans notre ADN vu la situation, montrer notre soutien et notre présence s’avérait nécessaire», explique Franck Bersauter, le président de la CPME de Meurthe-et-Moselle, instigatrice de ce mouvement suivi par la quasi-totalité des organisations professionnelles et syndicales patronales. Le lendemain, Emmanuel Macron, le président de la République annonçait dans son allocution du soir, la réouverture de l’ensemble des commerces à partir du 28 novembre. Le message semble donc avoir été entendu mais les concernés n’attendent pourtant pas de miracle. «C’est certain, c’est une bouffée d’oxygène mais il ne faut pas se voiler la face, cela sera tout simplement impossible de récupérer ce que nous avons perdu », explique une commerçante du centre-ville nancéien. Le protocole sanitaire mis en œuvre avec, notamment, l’impératif du 8 m² par personne interroge également bon nombre sur sa réelle mise en place.

Perfusion et complexité

«Quand on y regarde bien, on se demande même si cela sert réellement à quelque chose de rouvrir», confie un commerçant. Des témoignages comme ceux-ci sont nombreux et au-delà de la vague d’optimisme et de détermination mise en avant par bon nombre, il n’en demeure pas moins que la résignation apparaît plus que palpable même après l’annonce d’un calendrier. «C’est un sujet auquel il faut réellement s’intéresser. Bon nombre d’entrepreneurs sont aujourd’hui dans une situation psychologique dramatique», assure Franck Bersauter, le président de la CPME de Meurthe-et-Moselle. La bouffée d’oxygène annoncée ne concerne pas tous les pans des activités attractives qui font vivre les cœurs de villes. Les bars et les restaurants vont, eux, demeurer encore fermés pendant plusieurs semaines. «C’est bien tout le monde a une pensée pour nous mais l’empathie ne résout pas grand-chose. Nous, nous restons fermés», explique le patron d’une brasserie nancéienne. Les aides étatiques de nouveau gonflées (voir encadré) doivent permettre de tenir, mais jusqu’à quand ? «Il ne faut pas se leurrer, être sous perfusion cela ne dure qu’un temps même si vous augmentez la dose. C’est naturellement bienvenu mais si vous ajoutez à cela la complexité pour monter un dossier et que vous vous retrouvez avec des personnes qui abandonnent. Bon nombre vont jeter l’éponge !»

L’événementiel oublié….

Le goût est encore plus amer pour d’autres secteurs, à l’image des salles de sport qui elles sont tout simplement à l’agonie. Le secteur de l’événementiel professionnel est lui aussi en perdition. «Notre secteur est le grand oublié des annonces du président de la République», assure Olivier Roux, le président de l’Unimev (Union française des métiers de l’événement dont Béatrice Cuif-Mathieu, directrice générale de Destination Nancy est vice-présidente et présidente du groupement des gestionnaires de sites au sein de cette fédération) dans un communiqué. «Nous saluons le plan d’aides complémentaires annoncé, notamment l’octroi de 20 % du montant du CA de l’an passé en espérant que ce nouveau dispositif soit adapté à nos entreprises et au modèle économique de notre activité. Le gouvernement doit clarifier qui en sera exactement bénéficiaire : les gestionnaires de sites ? Les organisateurs d’événements et les prestataires directement impactés par les fermetures de sites ?» Les interrogations demeurent nombreuses et les inquiétudes plus que palpables : «alors que nous sommes un acteur majeur du rayonnement économique, avec plus de 450 000 emplois équivalent temps plein, 40 milliards de retombées économiques pour les territoires, les «stop and go» successifs du gouvernement et le peu d’attention nous poussent inexorablement à envisager le pire. De nombreuses sociétés événementielles, déjà à l’agonie, ne seront plus présentes dans quelques semaines si rien n’est réellement fait.» L’optimisme souhaité et vanté par certains ne peut se décréter dans tous les secteurs. Chaque secteur, chaque activité affiche ses spécificités, ses inquiétudes propres. Le corporatisme fort peut ressurgir rapidement au galop au détriment d’un collectif aujourd’hui mobilisateur mais pour combien de quand ?

Le Medef 54 entend accélérer

«Si les entreprises ne sont pas réellement aiguillées, les défaillances vont prendre des proportions incommensurables»  dixit Christine Bertrand, présidente déléguée référente RH du Medef 54. «Il faut flécher les entreprises qui ont des difficultés de trésorerie. Des solutions existent comme le mandat ad hoc, la conciliation, la renégociation des dettes. Sur ce point l’État a débloqué un fond de 1,5 milliard pour ces entreprises. Nous devons éviter à tout prix des dépôts de bilan en cascade.» La représentante patronale met en avant également le fait que «la commission des chefs de services financiers du territoire est trop connue de la part des entreprises et elle peut être d’un soutien indéniable.» Le Medef 54 travaille aujourd’hui sur la mise en place d’un genre de cellule spécifique renforcée pour permettre d’aiguiller les entreprises en difficulté dans les différents dispositifs disponibles et leviers rapidement actionnables.

Aides éco dans le 54

À l’occasion d’un point presse la semaine dernière, la préfecture de Meurthe-et-Moselle a fourni quelques chiffres concernant l’accompagnement de l’activité économique. 141 M€ ont été versés à 10 000 entreprises du département et ont bénéficié à 76 000 salariés. Les PGE (Prêt garantis par l’État) affichent les 695 M€ pour 4 650 entreprises. Le Fonds de solidarité a lui mobilité 43,5 M€ pour 12 800 entreprises. Son plafond est fixé à 10 000 € mais les nouvelles mesures entrées en vigueur la semaine dernière, la perte de CA de plus de 20 % peut s’y substituer. À noter que le report de charges fiscales affiche les 15 M€, celui des charges sociales à 59,8 € pour le régime général et 87 € pour les indépendants.