“Lille est le dossier stratégique majeur du groupe”

“Lille est le dossier stratégique majeur du groupe”

D.R.

Le 1er avril 2016, la Métropole Européenne de Lille a lancé la procédure de renouvellement de la concession de service public pour l’exploitation de ses réseaux de transports en commun. Elle désignera mi 2017 l’opérateur qui succédera à compter du 1er janvier 2018 à l’actuel gestionnaire Transpole. Entretien avec celui qui a pris la responsabilité de la réponse Transdev à l’appel d’offre lancé par la MEL, Franck‑Olivier Rossignolle. 

La Gazette Nord – Pas-de-Calais . Si Transdev est un opérateur de transport qui est connu dans les Hauts-de-France, il l’est beaucoup moins dans la métropole lilloise. Qui est Transdev ? Franck-Olivier Rossignolle. Transdev est un groupe issu de la fusion le 4 mars 2011 en Véolia Transdev de deux groupes de transport, Véolia Transport et de Transdev, filiales respectivement de Véolia Environnement et de la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette fusion répondait à un objectif de complémentarités : Transdev était très présent dans l’urbain et l’économie mixte quand Véolia l’était davantage à l’international et dans les activités interurbaines en France. La création de Transdev remonte aux années 80 pour être le véhicule de la réintroduction du tramway en France au service des collectivités locales. Ces dernières souhaitaient créer des Sociétés d’Economie Mixte et disposer d’un partenaire industriel pour un appui à la fois technique et managérial leur permettant une gestion efficace de l’exploitation de leurs réseaux. Le démarrage de la fusion a été mouvementé et compliqué jusqu’aux annonces le 6 décembre 2011 par Veolia Environnement de son intention de céder ses activités dans les transports publics et par la CDC, actionnaire paritaire de Veolia Transdev, de la confirmation de son engagement dans la société. Décembre 2012, Jean-Marc Janaillac, notre sauveur, prend la direction, mars 2013, changement de nom en Transdev et nouveau logo, novembre 2015, accord pour la sortie du capital de la SNCM et la prise de contrôle majoritaire de Transdev par la CDC. Hors Boston, Transdev n’a pas perdu de contrat significatif depuis 2012. La société est repartie dans une dynamique de croissance, les résultats ont triplé en 2015 à 83 M€ pour un chiffre d’affaires de 6,6 Mds €. Compte tenu de ce redressement, elle a décidé de repartir dans une stratégie de développement commercial.

En vous intéressant à Lille ? Quand nous avons établi il y a deux ans notre plan stratégique, nous avions sur la France deux cibles prioritaires, Lyon et Lille. Après études d’intérêt pour nous et d’écoute auprès des collectivités locales, il nous est apparu qu’il y avait une véritable opportunité pour Transdev à présenter une offre sur Lille et à pouvoir l’emporter. Nous avons décidé il y a dix-huit mois de faire de l’appel d’offre de la
MEL le dossier stratégique majeur du groupe. J’ai proposé d’en prendre la direction et décidé de m’en occuper à titre principal.
Quelles démarches et actions avez-vous déjà engagées ? Avant même le lancement de la procédure d’appel d’offre, pour nous forger une idée du territoire, nous avons démarré toute une phase de diagnostic et de rencontres avec les élus, les chefs d’entreprise, les associations et aujourd’hui nous avons une bonne vision du territoire. C’est dans ce cadre que début juin, 75 collaborateurs, français et internationaux, du groupe ont participé à l’atelier Mark&Ter, contraction de la direction Marketing et territoire qui gère au niveau de la France l’ensemble de la politique marketing et offres sur le terrain et qui l’anime. À chaque appel d’offre avec de grands enjeux de renouvellement et quelle qu’en soit la taille, le groupe organise une mission de décryptage du territoire et de son réseau de transport. Certains se sont penchés sur les pôles d’échanges multimodaux, d’autres sur la politique du vélo… Nous avons structuré tous les thèmes sur lesquels nous focaliser en espérant pouvoir utiliser toute la matière grise disponible pour nous positionner parrapport au cahier des charges dont nous attendons la sortie. (1)

