“J’ai vendu ma maison pour assurer un apport”
Hélène Baussart, associée à Philippe Montfort et Stéphane Baussart, a repris l’hôtel-restaurant L’Impératrice à Berck-sur-Mer. Construit en 1890, ce bel établissement possède toute une histoire. Le bâtiment fut dans les années 1950 la banque des mineurs, avant de devenir l’hôtel de la Banque. Édith Givron le racheta en 1998 et lui donna le nom L’impératrice en hommage à l’Impératrice Eugénie qui inaugura l’hôpital Napoléon le 18 juillet 1869 (devenu Hôpital maritime à la chute de l’Empire). Après la restauration des chambres dans les styles Napoléon et Louis Philippe et la transformation du restaurant pour en faire une table réputée de Berck, l’hôtel fut classé “2 cocottes et 2 cheminées” Logis de France en 1999. Le changement de propriétaire en 2005 n’a pas permis de pérenniser cette notoriété. Nous avons rencontré les 3 associés.
Quels sont vos formations et parcours professionnels respectifs avant cette reprise ?
Hélène Baussart. Je suis fille de mineur, devenue veuve à 39 ans avec 3 enfants. J’aime le contact avec la clientèle. J’ai d’ailleurs été colporteuse de journaux avec beaucoup de bonheur et de réussite pour la Voix du Nord et Nord Matin dans mon jeune temps. Je devais vendre les journaux et encaisser avec 35 km par jour en mobylette par tous les temps et tous les jours.
Philippe Montfort. Je suis un breton de 52 ans qui a travaillé durant 25 ans dans différents postes de direction dans l’industrie.
Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?
HB. C’est un projet familial et de couple. En février 2010, nous avons souhaité développer un projet commun, sorte de challenge, en reprenant une activité professionnelle où nous pourrions également associer la famille. Dans un premier temps, nous étions intéressés par une activité style boîte de nuit, monde qui nous attirait. Malheureusement, les banques demandent dans ce domaine un apport trop important, ce qui nous a contraints de nous orienter vers un autre type d’établissement, et surtout sur une base de multi-activités.
Quelles actions avez-vous menées dans votre carrière pour vous faire penser que vous étiez capable de reprendre une entreprise ?
L’idée était d’utiliser nos compétences et expériences respectives en se répartissant les tâches dans l’entreprise à reprendre. Pour ma part, mon domaine est la relation clients et le marketing, Philippe se consacre à tout ce qui concerne la gestion, et Stéphane apporte sa maîtrise de la cuisine.
Combien de temps s’est-il passé entre l’idée et la clôture du dossier ?
La recherche d’une activité à reprendre a débuté en février 2010. La première visite de l’Impératrice a eu lieu en juillet 2011. La reprise effective a eu lieu le 10 janvier, la structure juridique d’accueil de l’activité ayant été créée fin 2011.
Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de l’établissement repris ?
Durant la période de recherche d’un établissement, nous avons signé trois compromis de reprise qui n’ont pas abouti pour des raisons diverses. Le premier à Lens ne pouvait pas obtenir de licence IV permettant de vendre des boissons alcoolisées et liqueurs. Le second à Saint- Omer faisait l’objet d’un rachat de parts sociales, ce qui n’était pas notre approche patrimoniale. Le dernier à Seclin était abordable en prix, mais l’intégration du montant des travaux principalement de mise aux normes de sécurité, le rendait difficile à rentabiliser. La visite de L’Impératrice a été le coup de coeur : il avait son histoire et une âme. De plus, son exploitation avec l’hôtel, le restaurant et le bar privé, permettait à chaque associé et à la famille d’y trouver sa place en termes de complémentarité de métiers et de réalisation personnelle.
Quels ont été vos partenaires durant cette reprise ?
Dans la démarche de recherche initiale, Émilie Daviaud, conseillère à la CCI de Béthune, a bien compris notre projet et nous a accompagnés. Sur le dossier de reprise du fonds de commerce, le comptable du cédant nous a épaulés. Benoît Gary, dirigeant du cabinet CrediPro à Lille, courtier en financements professionnels, a assuré les relations avec des banques pour obtenir la meilleure offre financière et de services. Au final, le Crédit du Nord a été retenu comme partenaire bancaire. Par ailleurs, l’accueil par la mairie de Berck et l’office du tourisme a été très positif et encourageant pour le développement de l’établissement.
Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?
Notre projet comprend un volet reprise de fonds de commerce et un dossier SCI familiale pour l’ensemble immobilier. J’ai d’ailleurs vendu début décembre 2011 ma maison de Givenchy-lès-la-Bassée pour assurer un apport significatif.
Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?
Nous avons dû remplacer et/ ou acheter de nombreux matériels, tels que réfrigérateur, adoucisseur d’eau, standard téléphonique, informatique, ou récepteur télévision TNT. De plus, certains travaux, je pense à la réfection d’un plafond par exemple, ont été réalisés pour mettre l’établissement aux normes et le rendre exploitable.
Quels ont été les
meilleurs moments de cette période ?
Ce ne sont que de petits ou grands bonheurs quotidiens. Quelques exemples. Les 25es rencontres internationales de cerfs-volants viennent de se dérouler à Berck. Cet événement majeur dans la station dégage en une semaine l’équivalent d’un mois d’août en chiffre d’affaires. Nous avons reçu en pension complète l’équipe du Koweit, soit 10 personnes, des clients exigeants mais très respectueux. Pour nous remercier de notre accueil, ils nous ont offert une magnifique montre. Un écossais a offert à Philippe une coupelle de dégustation de whisky. L’inauguration de l’établissement le 10 mars fut un succès, 10 clients et commerçants, personnalités – conseiller général, maire de Berck, député-maire du Touquet, et 2 000 amusebouche servis en entrée-platdessert. Les retours des clients sont notre récompense : les assiettes vides, un plaisir pour le chef de cuisine ; le sourire, un bonheur quotidien.
Et les moments les plus difficiles à vivre ?
Le fait d’utiliser notre trésorerie pour réaliser des investissements non programmés est une déception, nous avons du faire des choix. Il n’a pas été facile d’embaucher. J’observe que maintenant, les patrons doivent être à la disposition du personnel, je pensais probablement naïvement que c’était l’inverse.
Avec le recul, que vous a-t-il manqué le plus pendant la durée de cette reprise ?
Du temps et encore du temps. N’ayant pas bénéficié de l’accompagnement du cédant prévu sur 3 semaines, nous avons démarré de zéro. Heureusement, la détermination familiale a permis de surmonter ce handicap.
Si vous aviez trois conseils à donner aux futurs repreneurs, quels seraient-ils ?
Je pense que sur le plan reprise d’un tel établissement, nous pouvons donner quelques conseils. Au-delà de s’entourer de personnes compétentes pour avancer correctement, il faut des nerfs d’acier, car il ne faut rien négliger. Dans notre secteur, il convient d’être hyper attentif à tous les règlements administratifs, normes incendie, sécurité, hygiène, accès handicapés, etc. J’ajouterais un conseil basique : vérifier tout.
Quels sont les projets pour l’établissement que vous avez repris?
Depuis quelques mois, nous avons mis l’établissement aux normes et rendu l’outil opérationnel pour la satisfaction de nos clients. Notre site Internet est accessible et les premiers documents de présentation de l’hôtel-restaurant sont réalisés. Nous travaillons actuellement une nouvelle communication sur le restaurant, l’objectif étant de lui redonner rapidement sa notoriété d’antan qui, aux dires des clients, est pleinement méritée. Côté hébergement, nous souhaitons renforcer notre positionnement familial, convivial avec un bon rapport qualité/ prix. D’ailleurs, à la demande de clients qui recherchent des chambres triples (un grand lit et un petit lit), deux chambres vont être transformées en suite parentale en y intégrant deux petites chambres. Nous avons également des projets pour le bar qui, en dehors de salle pour les petits déjeuners, a vocation à accueillir de petits séminaires ou des réunions de clubs oenologiques. Comme vous pouvez le constater, les journées ne sont pas assez longues.