Dunkerque pourrait bien profiter à Dunkerque...

Dunkerque, le dernier Christopher Nolan est d'ores et déjà un grand succès critique.
Dunkerque, le dernier Christopher Nolan est d'ores et déjà un grand succès critique.
CAPresse

Patrice Vergriete est optimiste quant aux retombées du film : “Bienvenue chez les Ch’tis était un phénomène. Mais le film de Nolan va véritablement faire bouger les lignes.”

Le dernier film de Christopher Nolan est sorti. Annoncé comme un phénomène, encensé par la critique, il pourrait avoir des conséquences économiques intéressantes pour le territoire du Dunkerquois. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, nous aide à y voir plus clair…

 

La Gazette : Dunkerque est maintenant sorti dans le monde entier… Qu’attendez vous de la sortie du film ?

Patrice Vergriete : On attend trois différentes dimensions en termes de retombées économiques sur le territoire. D’abord, il y a eu le tournage, qui a apporté 4,5 millions d’euros*. Ça va nous permettre de crédibiliser le territoire pour apporter d’autres tournages. On peut imaginer que demain, il y aura d’autres productions. On a commencé dès 2014 avec une cellule cinéma, on peut maintenant amplifier la dynamique. Deuxième type de retombée, le tourisme de mémoire : maintenant l’opération Dynamo – la bataille de Dunkerque – est connue. Christopher Nolan en traite un angle particulier, mais il y a d’autres dimensions : la destruction de la ville, la vaillance des combattants français qui ont défendu la poche de Dunkerque… On peut imaginer que des personnes venant du monde entier, de France notamment, où l’opération Dynamo est méconnue, viendront la découvrir. Et puis un changement d’image aussi pour la ville de Dunkerque. Même si on parle de guerre, l’image de Christopher Nolan venant ici, appelant son film Dunkerque, c’est une image positive pour la ville, qui s’affiche sur les écrans du monde entier. On peut espérer avoir des retombées en termes de notoriété, d’image. Peut-être qu’un certain nombre de personnes qui ignoraient Dunkerque jusqu’à présent seront tentées de venir découvrir la ville.

 

C’était important d’appeler le film Dunkerque ? Il y a eu des négociations pour que le film porte bien ce nom…

C’était un enjeu. Pendant le tournage, je voulais convaincre la Warner et Christopher Nolan d’appeler le film Dunkerque. Le dernier jour du tournage, je l’ai invité à la mairie. Je lui ai dit : «J’ai un vœu à vous faire, j’aimerais que le film s’appelle Dunkerque Et là, il m’interrompt et il me dit : «Le film s’appellera Dunkerque.» Il se justifie, à ce moment-là, en mettant en avant à quel point l’accueil était formidable, qu’il ne pouvait l’appeler que Dunkerque. Je ne sais pas si c’est vrai, mais c’est ce que j’en retiens. Il a tenu parole et pour la ville, c’est fantastique.

 

Tout cet afflux de touristes, toutes ces nouvelles offres touristiques, est-ce que ça va se pérenniser ? Qu’est-ce qui va changer exactement ?

D’abord, évidemment, la venue de plus d’étrangers à Dunkerque, ou même plus de Français de l’extérieur pour découvrir l’opération Dynamo ainsi que la ville qu’ils ont vue dans le film. Au-delà, vous savez, quand vous allez à l’étranger et que vous dites “je suis de Dunkerque», en général on vous répond «c’est où, ça ?». Vous n’existez pas sur la carte du monde, vous êtes obligé de dire que c’est proche de Lille ou même de Paris. Là, je pense que lorsque vous irez à l’étranger, les gens se souviendront du film et sauront où ça se situe. Lorsque vous rencontrerez des investisseurs, par exemple, que vous voudrez les convaincre d’investir, au port par exemple, et que vous direz venir de Dunkerque», on vous répondra par une phrase positive, telle que «je connais cette ville, je sais où ça se trouve»… C’est ça qui va changer. Cette notoriété mondiale va nous permettre de bénéficier d’un a priori positif sur la ville.

 

Après Baron Noir, Dunkerque et d’autres tournages alentour tels que Bienvenue chez les Chtis, ce n’est pas un peu contraignant pour les habitants et les entreprises si on décide de réaliser plus de tournages ?

C’est une volonté municipale depuis le début du mandat. L’économie est d’abord basée sur l’industrie, il faut la consolider, la basculer dans le XXIe siècle et la maintenir, mais ça ne suffit plus. Le tertiaire est une piste, on y travaille. Mais ce qu’on appelle l’économie résidentielle, qui tient à la fois du tourisme, de l’accueil, de la production cinématographique, c’est une part essentielle du développement du territoire. Il faut comprendre que l’économie d’un territoire est aussi fondée sur le fait d’attirer des gens sur ses terres, ce qui n’était pas trop le cas à Dunkerque jusqu’à présent. Il faut vraiment qu’on passe ce cap, donc il faut qu’on ait une stratégie de développement touristique, ce qui est le cas : on a une croissance de la fréquentation sur la station balnéaire de 25% chaque année, c’est un résultat exceptionnel. Mais il faut continuer cette dynamique pour générer de l’emploi lié à cette activité touristique. L’accueil du tournage du film de Christopher Nolan, c’est 4,5 millions d’euros* de retombées économiques rien que pendant les 26 jours de tournage, en décor, en logistique… C’est important pour créer de l’emploi.

 

Bergues est devenue quasiment rentière de Bienvenue chez les Ch’tis. Ça fait quasiment dix ans que le film est sorti et la ville capitalise encore dessus. Est-ce que Dunkerque va suivre la même trajectoire ?

Je pense que ça peut être plus fort que Bergues. Même si Bienvenue chez les Ch’tis est le record historique en France, ça reste franco-français. Qui plus est, Bergues est une comédie fondée dans sa construction sur certains stéréotypes, on se moque des travers d’une région… Dunkerque, c’est beaucoup plus fort. Déjà c’est au niveau mondial et pas uniquement français. Deuxièmement, on est sur l’Histoire. Ce n’est pas seulement le film qui va être mis en avant, c’est aussi l’opération Dynamo, la bataille de Dunkerque… On va redécouvrir cet épisode essentiel de la Seconde Guerre mondiale, notamment sur le front de l’Ouest. Ça peut avoir un effet encore plus important que Bienvenue chez les Ch’tis à Bergues à cause de cette dimension internationale et à cause du sujet. Je m’attends à un effet plus important. Dunkerque est aussi plus grande que Bergues. À l’échelle de Bergues, Bienvenue chez les Ch’tis était un phénomène. Mais le film de Nolan va véritablement faire bouger les lignes.

 

Vous avez pu voir le film. Qu’en avez vous pensé ?

Je l’ai vu deux fois, une fois à Londres, une fois à Dunkerque. C’est un film fort, qui n’est pas une apologie de la guerre, ce qui est absolument essentiel. Il fera date dans l’histoire. Je pense qu’on n’a pas fini de parler de Dunkerque, et à la cérémonie des Oscars de 2018, on devrait encore parler de Dunkerque…

 

*Il s’avère que le CNC a avancé le chiffre de 9 millions d’euros de retombées économiques au niveau local, soit le double du montant annoncé par Patrice Vergriete.

CAPresse

Dunkerque, le dernier film de Christopher Nolan est d’ores et déjà un grand succès critique.