“vers 45 ans, c’est le moment de voler de ses propres ailes”

Pascal Riche et hervé vancompernolle voulaient changer de vie professionnelle et se lancer dans une activité industrielle à la fois solide et prometteuse. Le génie électrique et une PME villeneuvoise se sont rapidement imposés, d’où une transmission rapide et claire dans tous ses aspects. Dévelop‑élec s’apprête à croître à son rythme dans un climat de crise qui pourrait paradoxalement autoriser bien des audaces.

Une PME active sur le marché du tertiaire.
Une PME active sur le marché du tertiaire.

 

Pascal Riche et Hervé Vancompernolle aux manettes de Dévelop-élec.

Pascal Riche et Hervé Vancompernolle aux manettes de Dévelop-élec.

La Gazette. Quels étaient votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise ?
Hervé Vancompernolle (qui répond aussi pour Pascal Riche) : Nous avons tous les deux dans les 40-45 ans et la même formation d’ingénieurs suivie dans la région, mais nos études terminées, nous avons emprunté des voies différentes. Je me suis retrouvé très vite en région parisienne dans des grands groupes internationaux comme IBM et Sony, Pascal aussi mais il est resté globalement dans le Nord-Pas de Calais et a ensuite bifurqué vers les PME-PMI. Il s’est beaucoup occupé de gestion tandis que moi j’allais de plus en plus vers le marketing. On a donc constaté les mêmes envies de changement, confortées par cette complémentarité, par un vécu propice à une nouvelle aventure entrepreneuriale.

Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?
J’avais envie de changer d’air et de me rapprocher de ma région, et depuis un moment je songeais à créer mon activité. Être au service de grands groupes ça n’a qu’un temps, et vers les 45 ans, on se dit que c’est le moment de voler de ses propres ailes ou jamais… Grosso modo, cela a été la même chose pour Pascal, mais lui s’est mis en route plus tôt que moi parce qu’il était déjà ici et moi encore à Paris. J’ai donc suivi les choses d’un peu loin au tout début, d’autant qu’il me fallait quitter mon groupe, ce qui prend en général un certain temps. Pascal a donc cherché auprès des CCI, des cabinets-conseil dont un avec qui on a vraiment bien travaillé, Expert and Co, et puis on est tombé très vite sur Dévelop-élec. Pascal a tout de suite trouvé que cette société était à la fois solide, connue et porteuse de perspectives de développement. De fait, l’idée de cette reprise a mûri assez vite. On ne voulait pas non plus créer une entreprise, c’est plutôt réservé à de jeunes entrepreneurs qui veulent tout bâtir de la dalle au toit. Reprendre correspondait plus à ce que l’on voulait et Dévelop-élec était à vendre tout de suite. Or, précisément, on souhaitait trouver une entreprise qui puisse être reprise sans souffrir d’une rupture de rythme, qui continue d’être opérationnelle malgré le changement de direction et qui montre qu’elle pouvait très rapidement se tourner vers un régime de croissance. Ce qui nous a aussi peut-être poussés à cette reprise, c’est le fait qu’elle était dirigée depuis 15 ans par un tandem et que cette formule avait bien fonctionné avec le personnel fort d’une vingtaine de collaborateurs. On s’est dit qu’un autre tandem, le nôtre en l’occurrence, pourrait prendre la relève sans créer de traumatisme dans la société puisque ce mode de gouvernance était déjà connu et accepté.

Combien de temps s’est écoulé entre l’idée de la reprise et sa réalisation ?
Quelques mois à peine. On est intervenu dans le second temps de la négociation, alors que les études techniques et financières étaient déjà bien avancées. A ce moment-là, on a rencontré les deux cédants, Jean-François Lemoine et Eric Bourel qui avaient créé l’entreprise en 1994. De notre côté, la négociation n’a porté que sur le prix mais on s’est rapidement mis d’accord, ce qui fait que cette phase durant laquelle nous nous sommes parlé directement de repreneurs à cédants n’a duré qu’un mois. On a commencé les rencontres en septembre 2011 et on a signé le 14 octobre 2011, mais tout le dossier était prêt. En fait, fonctionner de cette sorte peut en frustrer certains sur le plan humain. Par exemple, ne pas connaître ses clients avant de signer, ne rencontrer le personnel que le jour de la signature, ça peut déplaire. Nous, on n’avait que les bilans à consulter. La confiance peut être mise à l’épreuve vue le faible nombre d’informations dont on disposait. Mais on savait quand même que notre crédibilité était partagée par tous les acteurs de la reprise et qu’il fallait en passer par cette phase faite de confidentialités diverses. Après tout, la concurrence est aux aguets, elle peut durant la reprise nous mettre des bâtons dans les roues, cela s’est déjà vu ailleurs. Donc, une opération “ carrée “ confiée à des professionnels, c’est une sécurité, ça protège de certaines dérives internes ou externes. Et puis, il y avait dans tout cela un élément très important, c’est la volonté d’accompagnement des deux cédants durant la première année au minimum. C’est une autre sécurité qui compte beaucoup pour Pascal et moi. Elle a pesé de tout son poids dans la valorisation de l’entreprise, d’ailleurs on en a parlé ensemble pendant deux mois environ et à plein temps.

