Dominique Dupilet choisit le moindre mal

La dernière réunion des conseillers généraux du Pas-de-Calais, en plénière à Arras le 22 octobre dernier, n'a pas seulement délibéré sur le traditionnel débat d'orientation budgétaire. La problématique de la société d'économie mixte (SEM) Adevia a longuement occupé les élus qui ont décidé de soutenir l'outil d'aménagement que représente cette entreprise présidée par l'un d'entre eux. Retour sur une grave affaire pour toutes les collectivités du Pas-de-Calais.

"L'assemblée départementale réunie le 22 ocotbre dernier à Arras".
"L'assemblée départementale réunie le 22 ocotbre dernier à Arras".
CAPresse 2012

L'assemblée départementale réunie le 22 octobre dernier à Arras.

Lors de sa plénière du 22 octobre dernier, le Conseil général a décidé à la quasi-unanimité (le groupe PCF ne participant pas au vote) de renflouer rapidement la société Adevia. La collectivité a d’abord pensé aux conséquences désastreuses de sa faillite potentielle si sa trésorerie ne lui permettait plus de fonctionner. «Les opérations d’aménagement des collectivités pourraient s’arrêter net. Nos engagements financiers nous conduiraient à payer plus de 28 millions d’euros ; 2 000 emplois dépendent de cela», a prévenu Dominique Dupilet. Le Département est actionnaire d’un peu plus de 9% dans Adevia, comme de nombreuses collectivités qui font partie du tour de table avec des banques. Adevia fonctionne depuis des décennies en vase clos : les actionnaires publics sollicitent la société pour leurs projets d’aménagement, les banques prêtent et Adevia pilote les opérations en sollicitant les entreprises. Une manière de faire qui a perduré longtemps avant d’atteindre ses limites. En creux, c’est ce qu’on pouvait déduire des interventions des conseillers généraux très prolixes sur la question. Pour l’essentiel, c’est le bassin minier qui était en cause. «C’est un dossier qui me prend la moitié de mon temps», a lâché Dominique Dupilet. Et pour cause : Adevia a triplé ses effectif entre 2002 et 2009 «sans que la gestion des ressources humaines, les moyens associés et la qualité juridique ne soient dimensionnés en proportion». C’est probablement ce qu’entendait Dominique Dupilet en parlant de «fautes certaines» devant l’assemblée. Cette SEM gère un portefeuille de plusieurs centaines d’opérations pesant entre 10 et 20 millions d’euros en acquisitions foncières. En outre, les marchés pèsent une trentaine de millions d’euros par an. C’est aussi là que le bât blesse. «Les conditions de fonctionnement de la commission d’appels d’offres (CAO) comme les modalités de sélection des candidats font apparaître de graves irrégularités altérant les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence. Les anomalies se concentrent sur un nombre limité de prestataires d’études et de maîtrise d’œuvre, parmi lesquels certains ont des liens directs ou indirects avec des administrateurs d’Adevia (qui ne sont toutefois pas membres de la CAO et donc pas formellement en situation de conflit d’intérêt)», lit-on dans le rapport de la Chambre régionale des comptes sorti en 2011.

Le Département fait la leçon… L’assemblée a délibéré sur le principe d’un apport en compte courant de 4,5 millions d’euros (remboursable sur deux ans) afin d’aller au plus vite dans le sauvetage d’Adevia. Les autres actionnaires seront sollicités pour renflouer l’entreprise à hauteur de 18 millions d’euros… Les défaillances sont ainsi définies dans la délibération départementale : «Adevia est confrontée à des difficultés de trésorerie liées à une faible rentabilité, des fonds propres très insuffisants compte tenu de son volume d’activité et à des difficultés de refinancement dont l’origine doit notamment être recherchée dans la modification des conditions d’octroi des lignes de trésorerie par les établissements financiers.» Mais peut-on reprocher à des banques d’avoir prêté pour financer une activité en développement constant ? Pour bénéficier de ces 4,5 millions d’euros, Adevia devra passer par un audit externe afin d’évaluer la situation de sa trésorerie. Elle devra aussi s’engager dans un plan pluriannuel «de mesures destinées à améliorer la rentabilité». Fin 2011, les collectivités garantissent 98 millions d’emprunt d’Adevia ; les mêmes ont également conclu des conventions publiques d’aménagement qui se traduisent par des avances d’un montant de 30 millions d’euros. Les travaux engagés dans ces conventions s’élèvent à 146 millions d’euros. L’endettement consolidé a atteint 230 millions d’euros. Michel Dagbert, vice-président chargé de la ressource humaine, la territorialisation et la coopération décentralisée et président d’Adzvia, s’est voulu rassurant : «Je rappelle que nous aurons remboursé 20 millions d’euros en emprunts en 2012. Les banques n’ont pas de quoi s’inquiéter.» Près de 30 ans après la création d’Adevia sous d’autres sigles, les collectivités espèrent que ce renflouement sera bien le dernier.