En Seine-Saint-Denis, on transpire en éliminant ses déchets
"Faire ses pompes et ramasser les poubelles". Ibrahima Baldé, coach sportif, a importé à Sevran (Seine-Saint-Denis) le "plogging", invention suédoise qui consiste à collecter des déchets tout en faisant du sport, avec l'idée...
"Faire ses pompes et ramasser les poubelles". Ibrahima Baldé, coach sportif, a importé à Sevran (Seine-Saint-Denis) le "plogging", invention suédoise qui consiste à collecter des déchets tout en faisant du sport, avec l'idée de sensibiliser les quartiers populaires à l'écologie.
"C'est l'échauffement: on tourne la tête, puis la cheville. Allez, Allez !", s'époumone Ibrahima Baldé, 32 ans, à la sortie de la gare RER de Sevran-Livry, devant le regard étonné et amusé des passants.
Une dizaine de personnes, de tous âges et horizons, ont répondu à son appel sur les réseaux sociaux pour participer à une session de "plogging", autour du quartier de la gare bordé par le canal de l'Ourcq, un après-midi d'été.
La pratique est née en Suède dans les années 2010. Son étymologie vient de la combinaison de "plocka upp", ramasser en suédois, et de "jogging", courir en anglais. Il s'agit de recueillir les déchets trouvés sur son chemin tout en pratiquant une activité sportive.
Ibrahima Baldé et Muriel Bekda, cofondateurs de l'association "Darktraining", ont eu l'idée de tester le concept "pour voir si ça prend à Sevran".
Depuis 2019, une fois par mois, un quartier de cette ville pauvre du nord-est de Paris est ciblé pour y faire un grand ménage, en musique. Une fois l'espace rutilant, des cours de fitness ou de danse et des exercices de musculation sont proposés aux mères de famille, jeunes actifs, adolescents qui ont participé à l'action.
"L'idée c'est de faire des pompes dans un environnement sain. On le fait de manière ludique sans que cela soit de l'écologie punitive", explique Muriel, 55 ans.
"Un corps sain dans un environnement sain", résume Ibrahima Baldé, à l'imposante carrure et aux biceps dessinés. Sa bonhommie, son humour et sa gaieté font mouche auprès des participants.
"Vu qu'il y a de la musique, un bonne ambiance, il y a moins ce côté +flemme+ que les gens peuvent avoir", confie Lucie Benac, 30 ans.
"Je fais de nouvelles connaissances, cela permet de nettoyer la ville, je trouve ça cool plutôt que d'être chez moi un dimanche", poursuit la cheffe de projet digital.
Rat, préservatif, mégots
Il a fait à peine 100 mètres que le sac poubelles d'Elias Sylvère est plein.
"On peut passer l'après-midi dans un coin", se désole le lycéen de 16 ans, habitant de la cité Bleue à Sevran. "On se rend compte que les gens prennent pas soin de la planète", dit l'adolescent tout en ramassant avec une pince une bouteille de bière en verre.
A la vue d'Elias et des autres bénévoles, un homme assis avec ses amis près d'une pile de canettes de bière demande un sac et se met à ramasser ses déchets. Son geste est accompagné par les remerciements des "ploggeurs".
"On ramasse souvent les bêtises des gens devant eux pour qu'ils se sentent honteux", confie Aminata Baldé, 25 ans, habituée des collectes.
"La société souffre du réchauffement climatique et de voir des petits qui s'investissent cela donne espoir", se réjouit la jeune femme.
Pour sa première participation, Darius Sylvère, 19 ans, ne s'attendait pas à moissonner "autant de capsules et mégots".
"C'est très ludique, sachant qu'il y a beaucoup de monde qui aime le sport et allier avec l'écologie c'est pas mal pour aider notre planète", estime l'amateur de tennis-ballon.
Devant le succès de leur démarche, l'association a lancé des "Rencontres sportives et écologiques" à Sevran. Sa quatrième édition, prévue dimanche, a pour thématique les Jeux olympiques de Paris, avec des ateliers de sensibilisation à la protection de l'environnement et des épreuves sportives.
En quatre ans de plogging, Ibrahima Baldé est tombé sur des déchets de tous genres: préservatif, rat, pneu, électroménager, couches, seringues...
"Je vois l'impact dans les quartiers. Des gens vont nous applaudir, venir échanger avec nous et ça arrive que des jeunes nous rejoignent et participent à l'action", raconte Philippe Saint Jacques, bénévole depuis les débuts de l'association.
Après 1h30 de ramassage, c'est l'heure de la pesée. Un moment solennel où chaque participant remet son butin après avoir été applaudi par le groupe. La récolte du jour s'élève à 27,3 kg.
364U3VB