Etude réalisée par l’Ifop pour le Medef
En dépit des crises, le moral des patrons tient bon
Selon une étude réalisée par l’Ifop pour le Medef, les chefs d’entreprise français sont assez confiants à l’égard de la situation de leur entreprise pour les mois à venir, malgré les tensions et les incertitudes du contexte économique actuel.
«Je suis frappé par l’écart grandissant entre une économie et un moral des chefs d’entreprise qui tiennent et des prévisions de plus en plus alarmistes», a déclaré le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), Geoffroy Roux de Bézieux, le 18 janvier, lors de la présentation à la presse d’une étude de l’Ifop sur le moral des chefs d’entreprise. «On a le sentiment que la réalité du terrain est assez différente de l’analyse macro-économique, très pessimiste», a-t-il relevé, avant d’ajouter que la réalité témoignait d’«une forme de résilience, crise après crise, de la part des chefs d’entreprise qui, comme des sportifs de haut niveau, s’habituent et font face».
Plus optimistes pour leur entreprise que pour l’économie française
Réalisée entre mi-décembre 2022 et début janvier 2023, auprès d’un échantillon de 600 chefs d’entreprise représentatif des entreprises françaises de 10 salariés et plus, l’étude de l’Ifop fait, en effet, état d’un décalage entre la confiance qu’ont les chefs d’entreprise dans leur entreprise et celle qu’ils ont en l’avenir de l’économie française. 82% des chefs d’entreprise interrogés se disent ainsi optimistes quant à la situation de leur entreprise, alors qu’ils ne sont que 43% concernant la situation économique française.
Interrogés sur l’impact de la situation actuelle (guerre en Ukraine, retour de l’inflation, augmentation des prix de l’énergie), 92% d’entre eux pensent que les répercussions seront fortes sur l’économie française et 74% jugent qu’elles seront fortes sur leur entreprise. Leurs principales craintes pour les mois à venir concernent l’augmentation des prix de l’énergie (57% des chefs d’entreprise interrogés), les difficultés à recruter (41%), les problèmes d’approvisionnement (26%), les difficultés rencontrées par leurs clients et fournisseurs (23%). Ou encore, le fait que la conjoncture internationale puisse ralentir les activités (21%), la prudence des entreprises qui conduirait à geler des budgets (14%) et les tensions sur la trésorerie (13%).
Situation financière saine et carnets de commande bien remplis
Les principales raisons qui, selon cette étude, expliquent l’optimisme des chefs d’entreprise à l’égard des mois qui viennent sont le fait que les carnets de commande sont bien remplis (pour 46% d’entre eux), la conjoncture nationale et internationale qui pourrait s’améliorer progressivement (39%), les mesures de soutien pour faire face à la hausse des prix de l’énergie (39%), l’absence de difficultés de trésorerie de l’entreprise (32%) et l’impact moindre de la crise sur leur secteur d’activité (29%).
En ce qui concerne la situation financière de leur entreprise, 17% d’entre eux la jugent «plutôt préoccupante» ou «très préoccupante», alors que tous les autres la considèrent «plutôt saine» ou «très saine». Près des trois quarts des dirigeants interrogés n’avaient pas souscrit le prêt garanti par l’État (PGE). Parmi ceux qui l’ont souscrit, 10% ont déjà fini de le rembourser, 83% pensent pouvoir s’en acquitter à échéance et 7% disent qu’ils ne pourront «probablement» ou «certainement» pas le rembourser.
Enfin, interrogés sur leurs projets pour 2023, 43% d’entre eux ont déclaré envisager de revaloriser la rémunération des collaborateurs, 34% d’accroître leurs effectifs et 25% d’augmenter leurs investissements.
«Il faut une régulation du marché de l’électricité»
Alors que la fin de l’année 2022 s’est conclue «en demi-teinte, avec une croissance à 2,5%» et qu’on observe «un ralentissement de l’inflation», l’année 2023 s’annonce «pleine d’incertitudes» et «on reste très prudent», a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux, avant de présenter les grandes priorités et enjeux des chefs d’entreprise en ce début d’année.
Parmi les premières préoccupations figure la hausse des prix de l’énergie et la nécessaire refonte du modèle du marché européen de l’électricité. «Nous pensons qu’il faut une régulation du marché de l’électricité» en Europe. Une problématique qui en entraîne une autre : «comment répercuter l’augmentation des coûts dans les prix ?».
Négociations sur les salaires «plus compliquées» en 2023
D’autres évolutions viennent ou vont venir peser sur les coûts. La hausse des taux d’intérêt, qui pénalise le secteur du bâtiment, du fait de la hausse des taux des crédits immobiliers, et les investissements, lorsque l’entreprise a besoin d’emprunter. Et l’augmentation des salaires, qui est «une demande forte» de la part des collaborateurs. «Les négociations sur les salaires seront plus compliquées, cette année.» La prime de partage de la valeur «est un dispositif qui a été massivement utilisé en 2022, et nous souhaitons qu’il soit maintenu en 2023».
Autre enjeu de taille pour les entreprises en 2023 : recruter, fidéliser et rester attractif. «Recruter reste une difficulté» et le phénomène de «l’abandon de poste» constitue «un challenge». En ce qui concerne l’emploi des seniors, «il y a un changement culturel à opérer» et «nous sommes conscients que c’est là que les entreprises sont attendues, après le vote de la réforme des retraites». Pour favoriser le maintien des seniors dans l’emploi, le Medef a fait plusieurs propositions «qui n’ont pas été retenues», telles qu’un dispositif de retraite progressive ou une baisse des charges sur les salaires des seniors.
Transition écologique : «nous avons besoin des aides financières de l’État»
Sur le terrain de la transition écologique, le Medef attend le détail du projet de loi sur l’industrie verte annoncé par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, début janvier. «La décarbonation, ce sont des investissements qui rapportent pour la planète, mais qui ne rapportent rien à l’entreprise sur le plan du strict retour financier», or, «on ne peut pas mettre nos entreprises dans un système qui les met en difficulté par rapport à leurs concurrents». C’est pourquoi «nous avons besoin des aides financières de l’État» pour accompagner la transition écologique de l’industrie française.
Enfin, les dernières crises ont rendu les entreprises beaucoup plus sensibles à la nécessité de sécuriser les approvisionnements. «La géopolitique nous a rappelé que nous avons de fortes dépendances au niveau du pays, mais aussi au niveau des entreprises», lesquelles cherchent et vont continuer de chercher à diversifier leurs approvisionnements.