 

Kbane, un chantier qui vient de s’achever pour Dévelop-élec.

Kbane, un chantier qui vient de s’achever pour Dévelop-élec.

Quels ont été vos partenaires durant cette reprise ?
La CCI Grand Lille, le conseil Expert and Co, deux conseils de consultants techniques pour chacun de nous, Oséo, le Crédit Mutuel, la Société Générale, Nord Capital Investissement et Re-Sources. La qualité de ces financeurs a été pour beaucoup dans la rapidité de la reprise, et la crédibilité de notre projet industriel. On a crée une SAS avec un capital de 800 000 euros.

Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise, y a-t-il eu des surprises ?
Non, pas de surprises, le travail de préparation a été fait de façon très pointue, c’est aussi l’un des avantages d’une reprise faite dans les règles avec des professionnels. Dévelop-élec intervient sur un marché régional élargi depuis 15 ans, sa notoriété est certaine dans le monde du tertiaire qui est son principal marché. Des clients solides et connus, c’est une stabilité qui explique celle de cette entreprise. Il nous a semblé aussi que le personnel était confiant dans le fait que la société ne connaîtrait pas de rupture d’activité et qu’un tandem succédait à un autre, mais avec une stratégie un peu différente et offensive. Et là encore, l’accompagnement par Jean-François et Eric est rassurant pour tout le monde, on aura besoin d’eux en 2012… Car on n’achète pas qu’une entreprise mais une clientèle. Seul l’accompagnement vous fait vite saisir les composantes de la vie interne de la société, la personnalité des clients, le suivi des chantiers se fait mieux. D’ailleurs, nous suivre un bout de temps les a intéressés tout de suite.

Y a-t-il eu de bons et de mauvais moments durant la reprise ?
Des bons, beaucoup. Des mauvais ? Juste une inquiétude rampante, nous n’étions pas seuls sur l’affaire donc elle pouvait nous échapper, mais notre dossier financier était très solide et nous avions la confiance des cédants qui croyaient à notre projet, donc le sourire est vite revenu.

Quels sont vos projets pour l’entreprise reprise ?
D’abord maintenir la première année le CA sortant, 3 millions d’euros. Ensuite élargir géographiquement le marché. En fait tout cela aura deux temps. Dans le premier, Pascal et moi, nous procédons à des réajustements internes. C’est important avant de faire quoi que ce soit, de disposer d’outils performants et donc modernes. Donc, nous modernisons tout le système informatique, notamment ce qui concerne la sécurité et la sécurisation. Il y aura un progiciel de gestion commerciale, le chantier est en cours, et un nouveau site Internet. On va grimper en performance grâce à un bureau d’études créé pour l’occasion et ordonnancer les process. Tout cela respectera la taille actuelle de l’entreprise, 25 collaborateurs. Cela, c’est ce qui est immédiatement perfectible. Ensuite, il y a l’activité elle-même. Nous sommes tournés vers le tertiaire, les banques, la distribution, les bureaux, cela ne changera pas. Ce marché reste stable malgré la crise et pour l’instant, nous honorons des commandes d’il y a un an à un an et demi. Par exemple, nous venons de terminer celle de Kbane entre Marquette-lez-Lille et Marcqen- Baroeul. Dévelop-élec est au sein d’un triangle formé par le client, le bureau d’études et l’architecte. Ce dernier est essentiel pour nous. D’ailleurs, dans nos projets, nous avons une démarche commerciale plus active et une collaboration plus suivie avec les architectes. Notre clientèle actuellement, ce n’est pas grand monde puisque ce sont surtout les grandes enseignes. Donc, pour l’instant, l’extension du marché est juste à l’étude.

La crise peut-elle vous impacter ?
Il faut toujours rester prudent, notre activité dépend de celle des autres, des clients. Mais l’électricité est une activité tellement multiforme et novatrice qu’elle peut, et va devoir, s’appuyer sur la crise pour se développer. Nous sommes dans le génie électrique en courant fort et faible. Nous couvrons donc sur le plan industriel tous les besoins possibles, le courant faible étant appelé à un brillant avenir puisqu’avec les économies d’énergies obligatoires dès 2012 dans le bâtiment, il va être généralisé via la domotique, par exemple. Et là, le marché existe mais pas la filière. Il y a donc une place à prendre. Dans d’autres domaines, l’électricité évolue : les normes qui bougent tout le temps, la recharge électrique qui n’en est qu’à ses balbutiements, les technologies, le management de l’énergie dans sa globalité, 2012 va être une année importante pour investir ces marchés. Donc, la crise nous oblige à être prudents mais à déceler toutes les possibilités de développement.

 

Une PME active sur le marché du tertiaire.

Une PME active sur le marché du tertiaire.

Quelques conseils à donner à un repreneur ?
Avoir un bon consultant, un vrai expert, valider sa propre motivation et celle des vendeurs, bénéficier d’un accompagnement suffisant par le cédant et obtenir la totale transparence sur la situation de la société reprise.