Sécurité : Entre reprise et nouvelles incertitudes...

Filière économique jugée essentielle pour le pays, notamment, dans un rapport d’une mission d’information sur les enjeux économiques de la sécurité privée déposé fin mai à l’Assemblée nationale, le secteur de la sécurité affiche des paradoxes de taille et des différences sectorielles importantes. Dans la région, comme partout dans l’Hexagone, le fossé entre la sécurité privée des personnes et ceux de la sécurité version Tech apparaît se creuser de plus en plus. La sécurité privée des personnes est, de nouveau, confrontée aux incertitudes liées à l’évolution néfaste de l’épidémie de Covid-19 tandis que sa consœur version nouvelles technologies apparaît plus que tirer son épingle du jeu d’un climat sécuritaire aux courbes exponentielles.

Le secteur spécifique de la sécurité électronique apparaît celui qui tire le plus son épingle du jeu dans une conjoncture toujours incertaine aujourd’hui pour le secteur de la sécurité privée des personnes.
Le secteur spécifique de la sécurité électronique apparaît celui qui tire le plus son épingle du jeu dans une conjoncture toujours incertaine aujourd’hui pour le secteur de la sécurité privée des personnes.

Jeudi 18 novembre, dans les locaux nancéiens d’une société spécialisée dans la sécurité privée des personnes. Un des collaborateurs, présent depuis le début de l’aventure de cette structure, reçoit un chèque de 1 000 € à l’occasion d’une petite cérémonie sous contrôle des gestes barrières. «Un geste un peu symbolique mais à l’heure où les entreprises sont pointées du doigt pour leur manque de valorisation de leurs salariés, cela ne peut pas faire de mal !» Voilà dix ans que le pilote de cette structure reconnue sur la place nancéienne et ailleurs a lancé son entreprise. L’évolution de ce secteur spécifique de la sécurité des personnes, il l’a vécue au quotidien et assure toujours que la plus importante des problématiques demeure la réelle reconnaissance de son métier. Un bilan (enfin) constaté dans le rapport d’une mission d’information déposé à l’Assemblée nationale à la fin mai par les députés Jacqueline Maquet et Dino Cinieri sur les enjeux économiques de la sécurité privée. «Le secteur de la sécurité privée reste assez largement méconnu en dépit de son développement important dans le pays ces dernières années», note le rapport passant au crible les différents secteurs de cet univers englobant une mosaïque de métiers. La sécurité privée des personnes est la partie la plus visible car la plus au contact avec le public. 


Difficultés de recrutement

«Nous sommes en première ligne directement au contact avec les personnes. Nous l’avons bien ressenti lors des déconfinements, nous avons été sollicités pour sécuriser les reprises de manifestations ou encore la réouverture de certains grands centres commerciaux», continue le dirigeant nancéien. Reste que la période passée a laissé des traces et des nouveaux comportements à venir. Après plus d’un an et demi de crise sanitaire, il assurait il y a quinze jours «avoir retrouvé un semblant d’activité normale» avec une perte globale d’activité de plus de 30 % par rapport à 2019. L’évolution de l’épidémie est de nouveau passé par là. «Nous n’en sommes pas sortis, loin de là ! Si un retour de non visibilité arrive, l’on pourrait se retrouver dans une situation comme au début de la crise sanitaire.» Le secteur a été l’un des derniers à reprendre car grandement lié au secteur de l’événementiel. Une reprise avec une donne récurrente qui apparaît s’être accélérée avec la période pandémique : les difficultés de recrutement de plus en plus tendues. «Entre 2020 et 2021, sept CDI de mon entreprise ont démissionné ! D’habitude à cette période de l’année, mon bureau est envahi de curriculum vitae, aujourd’hui je n’en ai quasiment aucun. Nous mettons tout en œuvre en matière de communication pour tenter de capter des candidats.» Dans leur rapport, ce manque d’attractivité du secteur, les députés Maquet et Cinieri le pointent également du doigt. «Les difficultés présentes dans ce secteur, en particulier pour les activités de surveillance humaine, se traduisent par un niveau d’attractivité professionnelle réduit et par des conditions de travail souvent peu satisfaisantes pour les personnels employés. On observe un turn-over important dans la surveillance humaine en raison des conditions de travail difficiles et un niveau de rémunération faible. Le taux de rotation des effectifs y est élevé, avec un taux de départs de 93,5 % en 2019 ce qui indique des difficultés importantes pour conserver les personnels.» Constat établi par bon nombre de professionnels dans la région mais pas vraiment pour les mêmes raisons. «Il y a aujourd’hui un manque de motivation certaine chez plusieurs agents. Il y a dix ans, tout le monde se battaient pour faire des heures supplémentaires ! Aujourd’hui bon nombre ne veulent plus en faire car ils assurent qu’ils perdront alors leur prime d’activité pour l’emploi. Un salaire, cela se fait également au mérite», assure le dirigeant nancéien. «Avec nos moyens, nous avons toujours mis en avant nos agents et tenté de les valoriser mais c’est parfois difficile quand vous savez qu’une société de sécurité comme la nôtre réalise sur une prestation entre 3 et 5 % de marge.» Le malaise est profond mais pas nouveau.