Quelle stratégie poursuivez-vous ? De tous les grands thèmes retenus, notre thème majeur est de cocréer les réseaux sur les territoires de la Métropole. La particularité aujourd’hui de la Métropole de Lille, c’est d’être, de rassembler un ensemble de zones denses et de zones peu denses, rurales. Nous n’avons pas aujourd’hui d’offres qui répondent à l’ensemble de ces territoires, c’est tout l’objet de notre travail. Nous parlons de cocréation, de codesign car c’est notre souhait de travailler au maximum avec les acteurs du territoire. C’est ainsi que nous avons été partenaires de Sharing Lille où nous avons rencontré nombre de startups et d’acteurs de l’économie collaborative. Nous avons travaillé avec eux sur la réalisation de propositions permettant d’offrir des solutions de mobilité à l’ensemble du territoire, notamment peu dense. Ne plus être obligé d’avoir la voiture comme unique solution de mobilité est un sujet qui fait partie de nos réflexions. Aujourd’hui, l’aide des outils numériques nous offre des possibilités incroyables de pouvoir joindre les briques de la mobilité. Aujourd’hui, nous ne nous considérons plus comme un transporteur, mais comme un opérateur de mobilités. Notre objectif sur la Métropole, c’est de développer notre capacité à offrir avec l’aide des outils numériques une chaîne de mobilités et donc la mobilité la plus adaptée en sachant très bien que, comme le président Damien Castelain l’a indiqué dans ses interventions, des contraintes financières existent. Son objectif n’est-il pas de pouvoir générer des économies pour les affecter à des projets structurants ! Nous avons des outils, des solutions, mais l’outil doit être adapté au territoire. A Avignon, nous lançons en septembre la phase test de Popcar, une innovation qui permet au conducteur et au passager d’être flexibles grâce à la création de lignes de covoiturage organisé. Nous croyons beaucoup en des lieux fédérateurs de mobilités à même d’offrir des solutions en zone rurale ou peu dense.
Mais la Métrople, ce n’est pas que la ruralité… Bien entendu, nous aurons aussi de gros enjeux sur le réseau urbain classique. Il y a d’abord le tramway qui n’a pas ici la place qu’il a dans nos autres réseaux. Il y a aussi le traitement du passage au métro de 52 mètres dont on sait qu’il fera l’objet d’un avenant positif pour l’intégrer au CSP quand il sera opérationnel. Sauf qu’il serait dommage que le délégataire n’accompagne pas la MEL dans son projet. Il nous faut être un facilitateur et pas un urticant et que ce projet ne se retrouve pas inauguré je ne sais quand ! Il y a aussi tous les sujets qui tournent autour de la lutte contre la fraude, contre l’insécurité… Ce qui ressort de l’Observatoire Transdev des mobilités pour lequel l’institut BVA interroge 3 000 personnes, clients et non utilisateurs, sur leur perception de la mobilité, des réseaux, c’est une moindre attractivité ici des transports publics que celle qu’on serait en droit d’attendre. A analyser les catégories de population qui utilisent le tramway, on n’est pas dans les répartitions de villes comme Nantes, Montpellier où les CSP+ le considèrent comme un moyen de transport rapide, moderne. Un des nos défis est de travailler à des propositions visant à augmenter cette attractivité. Il faut que la MEL ait un réseau digne d’une métropole européenne ! L’augmentation du sentiment d’insécurité est un vrai sujet. Il convient de bien réfléchir sur l’utilisation au mieux de la médiation et sur les missions qui lui seront demandées par le cahier des charges. Compte tenu de notre expérience à La Réunion, il nous faut intégrer la médiation dans le sujet plus large qu’est la lutte contre les incivilités, la lutte contre la fraude, mais aussi l’information à la clientèle. En intégrant la notion de stewart, le réseau milanais a développé le concept intéressant d’une approche multifonctionnelle de l’agent d’accueil et de médiation. Il faut, en faisant abstraction des éléments exogènes, nous projeter pour apporter la réponse la plus pertinente possible. Autre élément important que je tiens à signaler, c’est que la candidature que nous avons déposée le 6 juin n’émane que de Transdev seule, mais en partenariat avec la société de transport de Milan, ATM. En 2010, l’offre de Véolia Transport était une réponse en groupement avec ATM. En 2010, si elle avait une référence grands réseaux et une référence tramway assez faible, Véolia Transport n’avait pas de référence métro, d’où son alliance avec ATM en groupement. Aujourd’hui, nous avons toutes ces compétences, mais nous n’avons pas en gestion de réseau multimodal de la taille de Milan. Notre partenariat va nous apporter la vision de la gestion d’un réseau multimodal dans une ville millionnaire en habitants. L’idée est d’avoir leur avis sur l’intégration du métro dans le chaînage complet pour nous aider à réfléchir à une meilleure intégration multimodale. Le partenariat que nous avons signé avec eux va nous permettre d’apporter une réponse encore plus efficace à la MEL. Pour résumer, nous sommes motivés. Par rapport à 2010, nous avons l’ensemble des compétences. La fusion Véolia Transport – Transdev a joué son effet complémentarités. Le groupement a pu susciter des interrogations en 2010, mais cette fois c’est Transdev qui fait son offre. Avec les équipes d’ATM pour nous aider et nous stimuler, nous sommes beaucoup plus fort. Aujourd’hui, la Métropole peut attendre mieux de son réseau.

Avez-vous des attentes particulières sur le cahier des charges ? La remise des offres devrait se faire début novembre. Quand se tiendront les Assises de la mobilité en septembre, nous serons en phase de finalisation de l’offre. J’ose espérer que les orientations attendues seront dans le cahier des charges. Il ne faut pas qu’il soit déconnecté. De la même façon, j’ose espérer qu’il y aura des possibilités ouvertes de variantes avec des réflexions où la créativité des opérateurs pourra être mise en avant, ainsi pour exemple sur le sujet du tramway vers Lesquin… Nous avons beaucoup d’informations sur l’environnement, beaucoup moins sur l’activité. Nous attendons beaucoup du cahier des charges, surtout des annexes. L’opérateur actuel n’a pas l’air d’être un modèle de transparence. Nous sommes les seuls à proposer aux autorités organisatrices un outil d’accès aux états et aux informations du réseau. Un contrat de concession de service public se passe dans la confiance et dans la volonté de le faire évoluer. La confiance passe aussi par la transparence des deux parties. La dynamique de cocréation doit aussi se faire sur la durée du CSP avec la MEL. Il faut que le délégataire s ‘applique la transparence pour qu’il n’y ait pas d’ambiguités.