Dis-moi quelles marques tu consommes, je te dirai tes valeurs

Appartenir à une communauté et partager ses valeurs, plutôt que posséder un produit: c'est avec ce mantra que de plus en plus de marques, petites ou grandes, se font une...

Les fondateurs de la marque de vêtements de sport 'Picture Organic Clothing' Jeremy Rochette (à droite) et Julien Durant à Gerzat près de Clermont-Ferrand, le 9 février 2016 © Thierry Zoccolan
Les fondateurs de la marque de vêtements de sport 'Picture Organic Clothing' Jeremy Rochette (à droite) et Julien Durant à Gerzat près de Clermont-Ferrand, le 9 février 2016 © Thierry Zoccolan

Appartenir à une communauté et partager ses valeurs, plutôt que posséder un produit: c'est avec ce mantra que de plus en plus de marques, petites ou grandes, se font une place, tout en fidélisant leurs clients.

Dans une salle d'escalade aux éclairages pop du 20e arrondissement de Paris, la marque française de vêtements de sports d'extérieur et de glisse Picture, née en 2008, a organisé une journée pour sa "communauté européenne" en ce jeudi d'automne.

Au programme: une table ronde sur la durabilité et l'économie, un atelier de recyclage à partir de chutes de tissus et la projection d'un documentaire d'aventure, qu'elle a elle-même produit.

Pour Julien Durant, l'un des cofondateurs, la création de Picture est née du concept même de communauté, autour de valeurs précises. "On voulait une marque dédiée aux activités +outdoor+, dotée d'une dimension environnementale, et en même temps produire des produits techniques avec du style", dit-il.

Et 15 ans plus tard, Picture a des adeptes dans une quarantaine de pays et un chiffre d'affaires de 42 millions d'euros l'an dernier. Elle propose des matériaux recyclés, et a un programme de réparation à vie de ses produits. "La manière dont la marque s'engage, c'est une valeur que tu t'appropries" en tant que consommateur, décrypte Julien Durant.

La communauté, entendue ici comme un ensemble de personnes partageant des valeurs similaires, est à la mode, dopée par les réseaux sociaux. C'est même, selon un rapport récent du cabinet McKinsey, "la grande idée du marketing des années 2020".

"Nous sommes entrés dans une nouvelle ère", dépeint ce rapport, pour lequel les nouvelles technologies "permettent aux spécialistes marketing d'entrer en contact avec les consommateurs de leurs communautés".

Les marques de vêtements de sport sont à l'avant-garde. Le célèbre fabricant américain Patagonia propose sur son site plus que de simples produits, mais de l'activisme. La marque de baskets américaine Saucony organise quant à elle des courses de "plogging" (de la course à pied avec ramassage de déchets).

"Alors qu'avant, on utilisait les communautés pour vendre des produits, maintenant, on utilise les communautés pour développer les valeurs de la marque, faire participer le consommateur final au travail sur les missions de cette marque", analyse Gachoucha Kretz, professeure de marketing à HEC.

A la clef, une certaine loyauté de la clientèle. "Les communautés sont attachées aux valeurs d'une ou deux marques et elles sont très fidèles (...) On ne fidélise plus les clients avec des coupons de réduction désormais", estime Julien Durant. 

Lego, abeille et... barbecue

L'univers des sports n'est pas le seul à jouer sur cette notion. Les briques du danois Lego sont aussi de la partie. "Pour moi, ce qui fait la construction d'une communauté, c'est l'attrait de la marque et de ses valeurs. Plus on nourrit les valeurs de la marque, plus on va garder avec nous cette communauté", explique à l'AFP Sylvain Bouchès, directeur marketing France, depuis un showroom parisien empli de constructions multicolores.

Lego vient d'ailleurs de commercialiser des briques en braille, destinées aux enfants malvoyants, qu'il avait dans un premier temps développées pour des instituts spécialisés.

A l'heure du RSE (responsabilité sociétale des entreprises), les cosmétiques - souvent accusés d'être nocifs, entre emballages en plastique et ingrédients naturels récoltés de façon peu écologique - mettent eux aussi en avant des concepts comme le respect de l'environnement pour se démarquer.

Et si les valeurs peuvent différer grandement, le principe reste le même. Le fabricant américain de barbecues Traeger a ainsi des milliers d'abonnés sur son compte Instagram, avec moult photos de viande cuite à point et vidéos de pêche. Cette fois-ci, les notions prônées par la "traegerhood" (la communauté des utilisateurs) sont plutôt autour de la convivialité et du goût de la barbaque.

Désormais, savoir ce que l'on achète donne des indications non plus seulement sur son statut social, mais sur ce en quoi l'on croit... Ou en tout cas une version des valeurs qui permette de continuer de vendre des produits.

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