Elus communaux, vos délégations sont‑elles valables ?
Dans une administration locale hiérarchisée, la délégation est un outil incontournable du fonctionnement administratif et politique. Trop souvent relativisée voire méprisée, la délégation, qui soulève des enjeux politiques et pratiques, est un sujet central du contentieux de la légalité.
S’il existe plusieurs sortes de délégations dont les caractéristiques diffèrent, toutes doivent en toute hypothèse répondre à quatre conditions pour être légales : la délégation doit être prévue par un texte, législatif ou réglementaire, faire l’objet d’une publicité, elle ne doit pas être interdite par un texte relativement à l’attribution faisant l’objet de la délégation, et ne peut être totale.
Pour une meilleure efficacité dans la gestion des affaires courantes, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) permet au conseil municipal de déléguer certaines de ses attributions au maire. Consentie à une fonction, la délégation de pouvoir (ou de compétence) consentie par le conseil municipal au maire implique que l’organe délibérant est dessaisi et ne peut plus intervenir dans le domaine ayant fait l’objet de la délégation. Il s’agit d’un véritable transfert de compétence. Il en va autrement s’agissant des délégations de fonction et de signature qui sont intuitu personae. La délégation de fonction attribuée par le maire à son adjoint n’a pas pour effet de le priver de ses pouvoirs en la matière. Il peut toujours revenir ou intervenir dans un domaine qui a fait l’objet d’une délégation de fonction.
Le maire conserve la responsabilité “de la surveillance et du contrôle” de la façon dont les adjoints ou conseillers municipaux délégataires exercent les fonctions déléguées. Les élus locaux doivent être prudents lorsqu’ils investissent un agent ou un élu d’une délégation de faire ou de signer puisqu’une faute du délégataire n’exonère jamais, en tant que telle, le maire de toute responsabilité. En revanche, sur le plan pénal, la responsabilité du maire ne pourra être recherchée que si ce dernier ne parvient pas à démontrer que le délégataire disposait des moyens d’exercer la compétence déléguée. Toute délégation doit être consentie par un organe normalement compétent, au profit d’un organe autorisé à recevoir une délégation, et concerner une matière susceptible d’être déléguée. Le conseil municipal ne peut déléguer l’ensemble de ses attributions, ni n’importe laquelle d’entre elles. La liste des matières pouvant être déléguées en “tout ou partie” est limitativement déterminée à l’article L. 2122-22 du CGCT. Seul le titulaire d’une compétence est à même de la déléguer. Impossible donc, pour le maire qui n’a pas reçu de délégation de pouvoir en matière de droit de préemption urbain, par exemple, de procéder à une subdélégation au profit d’un adjoint. De même, le maire peut à tout moment retirer une délégation dans l’intérêt du service.
Le Code général des collectivités territoriales ne limite pas le nombre de conseillers municipaux délégataires. Néanmoins, ces derniers ne pourront recevoir une délégation de fonction que tant que tous les adjoints seront titulaires d’une délégation de fonction.
Les élus, adjoints et conseillers municipaux, ne sont pas les seuls à pouvoir bénéficier d’une délégation : les agents peuvent également en être attributaires, notamment bénéficier d’une délégation de signature du maire, en toutes matières.
A toute fin, il faut distinguer la “délégation” de la “suppléance”, qui intervient en cas d’absence, suspension, révocation ou de tout autre empêchement du maire. Dans ces hypothèses, l’élu est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint dans l’ordre des nominations et, à défaut d’adjoints, par un conseiller municipal désigné par le conseil, sinon pris dans l’ordre du tableau.
Charlotte HERMARY,
avocat en droit public (charlotte.hermary@fidal.com)