“Plan vélo” : les entreprises inciteront-elles leurs salariés à pédaler ?
Recevoir une indemnité pour se déplacer au travail à vélo ? Ce n’est pas encore gagné. Le “plan vélo” dévoilé par le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, comporte des mesures pas très spectaculaires et qui reposent en partie sur la bonne volonté des employeurs.
Le ministre des Transports a bien appris la leçon : “En France, nous avons un retard considérable.”. Le 5 mars, Frédéric Cuvillier vient de passer une heure et demie avec la vingtaine de membres du “comité de pilotage” du “plan d’action pour les mobilités actives”, ainsi que les spécialistes des transports appellent, dans leur jargon, le vélo et la marche. Face à la presse, en une petite vingtaine de minutes avant de prendre le train pour Boulogne-sur-Mer où il est candidat (PS) à la mairie, le ministre présente les décisions du gouvernement. Aujourd’hui, seuls 3% des trajets quotidiens en France se font sur une bicyclette. Cette proportion atteint 13% en Allemagne et 31% aux Pays-Bas, mais aussi 5% en Italie ou 14% en Belgique.
Si l’on en croit le ministère des Transports, l’intérêt des “alternatives au tout-voiture” ne se résume pas, comme on le croit trop souvent, aux questions environnementales, mais revêt des enjeux sanitaires, économiques et sociaux. En outre, les pouvoirs publics, pris à la gorge par les difficultés budgétaires, peuvent trouver un intérêt à développer le vélo plutôt que de financer partout de nouvelles lignes de tramway, de bus ou de métro pas toujours rentables. Le plan du gouvernement, décliné en 6 axes et en 25 mesures, contient essentiellement des dispositifs techniques ou juridiques visant à permettre aux collectivités de faire davantage de place aux piétons et aux cyclistes sans risquer un recours inopportun. Les communes auront ainsi la possibilité de fixer la vitesse maximale à 50, 30 ou 20 km/h, voire “à l’allure du pas”, alors qu’elles devaient jusqu’à présent arbitrer entre le 50 réglementaire et les zones 30. Quelques mesures “de bon sens” donnent aux cyclistes le droit de circuler à contresens dans les rues limitées à 30 km/h (et non plus seulement dans les zones 30), ou de se tenir au milieu de la route lorsqu’un obstacle, le plus souvent une voiture en stationnement, les empêche de serrer à droite.
Amendes plus salées. Le ministre annonce également son intention d’augmenter le montant des amendes, de 35 à 135 euros, visant les automobilistes garés, même “pour 5 minutes” selon l’expression consacrée, sur une piste cyclable ou un passage piéton. Les personnes circulant à pied ne sont d’ailleurs pas oubliées. Il sera désormais impossible de prévoir des places de stationnement à moins de 5 mètres des passages zébrés, afin de ne pas créer d’obstacle visuel pour les parents, par exemple, qui circulent avec une poussette.
La mesure phare du plan de Frédéric Cuvillier consiste en une indemnité kilométrique de 25 centimes versée aux salariés qui se rendent à vélo à leur travail, à l’image de celle qu’octroient certains employeurs en Belgique. “Les salariés qui arrivent à vélo sont plus ponctuels, en meilleure santé, plus concentrés que ceux qui se déplacent en voiture”, assure-t-on au ministère. Mais le dispositif suscite déjà des questions : et pourquoi pas une indemnité pour les piétons demandent les uns. Et si on réduisait plutôt les avantages fiscaux pour ceux qui se déplacent en voiture, répondent d’autres. Que tout le monde se rassure : l’indemnité kilométrique pour les cyclistes, qui serait versée “sur la base du volontariat”, est encore dans les limbes. Afin “d’évaluer son impact potentiel”, le ministère propose à des employeurs d’expérimenter la mesure. Las ! Au moment où il présente son plan à la presse, Frédéric Cuvillier n’est pas en mesure de livrer un seul nom d’entreprise susceptible de se lancer. Le “vélo de fonction” existe déjà, mais demeure très marginal. L’enseigne de bricolage Weldom, dans l’Oise, permet ainsi depuis 2010 à ses salariés d’acquérir des vélos à un prix très avantageux. En échange, les employés s’engagent à l’utiliser au moins un jour sur deux, d’avril à octobre, pour venir travailler. A Nantes, Vélocampus, une association qui loue des vélos aux étudiants, offre à ses salariés une indemnité de 8 centimes par kilomètre pédalé. Le ministère espère convaincre quelques grands groupes qui pourraient en profiter pour témoigner, même si ce n’est plus aussi à la mode qu’il y a quelques années, de leur “engagement durable”.
En attendant, d’autres entreprises se saisissent de l’objet vélo. La marque de produits alimentaires Michel et Augustin sponsorise des triporteurs munis de baquets situés devant le guidon, dans lesquels, au Danemark ou en Allemagne, on transporte les enfants ou les courses du jour. Une cinquantaine de ces véhicules ont été remis à des familles le 8 mars à Boulogne- Billancourt (Hauts-de-Seine), la ville où siège l’entreprise. L’opération a coûté 50 000 euros aux actionnaires. “C’est plus intelligent qu’un énième spot télévisé”, concède Augustin Paluel-Marmont, l’un des fondateurs de l’entreprise.