«Entre la déception et la colère»

La Fédération des promoteurs Immobiliers est profondément déçue par les annonces de la Première ministre sur le logement, à l’issue des travaux du CNR, Conseil national de la Refondation. Elle estime, en particulier, que certaines mesures qui ne représentaient pas un coût pour l’État auraient pu être retenues. Avec d’autres fédérations professionnelles, la FPI compte aujourd’hui sur le Parlement pour porter les sujets du logement.

© : Studioanna
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Le 6 juin, Élisabeth Borne, Première ministre présentait les propositions retenues par le gouvernement en matière de logement à l’issue du CNR. Quelle est votre réaction ?

Entre la déception et la colère. Depuis sept mois, toutes les parties prenantes concernées par l’acte de construire, l’immobilier et le logement ont beaucoup travaillé. Dans le cadre du CNR, tout le monde a joué le jeu, a parlé d’une même voix pour proposer des mesures très intéressantes. Avec quel résultat ? Le gouvernement n’en a retenue pratiquement aucune. Cela nous met hors de nous. Il y a quelques jours, lors d’un rendez-vous avec des promoteurs, Bruno Le Maire nous a expliqué ses contraintes du fait de la situation difficile des finances publiques, des enjeux de notation, des règles de l’Europe en matière de déficits publics… Nous nous félicitons d’avoir un ministre de l’Économie rigoureux. En revanche, nous ne comprenons pas que des mesures que nous avions proposées qui ne représentent pas un coût pour l’État n’aient pas été retenues. Nous avons le sentiment que nous allons vers une restriction de l’accès au logement.

En dépit de la déception globale, jugez-vous qu’il subsiste des mesures de nature à favoriser l’activité des promoteurs qui subissent à la fois une diminution de la demande et une crise de l’offre ?

Il faut vraiment réfléchir longtemps pour les trouver… Une mesure pourrait, en effet, aider à stimuler la demande. En plus de la prolongation du rythme mensuel de révision du taux d’usure, Bruno Le Maire, qui préside le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), va faire pression pour que les banques soient autorisées à lâcher un peu de mou sur le taux d’endettement… Une autre mesure relève d’une bonne intention, celle du rachat de 17 000 logements par CDC Habitat. Mais en fait, ils en achètent déjà 15 000. De plus, il faudra voir quelles sont les conditions précises de ce rachat. En effet, de nombreux adhérents nous signalent que ces propositions sont inférieures au prix de revient. Pour bien faire, il faudrait que l’État abonde aux côtés de CDC Habitat qui a ses propres impératifs. On me parle aussi souvent du PTZ, Prêt à Taux Zéro. Il est vrai qu’il est prolongé de trois ans, mais de nombreuses communes ont été retirées du dispositif, ainsi que la maison individuelle. L’impact est moindre pour la FPI spécialisée dans la construction verticale, mais les constructeurs de maisons individuelles sont vent debout !

Quelles mesures vous sembleraient indispensables à relancer l’activité, et comment les défendre, après cet échec auprès du gouvernement ?

Parmi les mesures que nous demandions, trois me semblent particulièrement importantes. La première est une aide aux «maires bâtisseurs». Les plus actifs se verraient reverser une partie de la TVA sur les travaux, mesure qui aurait aussi bénéficié à Bercy. Nous voulons aussi à revenir à l’ancien dispositif Pinel, le nouveau ne fonctionnant pas. Et enfin, nous demandons des mesures d’exception avec une exonération de droits de succession des logements neufs achetés, sous certaines conditions. Notre activité est à l’arrêt, alors que la période est favorable à l’achat dans l’immobilier neuf : les taux d’intérêts sont plus bas que l’inflation, et contrairement à ce qui se passe dans l’ancien, les prix ne vont pas redescendre, car ce sont des prix techniques. Les dispositions gouvernementales annoncées sont très décevantes, mais nous ne pouvons pas nous résigner, car les perspectives d’activité pour 2023 sont pires encore. Avec plusieurs autres fédérations, à la mi-mai, nous avions écrit une lettre ouverte au président de la République. Nous n’avons pas eu de réponse. Nous allons donc nous tourner vers les parlementaires qui semblent être plus à l’écoute... Ce qui ne passe pas par la voie réglementaire pourrait passer par celle législative.

Propos recueillis par Anne DAUBRÉE