“Rester à la pointe de son métier au bénéfice du client”
André Denocq a cédé en novembre 2010 son entreprise Ad Thermic qu’il avait créé en 2002 avec son épouse Marianne. La société de 20 salariés, spécialisée en génie thermique, avait obtenu en 2009 le prix régional Moniteur de la construction dans la catégorie second oeuvre et au niveau national la mention spéciale “performance environnementale”. Nous avons rencontré Olivier Guislain, repreneur de 47 ans.
Quels sont votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise?
Olivier Guislain.Après l’obtention d’un DUT électronique à l’IUT de Béthune, j’ai intégré Norélec à Verquin pour travailler sur des projets industriels pendant 2 ans. Puis intervenant comme indépendant dans des projets internationaux, j’ai eu une période de 20 ans, dont 10 ans comme salarié, dans l’industrie papetière chez Stora à Corbehem que j’ai
quitté en 2007. Pendant 2 ans, j’ai assuré la direction de Ducrocq Catoire (depuis devenu Coexia Énergies) à Béthune, 150 personnes et filiale du groupe Ramery, en charge du management, du suivi des chantiers et du développement commercial. J’y ai d’ailleurs découvert le monde du BTP.
Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise?
J’ai toujours eu envie de faire quelque chose d’intéressant, de m’exprimer autrement, de relever un challenge. La reprise d’une entreprise était la réponse à cette volonté. L’opportunité a fait le reste.
Quelles actions avez-vous menées dans votre carrière pour vous faire penser que vous étiez capable de reprendre une entreprise?
Depuis le début de ma carrière professionnelle, j’ai eu la chance de pouvoir me réaliser en termes de management des hommes, de gestion de projets et des risques. Dans bien des situations, c’était mon savoir-faire technique qui s’exprimait. Il me manquait la possibilité d’assurer la plénitude des responsa-bilités associées à la propriété d’une entreprise. C’est le pas que j’ai franchi en reprenant Ad Thermic.
Combien de temps s’est-il passé entre l’idée et la clôture du dossier?
Presque un an jour pour jour entre un premier coup de téléphone à André Denocq, le cédant, et la reprise proprement dite en septembre 2010. Cette période, c’est un boulot à temps bien complet, se déroule en gros sur 3 étapes: 3 mois d’études et de discussions pour se mettre d’accord sur un prix, 6 mois de montage du business plan et recherche du financement, et 3 mois pour finaliser le contrat d’acquisition.
Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de l’entreprise reprise?
J’ai une culture technique et industrielle. J’avais une sorte de cahier des charges dans la tête. La cible devait être avant tout technique, avec une vingtaine de personnes pour un chiffre d’affaires de 3-4 M d’€ et saine financièrement, l’idée n’étant pas de redresser une entreprise. Sa notoriété devait être établie, et je me fixais l’objectif de la faire évoluer grâce à la compétence de son personnel, par l’organisation et surtout l’innovation. AD Thermic répondait à tous ses critères.
Quels ont été vos partenaires durant cette reprise?
On a besoin de s’entourer de bonnes compétences, car il faut trouver le financement et finaliser un accord équilibré avec le cédant. Un expert en comptabilité, Mohammed Ouraoui, un ancien du groupe d’André Dubocage, m’a conseillé, accompagné et a même assuré le calage de l’outil comptable dans l’entreprise pendant 6 mois, la responsable comptable, épouse d’André Denocq ayant quitté la société. Oseo, à travers Claire Verbeke, chargée d’études, m’a accompagné efficacement dans le montage du dossier vis-à-vis de la banque. Avec le support d’Oseo, j’ai retenu la Banque Populaire d’Arras qui m’a fait confiance. Le prêt est important, mon apport personnel étant de 20 %, comme classiquement je pense. Un prêt à taux zéro de Gohelle Initiative complété par l’accompagnement du Réseau Entreprendre Artois avec un prêt de 30 000€, a complété le dispositif financier. Pour la partie juridique du contrat de reprise avec tout ce qui concerne la garantie d’actif/ passif, J’ai fait appel à Marc Tytgat, avocat à Lille. L’expertise comptable est assurée par le cabinet Joël Pruvost de Waziers, et le commissariat aux comptes par le cabinet Daniel Mouy de Douai.
Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise?
La société est bénéficiaire depuis sa création en 2002. La base de discussion a été le chiffre d’affaires et surtout les résultats. D’autres critères de valorisation sont intervenus : la notoriété de l’entreprise, ses clients, la qualité de son personnel de terrain, son carnet de commandes – un an comme actuellement, son parc véhicules – 10 camionnettes et 4 véhicules légers. Pour le moment, les locaux sont loués par le cédant.
Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise?Avez-vous été surpris par certains points?
André Denocq, le cédant, m’a accompagné pendant 3 mois. Il me fallait découvrir et prendre en mains le métier, même s’il ne m’était pas complètement étranger, l’organisation et les hommes, la connaissance des chantiers et des clients. L’entreprise était bien tenue et je n’ai pas eu de surprise particulière. La compétence du personnel, sa motivation, son sens du service et de la qualité m’ont beaucoup impressionné.
Quels ont été les meilleurs moments de cette période?
Je dirai sous forme de boutade, ce sera demain. J’ai la satisfaction d’avoir sorti un 1er bilan avec un chiffre d’affaires et un résultat conformes aux prévisions. Dans la situation économique actuelle, c’est très satisfaisant et rassurant sur la reprise elle-même, la confiance de nos clients et surtout la qualité des équipes qui m’ont fait confiance.
Et les moments les plus difficiles à vivre?
Avant la reprise, c’est l’angoisse : auraisje l’accord de la banque? Quoi que l’on dise, racheter une entreprise est un risque que l’on assume seul. Il faut imaginer que si l’accord ne se finalise pas, vous avez perdu un an… La difficulté n’est pas intrinsèque à Ad Thermic. C’est le processus de reprise lui-même qu’il faut appréhender mentalement. Il n’est pas facile de s’installer dans le bureau d’un dirigeant à qui on a racheté son affaire et de cohabiter avec lui. Je pense
même que c’est difficile pour lui et je le remercie de l’avoir fait. Il est certain que dans un premier temps, on apprend – et il faut le faire vite!, et on observe. On n’est chez soi sans être chez soi, on se doit de respecter ce qui a été bien construit – mais on aurait envie de faire évoluer certaines choses. L’investissement personnel est énorme.
Avec le recul, que vous a-t-il manqué le plus pendant la durée de la transmission?
Du temps et du temps… Pendant 3 à 4 mois, c’était 7 jours sur 7 bien remplis, et il me semble qu’il n’est pas possible de faire autrement. Puis, on prend les premières décisions d’organisation, d’embauches, d’investissements qu’il faut naturellement expliquer et accompagner, et c’est encore beaucoup de temps et de disponibilité à trouver.
Si vous aviez trois conseils à donner aux futurs repreneurs, quels seraient-ils ?
Je vais m’exprimer par rapport à mon vécu qu’il convient donc naturellement de relativiser. Il m’est apparu qu’il ne faut pas hésiter à modifier de suite dès la reprise quand on a le sentiment qu’une décision doit être prise sans attendre un certain Une chaufferie. Plancher chauffant basse température. temps, on regarde sans rien modifier. Ca peut être une action de réorganisation ou une approche au niveau du personnel. Le repreneur doit rapidement mettre en visibilité ses valeurs et les décliner dans l’entreprise pour les partager, je pense à l’honnêteté, l’esprit de service, le respect – je dirais l’amour des clients, le dévouement, le respect mutuel, la transparence, etc.
Quels sont les projets pour l’entreprise que vous avez reprise?
Mon premier projet était de reprendre l’entreprise dans le respect de l’existant – en faisant aussi bien, de son repreneur, des équipes, des partenaires clients et fournisseurs, et ceci dans la continuité et sans à coups inutiles. Avec l’aide de tous, nous avons réussi à passer cette étape sereinement en confortant l’organisation comptable et informatique ainsi que la gestion analytique des chantiers. Nous ne sommes pas encore tout à fait au bout de l’optimisation de l’organisation. Notre développement doit s’appuyer sur nos références, la qualité de nos installations et interventions, et surtout la satisfaction de nos clients. Nous créerons prochainement un site Internet pour mieux rendre visible nos réalisations. C’est sur ces bases que l’entreprise restera à la pointe de son métier et que les clients continueront à nous faire confiance.