“Made in Dunkerque” : après les moules, des huîtres ?
De plus en plus, la Côte d’Opale, terre de pêche historique au même titre que la Bretagne, s’ouvre à l’élevage marin (comme Aquanor à Gravelines) et à la conchyliculture. A Audinghen et à Oye-Plage, un mytiliculteur élève des moules sur bouchots. A Dunkerque, des marins pêcheurs poursuivent leur diversification, voire leur reconversion. Après la mytiliculture, deux d’entre eux misent désormais sur l’ostréiculture.
A Dunkerque, on s’est lancé dans la moule de corde, à titre expérimental, en 2004. Après une année de calamité agricole, la première récolte en 2008 a rapporté 150 tonnes, la suivante 250 tonnes. Les trois exploitants qui ont persévéré – dont deux mytiliculteurs aujourd’hui à 100% – espèrent récolter en 2012 plus de 500 tonnes. “Ils travaillent sur des concessions à trois milles des côtes au large de Zuydcoote”, explique Johnny Prudhomme, directeur adjoint de la Coopérative maritime de Dunkerque qui assure la vente, le suivi des commandes et l’avitaillement des embarcations. Bernard Tabeling et Aymar Tared sont associés dans la gestion de leur barge L’Epaulard (18,50 m), construite au chantier Gamelin (La Rochelle). “Nous sommes d’abord des pêcheurs de soles et de crevettes – j’ai commencé le métier en 1989 sur un navire polyvalent de 14,90 m – avant de nous intéresser à la mytiliculture par curiosité, explique Bernard. Ce challenge nous a forcés à beaucoup apprendre alors qu’on pensait que le métier était facile. Exposés en pleine mer, nous avons subi des aléas et profité de cette expérience pour améliorer notre exploitation et augmenter chaque année nos apports.” Presque quotidiennement, en prévision des commandes, les deux compères prennent la mer vers 5h. Direction la concession. A quatre sur le pont, les hommes enchaînent les postes : remontée des filières, tri des calibres, empaquetage, étiquetage… En attendant que Johnny Prudhomme, au téléphone, précise les quantités à ramener. “On a une capacité optimale de 150 sacs de 15 kilos, et on nous en demande chaque jour entre 300 et 400”, avoue Bernard. De retour au quai de l’Armement-Nord, place à la commercialisation assurée par la Coopérative. “Mais nos épouses écoulent aussi une partie en vente directe, ajoute-t-il, celle d’Aymar sur les marchés, la mienne sur une aubette, à Dunkerque.”
Une expérience qui pourrait bénéficier à d’autres. Cette filière de moules de corde en pleine mer est unique en Europe. Bernard Tabeling et Aymar Tared ne s’en contentent pas : les voilà aujourd’hui lancés dans l’expérimentation d’une huître sur filière, la première au nord de la Normandie. “Nous avons les concessions, le moyen nautique et la curiosité. Pourquoi ne pas nous lancer un nouveau défi ? A la jonction entre la Manche et la mer du Nord, nous profitons d’un très fort courant et d’un apport de phytoplancton, ce qui peut diminuer la mortalité des huîtres. Peut-être pourrions-nous, en cas de succès, donner un coup de main à nos collègues normands et fournir des naissains immunisés.” L’expérience a débuté fin mai, après les contrôles
ad hoc (Bureau Veritas, Affaires maritimes…), en collaboration avec le Centre régional de la conchyliculture de Normandie-mer du Nord et le nouveau Centre de référence de l’huître créé à Caen en janvier 2012. Les premiers trempages sont prévus en mer du Nord à la fin de l’été. Le cycle prévoit trois ans et demi avant la première récolte. “Mais nous comptons gagner une année en phase finale, espère Bernard Tabeling, car notre huître est complètement immergée.” Arcachon, Marennes-Oléron, Cancale… Et si Dunkerque, avec ses huîtres, arrivait à bon port !?