“L’IESEG a de l’appétence pour la création d’entreprise et l’entrepreneuriat”
La région ne manque pas d’incubateurs qui participent à l’éclosion de nouvelles entreprises innovantes ou start-up tant attendues pour renouveler le tissu économique régional. Pour ne pas être réellement nouveau, le phénomène ne cesse de se développer. Entretien avec Christophe Garonne, directeur de l’un des derniers-nés, en janvier 2015, et déjà recensé par le cabinet PwC France parmi les 100 plus grands de France, l’incubateur IESEG !
La Gazette : Vous êtes le directeur de l’incubateur IESEG. Quel parcours vous y a conduit ?
Christophe Garonne : Il y avait à l’IESEG une matrice qui avait le nom d’incubateur sans en être un pour les projets des étudiants qui finissaient leurs mémoires de fin d’études. J’ai été recruté en septembre 2014, avec notamment pour mission de créer un vrai incubateur. Chose faite en janvier 2015 où j’en ai pris la direction. J’avais travaillé avec des incubateurs en France en région PACA et à l’étranger, notamment en Australie pendant six ans, dans un centre de recherche en entrepreneuriat, le plus important de l’hémisphère Sud. J’y ai appris comment il fallait faire. J’ai une double casquette : je suis universitaire, mais j’ai aussi travaillé pendant plusieurs années dans l’industrie et aussi avec et pour des start-up. J’ai traversé toutes les étapes de la création. Je vis pour cela : la création et l’accompagnement, c’est ma passion !
Sur quels principes avez-vous construit cet incubateur ?
Lille bénéficie d’un fort réseau entrepreneurial et de la présence d’EuraTechnologies, un immense incubateur. Ma volonté était de faire un incubateur à la fois pertinent pour les étudiants, inséré dans l’écosystème local, mais qui ne vienne pas en concurrence de l’existant. Plutôt que de se tailler une part du gâteau existant, j’ai préféré augmenter la taille du gâteau. Ainsi, compte tenu de l’offre déjà abondante de formations ou d’événements assurés par des avocats, des comptables et autres experts, j’ai préféré développer le suivi au quotidien des entrepreneurs, un manque que j’avais déjà diagnostiqué en Australie. Autant l’entrepreneur a besoin d’être seul pour travailler et avancer, autant il avance plus vite et plus loin quand il est dans une équipe à qui parler en toute transparence et en toute confiance. C’est là que l’expérience de l’entourage de l’incubateur joue un rôle primordial avec des acteurs qui ont créé eux-mêmes, participé à des créations ou ont conseillé des start-ups.
Comment a été reçu cet incubateur ?
Très bien ! J’ai découvert la grande appétence des étudiants de l’IESEG pour la création d’entreprise. Pour le développer en qualité, l’entrée dans l’incubateur se fait sur une sélection draconienne, je suis très transparent là-dessus, tant en interne qu’en externe. La compétition est rude et les élus doivent avoir travaillé leur projet en amont, car ils sont incubés pour faire. L’entrepreneuriat, c’est de l’action. Personne ne crée une entreprise en restant assis dans un fauteuil ! En nombre de projets, nous en acceptons à l’heure actuelle entre 12 et 15 par an, souvent soutenus par au moins deux personnes et qui, pour la plupart, sont déjà de vraies entreprises avec un modèle d’affaires, des clients, des prototypes développés, qui savent ce qu’elles doivent faire… Jusqu’ici, la règle d’admission à l’incubateur est d’être ou d’avoir été étudiant, ou d’avoir bénéficié de journées de formation à l’IESEG. De plus, l’incubation y est gratuite, avec le bénéfice de l’intégration dans un écosystème financé sur des fonds IESEG et des partenaires externes. Cependant, chaque année, nous acceptons, au cas par cas, quelques rares projets qui n’avaient pas lien avec l’IESEG.
Avez-vous d’autres spécificités ?
