Emploi des cadres : vers une nouvelle donne du marché dans le Grand Est ?

Le marché de l’emploi des cadres continue à observer une baisse dans la région même si le volume d’offres en novembre dernier reste supérieur au niveau d’avant-crise (+ 14 % par rapport à novembre 2019). Un tassement de l’emploi de cette typologie de collaborateurs en somme tout relatif car paradoxalement les difficultés de recrutement persistent et signent entraînant la légitime interrogation sur les méthodes de recrutement des entreprises. Si bon nombre de cadres s’affichent, toujours, en position de force en termes de négociations, les choses pourraient changer à en croire certaines études.

Entre décembre 2022 et novembre 2023, 31 057 offres d’emploi cadre ont été diffusées sur le site apec.fr dans la région Grand Est. Le marché de l’emploi cadre continue sa baisse, moins forte qu’un niveau national, un ralentissement mais pas encore un retournement.
Entre décembre 2022 et novembre 2023, 31 057 offres d’emploi cadre ont été diffusées sur le site apec.fr dans la région Grand Est. Le marché de l’emploi cadre continue sa baisse, moins forte qu’un niveau national, un ralentissement mais pas encore un retournement.

«Un tassement relatif !» C’est ainsi que Thierry Rouchon, responsable de centres Nancy, Metz et Reims de l’Apec qualifie la prise de température opérée par l’Apec au mois de novembre dernier à l’occasion de la présentation du portrait statistique des cadres du Grand Est. Entre décembre 2022 et novembre 2023, 31 057 offres d’emploi cadre ont été diffusées sur le site apec.fr dans la région Grand Est. «Même si le volume d’offres en novembre 2023 reste supérieur au niveau d’avant-crise (+ 14 % par rapport à novembre 2019), la région continue d’observer une baisse sur le marché de l’emploi des cadres», note l’Apec Grand Est. 

Une baisse mais moins importante qu’au niveau national. Entre janvier et septembre dernier, le nombre d’offres publiées par l’Apec a baissé de 12 % dans la région, contre 20 % en moyenne à l’échelle nationale. Déjà en avril dernier, à l’occasion de la présentation du bilan des recrutement de cadres 2022 et des tendances 2023, Thierry Rouchon anticipait cet état de fait actuel. «Les perspectives de recrutement de cadre dans la région sont moins bien orientées et formalisent la prudence des entreprises compte tenu des aléas et des incertitudes pesant sur la croissance.» À l’époque une baisse de 9 % était alors envisagée. Il faudra attendre encore quelques semaines pour confirmer ou infirmer cette prévision à l’occasion de la présentation du bilan des recrutements cadres 2023.

«Il est clair que les tensions persistent ! Bon nombre d’entreprises arrivent à lever du business mais ne peuvent y répondre faute de recrutement», assure Thierry Rouchon, responsable de centres Nancy, Metz et Reims de l’Apec


Les difficultés de recrutement persistent


Une chose qui ne devrait pas évoluer énormément, c’est la localisation des offres d’emploi. La moitié est aujourd’hui concentrée dans les zones d’emploi de Strasbourg, Nancy et Metz. Du côté des profils les plus recherchés, les secteurs de l’industrie et du commerce regroupent trois offres sur dix. Dans le top dix des métiers les plus recherchés on trouve : le développement informatique, la comptabilité, la représentation commerciale et la promotion des ventes, l’ingénierie d’affaires, le management commercial, la qualité, le process, méthodes et industrialisation, l’audit et l’expertise comptable, le management administratif et financier et la conduite de travaux. Un marché, en baisse relative (au niveau des offres) mais toujours aussi tendu et avec des difficultés de recrutement mises en avant par les entreprises toujours bien présentes. 75 % des entreprises qui envisagent de recruter au moins un cadre anticipent des difficultés renforcées par le fait que près de 40 % des cadres envisagent une mobilité externe au cours de l’année qui vient de débuter. 

En 2022, plus d’un quart des entreprises ayant essayé de recruter ont abandonné au moins un recrutement. «Il est clair que les tensions persistent ! Bon nombre d’entreprises arrivent à lever du business mais ne peuvent y répondre faute de recrutement», assure Thierry Rouchon pointant du doigt l’extrême nécessité pour les entreprises en quête de cadres «de repenser leur processus de recrutement en assouplissant leurs critères.» Référence faite notamment à une récente campagne de communication menée par l’Apec «Le mouton à cinq pattes n’existe pas !» Une campagne choc, au même titre que celle réalisée dans le même temps sur l’emploi des cadres seniors. On y voit un cadre Senior aux cheveux grisonnants avec l’intitulé «Périmés» dans son dos.

Changement de logiciel


«Aujourd’hui au niveau national, ce sont près de 100 000 cadres seniors qui sont au chômage. C’est un vivier qui est sous-exploité. Ils ne sont pas forcément plus chers que les autres typologies de cadres. En plus, dans leur recherche d’emploi, ils s’engagent dans un projet pérenne jusqu’à leur retraite.» Sur ces deux champs, la recherche du mouton à cinq pattes et les seniors, Thierry Rouchon insiste sur le fait qu’en matière de recrutement des cadres (et d’une façon générale de tous les collaborateurs) «un changement de logiciel est indispensable. Aujourd’hui, les entreprises qui arrivent à recruter sont celles qui ont assoupli leurs critères.» 

Plus facile à dire qu’à faire car les pratiques RH semblent avoir la vie dure. «Dans les processus RH traditionnels, la recherche des profils immédiatement opérationnels, validant une liste de critères prédéfinis et capable de correspondre parfaitement au poste à pourvoir, est encore souvent de mise. Cette approche est censée minimiser les risques et garantir un recrutement réussi. Mais le ou la candidate parfait(e) sur le papier, en plus d’être difficile et longue à trouver n’est en outre pas forcément la meilleure des recrues», note l’Apec dans l’une de ses fiches conseils. 

«Les approches RH qui priorisent les compétences techniques et le diplôme, finissent souvent par négliger d’autres facteurs pourtant déterminants comme la motivation et le potentiel.» Soft skills (qualités humaines, émotionnelles et comportementales), compétences transversales, «c’est à dire des compétences que l’on peut retrouver d’un métier à un autre, et qui ne relèvent pas de savoir-faire techniques spécifiques à un métier», sont alors mis en avant, tout comme l’importance de la rédaction de la fiche de poste. 

«Il est également aujourd’hui indispensable de tout mettre en œuvre pour faciliter la bonne intégration du candidat. Il faut réussir son intégration avec par exemple la mise en place de mentor ou de parrainage ou encore des immersions courtes au sein d’autres équipes pour lui permettre de bien s’imprégner de la culture d’entreprise et intégrer ses codes», continue Thierry Rouchon. 

Faire un «pas de côté» en matière de recrutement apparaît donc nécessaire pour tenter d’enrayer cette problématique toujours grandissante des difficultés de recrutement. Il y aura les entreprises qui l’auront compris et les autres…


Négociations : la fin de la récré ?

Les candidats, cadres ou non cadres, en position dominante en matière de négociation salariale. Si aujourd’hui, l’avantage semble toujours être du côté du candidat, les choses pourraient changer cette année. Dans sa récente étude sur les perspectives 2024 en matière de RH, le cabinet Robert Walters assure que les candidats doivent se préparer à des négociations plus que serrées en matière salariale et qu’il en est terminé des envolées type mercenaires. Même chose au niveau du télétravail, la tendance est plutôt au retour au bureau. Un juste retour à la normale…