“Pour réussir, il faut la passion”

Vincent Dervaux a repris à Charles Favre une institution béthunoise, La Prairie, idéalement située près de la Grand’Place à Béthune. Comme on dit, “qui ne connaît pas La Prairie à Béthune…”. Cet établissement fait partie de ceux qui comptent dans le paysage régional de la fromagerie. Nous avons passé quelques heures dans le magasin de ce repreneur de 44 ans, Vincent Dervaux, également charitable à Béthune et cycliste amateur dans ses quelques temps de loisir, il a d’ailleurs terminé le dernier Paris-Roubaix amateurs à la 65e place (sur 1 300 inscrits).

La découpe du fromage est un moment privilégié d’échanges avec le client.
La découpe du fromage est un moment privilégié d’échanges avec le client.

 

La gestion achats avec environ 180 fournisseurs, est une charge très lourde. Vincent Dervaux consacre “90 % dans les achats ou derrière le comptoir”.

La gestion achats avec environ 180 fournisseurs, est une charge très lourde. Vincent Dervaux consacre “90 % dans les achats ou derrière le comptoir”.

Quels sont votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise ?
Vincent Dervaux. J’ai fait mon premier apprentissage en restauration chez mes parents au Bistrot de la paix à Béthune. Entré en 1987 chez Meurin à Béthune en tant que serveur, j’ai quitté ce magnifique établissement en 1997 comme sommelier. J’ai eu le plaisir de connaître son passage à une étoile Michelin puis à deux étoiles. Après une période d’un an à Métro Reims comme chef de rayon vins, j’ai intégré le Comptoir des grands marques comme représentant en vins, champagnes et spiritueux pendant 3 ans puis directeur des ventes avant de quitter cette maison le 31 janvier 2011.

Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?
Je souhaitais vendre ou remettre les mains dans de belles choses. La restauration pouvait être une possibilité d’orientation. Ce beau métier que je connais bien et que j’aime, est un peu ingrat car comme on l’entend souvent dire, on travaille le soir et le week-end pendant que les gens s’amusent. Il faut également gérer sa vie de famille et assurer ses passions. La reprise de la Fromagerie du Béthunois a été une opportunité qui répondait presque à un rêve de gosse.

 

4 vendeuses (et depuis peu une apprentie) assurent la vente et le conseil très prisé par les clients.

4 vendeuses (et depuis peu une apprentie) assurent la vente et le conseil très prisé par les clients.

Quelles actions avez-vous menées dans votre carrière pour vous faire penser que vous étiez capable de reprendre une entreprise ?
Dans mes emplois précédents, j’ai toujours été rapidement en situation de responsabilités. Chez Meurin comme sommelier, l’exigence de qualité était très développée. Durant mon parcours de représentant conseiller des clients, puis de direction des ventes, les résultats attendus étaient présents avec les notions de chiffres, rentabilité et marges. Me manquaient la gestion comptable et tout l’environnement spécifique à ce type d’activité (règles d’hygiène, traçabilité des marchandises, etc.) que je pouvais acquérir ou me faire accompagner.

 

La sélection de fromages,plus de 150 variétés, est une valeur sure de l’établissement. Les clients apprécient également de trouver les vins fins et spiritueux, l’épicerie fine et le rayon crémerie.

La sélection de fromages,plus de 150 variétés, est une valeur sure de l’établissement. Les clients apprécient également de trouver les vins fins et spiritueux, l’épicerie fine et le rayon crémerie.

Combien de temps s’est-il passé entre l’idée et la clôture du dossier ?
J’ai rencontré en septembre 2010 Charles Favre qui souhaitait prendre sa retraite. Celui-ci connaissait mon intérêt pour son activité et ma motivation pour conforter son rayonnement sur la place béthunoise. Le 1er février 2011, j’étais dans la fromagerie.

Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de l’entreprise reprise ?
C’est très curieux. J’aime le monde des belles choses dans le bon sens du terme, le bien être, le bien manger, etc. Quoique l’on fasse, sommelier ou fromager ou autre métier, pour réussir il faut “la passion ”, sans oublier de satisfaire le client, ce qui n’apparait plus toujours comme une priorité. Cette maison a fourni mes parents et grands-parents. Charles Favre était mon client lorsque je vendais du vin. Et pour dire franchement les choses, je rêvais de reprendre cet établissement d’exception depuis au moins dizaine d’années. Il correspondait à mon désir d’être dans de belles choses.