Oui. La première est que si l’incubateur IESEG est une seule entité, il est localisé sur ses deux campus, Lille et Paris, où il occupe des locaux qui lui sont spécifiques, tout en assurant à l’identique les mêmes services. Ainsi, la période d’incubation dure douze mois, mais sur une année calendaire, de janvier à décembre, ce qui permet d’éviter la coupure de juillet-août et d’avancer grandement pendant l’été. Nous avons aussi mis en place des accompagnements hebdomadaires avec des feuilles de suivi à la semaine, au mois, au trimestre et à l’année, qui permettent de valider la progression des projets. Et plutôt que de créer des formations en doublon avec l’offre existante, nous avons développé une quarantaine de partenariats avec des entreprises, des cabinets de consulting… pour constituer un panorama d’experts que nous pouvons solliciter sur leurs thématiques et faire venir sur rendez-vous. A partir de janvier 2018, nous transformerons cette organisation en une suite de compteurs temps par lesquels nos partenaires donneront un nombre d’heures par an que les incubés pourront tirer à la demande afin d’éviter de sur-solliciter les entrepreneurs et les experts de notre réseau.
Quels sont les secteurs de prédilection ? Nous avons un panorama très large de projets, à la fois dans l’industrie et le digital. Quelques exemples de start-up de l’incubateur IESEG : Grain du Nord qui fait fabriquer dans le Nord des vêtements inspirés de la mer, en capitalisant sur la culture et le savoir-faire local, et fabriqués dans le Nord ; Zihop, qui accompagne et renforce l’apprentissage du mandarin (chinois) via une application conviviale de mémorisation des caractères sur smartphone et qui a gagné le prix Fabrique Aviva 2017 ; Merito, plate-forme qui permet aux magasins de recruter du personnel qualifié instantanément en ligne grâce aux recommandations des managers et aux évaluations de la communauté ; LingWeLink qui développe une méthode d’apprentissage de langues en ligne basée sur l’échange entre interlocuteurs et déjà vendue à plusieurs universités ; Ease qui sécurise et gère vos différents mots de passe lors de votre navigation internet en un seul clic ; ou encore Une vie de famille qui facilite la mise en relation de nounous et des parents pour les gardes d’enfants.
Notre idée n’a jamais été de recruter 50 projets par an – nous n’avons aujourd’hui pas les moyens humains pour les suivre –, mais de se concentrer sur des projets assurément qualitatifs. C’est la bonne stratégie. A ce jour, depuis septembre 2016, les start-up de l’incubateur ont levé 1,1 M€ pour des montants variables. Ces levées de fonds couplées aux bourses de la Bpi, c’est, pour un incubateur qui n’a que deux ans et demi, une ascension extraordinaire. Et ce n’est pas fini. Je pense que cette année nous allons avoir de très beaux succès avec Zihop, Merito, LingWeLink…
Si vous aviez un conseil à donner aux candidats à l’incubation ?
Ce serait à la fois de ne pas hésiter à lancer son entreprise, mais aussi de réfléchir à l’articulation de son projet, et surtout de se faire accompagner. Aujourd’hui, il y a en France un vrai maillage territorial d’incubateurs ou de personnes naviguant dans l’entrepreneuriat, un vrai réseau de “sachants” qui savent comment faire et ont une vraie expertise.
Il faut tirer parti de ce réseau et de cet écosystème très favorable à la création d’entreprise. Le meilleur conseil que je puisse donner, c’est de venir nous voir ! Ensuite, il vaut toujours mieux aller avec une institution avec laquelle on a un lien, dont on connaît la culture et l’enseignement. Pour un projet à forte composante technologique, le mieux est de se faire incuber dans un incubateur d’école d’ingénieurs. S’il est à la fois technologique et business, en particulier digital, je dirais : venez à l’IESEG ! C’est ma spécialité et nous faisons partie d’un écosystème qui intègre école d’ingénieurs, ressources et experts que nous saurons mobiliser.
C’est là la force d’un réseau. L’incubateur ne fonctionne que s’il a un vrai réseau qui se construit sur la durée et avec l’expérience de ceux qui dirigent.
C’est une vraie ambition de l’IESEG que de développer l’incubateur et l’entrepreneuriat en général, pour avoir des entreprises qui éclosent et émergent…