Sécurité électronique : de la dynamique

Paradoxalement, ce secteur de la sécurité privée s’affiche comme le note le rapport sur les enjeux économiques de la sécurité privée de mai dernier, «comme une filière économique essentielle pour le pays alors que des événements internationaux de grande ampleur se profilent ces prochaines années, qu’il s’agisse de la coupe du monde de rugby, qui aura lieu en 2023 en France ou encore des Jeux Olympiques de Paris prévus en 2024.» Des échéances nationales bien loin des préoccupations régionales et locales. Le quotidien des entreprises régionales de sécurité se traduit par un seul terme : incertitude ! Mais pas pour toutes, la Covid-19 et la crise sanitaire semblent avoir été un déclencheur, voire une aubaine pour les entreprises évoluant dans la sphère porteuse de la sécurité électronique. «Le premier confinement a été un déclencheur. Les entreprises ont pris véritablement conscience de l’importance stratégique de protéger réellement leurs locaux laissés vacants du fait de la non-présence de leurs collaborateurs», explique un dirigeant d’une PME régionale spécialisée dans les nouvelles technologies appliquées au secteur. «Notre secteur est très ciblé, nous sommes un métier dans le métier. Il y a encore une dizaine d’années, la sécurité humaine prévalait par rapport à la sécurité électronique. Aujourd’hui, le virage est pris et la tendance ne s’arrêtera pas. La sécurité électronique en plein développement avec la démocratisation de l’intelligence artificielle vient en complément de l’intervention humaine.» Un état de fait établi et confirmé par le rapport de la mission d’information sur les enjeux économiques de la sécurité privée. «Les activités de sécurité électronique dont le périmètre recouvre notamment la télésurveillance et l’installation des systèmes électroniques constituent le segment le plus dynamique du marché de la sécurité privée.» Les chiffres fournis dans ce rapport le corroborent. Le seul secteur de la télésurveillance affichait en 2019 près d’un milliard d’euros de CA au niveau national avec une progression constante depuis 2018 de l’ordre de 8 % tandis que le sous-secteur de l’installation des systèmes électroniques affiche les 130 M€. «La nature de ces activités et les gains de productivité technologiques expliquent la bonne santé de ces secteurs», note le rapport. La crise sanitaire semble avoir du bon, pour certains...

Un rapport de propositions

Fin mai, les députés Jacqueline Maquet et Dino Cinieri déposent leur rapport sur les enjeux de la sécurité privée à l’Assemblée nationale. Objectif affiché de cette mission d’information : «offrir une visibilité forte à un secteur encore trop peu connu et traité et formuler des propositions pour faire évoluer positivement son cadre de régulation et d’exercice pour répondre aux demandes des acteurs.» Parmi la quinzaine de propositions mises en avant : la création d’un Observatoire économique de la sécurité privée, renforcer les moyens humains du CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) dans le cadre du projet de loi de finances pour l’année 2022 «afin d’amplifier sa politique de contrôle des acteurs de la sécurité privée», soutenir le développement d’une culture de la sécurité privée chez les citoyens en valorisant ces activités dans le discours public ou encore renforcer l’information des élèves et des étudiants sur les métiers de la sécurité privée «en facilitant notamment le recours à l’apprentissage dans ces métiers.»