Quels ont été vos partenaires durant cette reprise ?
En tant que cédant, Charles Favre a été accompagné par Émilie Daviaud du service transmission de la CCI de Béthune. J’ai concrétisé la reprise avec un associé, David Halluin, dirigeant des magasins de fruits et légumes Tonus, qui, au-delà de sa notoriété, apporte sa signature auprès des banques. D’ailleurs, la BNP Paribas Béthune à travers Sylvie Delansay, nous a rapidement fait rapidement confiance pour le financement. Le cabinet d’expertise comptable Strageco de Lens m’a accompagné et continue à le faire dans les domaines comptable et juridique.

Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?
Les bases de valorisation retenues étaient le chiffre d’affaires et naturellement le stock de marchandises. Charles Favre a proposé un prix de cession sur lequel nous avons rapidement contractualisé avec quelques ajustements. Le cédant est resté dans l’établissement en tant que salarié à mi-temps de février à juillet 2011 pour m’accompagner et assurer la reprise dans les meilleures conditions possibles. Ce fut très appréciable et je l’en remercie.

Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?
L’entreprise était saine et conforme à ce qui avait été annoncé, l’inventaire du 1er février 2011 a d’ailleurs confirmé la valorisation des produits et l’excellente tenue de l’ensemble. Il est vrai que le cédant était de culture comptable et l’affaire était remarquablement gérée (gestion des achats, gestion des dates limite de consommation,..). L’équipe en place est de qualité et continue à s’investir avec beaucoup de motivation.

Quels ont été les meilleurs moments de cette période ?
C’est un métier merveilleux avec de nombreux meilleurs moments. Je pense par exemple aux achats de beaux produits fromages et épiceries fines pour les périodes de fêtes. La confection des plateaux fromages pour Noël qui font une grande partie de notre notoriété, est un grand moment de bonheur. De 20 plateaux l’année précédente, nous avons vendu 110 plateaux sur ardoises lors des dernières fêtes de fin d’année. Je ressens toujours beaucoup de fierté lorsque nous livrons des restaurateurs, Marc Meurin, Le Cerisier à Laventie ou Au fil de l’eau à Vieille-Chapelle, et bien d’autres, je ne peux pas les citer tous. Quel plaisir également de rencontrer nos nombreux clients qui viennent parfois de loin pour être conseiller, pour acheter ou pour découvrir nos produits !

Et les moments les plus difficiles à vivre ?
Le premier jour, l’inventaire a débuté à 6h30 et s’est terminé à 20h. Charles Favre m’a donné les clés en partant. Je me suis effondré en larmes, me demandant si j’allais réussir à gérer ct établissement, il y avait un tel travail… Il y a maintenant plus d’un an. Certains mois, nous faisons plus de 50 % par rapport au mois de l’année précédente.

Avec le recul, que vous a t-il manqué le plus pendant la durée de la transmission ?
Il m’a manqué, et me manque encore, une formation à la comptabilité pour mieux appréhender la partie purement comptable de l’affaire. Heureusement, je suis épaulé par ma mère qui me fournit mensuellement les analyses de ventes, le cabinet d’expertise comptable Strageco qui assure la comptabilité et les paies des vendeuses, et le cédant qui vient régulièrement jeter un coup d’oeil sur la comptabilité.

Si vous aviez trois conseils à donner aux futurs repreneurs, quels seraient-ils ?
Je ne reprendrais pas l’idée de tout voir en une seule journée lors de la reprise, je me donnerais plus de temps. Dans les premiers mois de la reprise, il faut s’accrocher. Il faut y croire, et y croire, et surtout ne pas lâcher. Il faut rester calme, les choses se mettent en place éléments par éléments.

Quels sont les projets pour l’entreprise que vous avez reprise?
Certains considèrent que nous sommes une institution dans le Béthunois. J’en prends acte et j’en suis fier. J’ai conscience que c’est le résultat d’un travail quotidien avec mon équipe pour continuer à mériter cette qualification sympathique mais exigeante. Je dois en permanence surprendre mes clients et leur apporter toujours plus de plaisir en leur proposant ce qu’il y a de mieux comme produits, qu’ils soient classiques, d’exception ou rare. Cette démarche méticuleuse de recherche de l’excellence est valable pour tous les produits, fromages, vins fins et épiceries fines. Je pense en exprimant cela à une dame d’Oxelaëre qui nous fournit tous les mardis aprèsmidi ses merveilleuses gaufres à la cass

La découpe du fromage est un moment privilégié d’échanges avec le client.

La découpe du fromage est un moment privilégié d’échanges avec le client.

onade…

C’est visiblement lorsqu’il sert un client que Vincent Dervaux exprime le plus sa passion.

C’est visiblement lorsqu’il sert un client que Vincent Dervaux exprime le plus sa passion.