Didier Forquignon
Entre les européennes et le lancement de sa nouvelle société Eco Domo, rencontre avec Didier Forquignon, chef d’entreprise engagé. Encarté depuis peu dans un jeune parti politique, il milite pour que les petites entreprises soient reconnues à leur juste valeur.
Un patron qui se donne
Sous son sourcil dubitatif Didier Forquignon est un homme de convictions, forgées par son histoire personnelle et l’un de ses centres d’intérêt : «j’ai toujours aimé l’Histoire. Je trouve à notre époque d’effrayantes ressemblances avec d’autres périodes plus troublées. Depuis des années, les différents partis au pouvoir appliquent de mauvaises méthodes qui provoquent le désintérêt général. Cela ouvre la porte aux extrêmes. Je suis chef d’entreprise mais aussi d’une famille recomposée de 4 enfants, de 17 à 22 ans. Ils se sentent impuissants. Ils se disent «on ne peut rien faire, alors laissons tomber»». En janvier dernier, en plein lancement à Vittel de sa nouvelle société de régulation intelligente du chauffage, Eco-Domo.net, il s’encarte pour la première fois de sa vie dans un jeune parti politique qui n’a que quelques mois, qu’il définit comme «de centre droit mais humaniste, avec des positions écologistes ». «Ca faisait longtemps que je m’intéressais à la politique sans agir. Soit on fait partie d’une majorité silencieuse, soit d’une minorité active.»
Esprit d’entreprendre
Didier Forquignon a voyagé bien au-delà des frontières de sa Meuse natale. D’abord à San Francisco où il travaille pour une entreprise «victime d’un démantèlement sauvage», puis Monaco et l’Irlande, avec un passage entretemps dans les pays de l’ex Union Soviétique. «Le communisme a fait des dégâts. Le pire que j’ai vu, c’était en Russie après 1989. La population avait perdu toute notion d’entreprise individuelle.» Lui l’a. Il rachète une petite société de treillage d’art dans les Bouches du Rhône. Mais fin 2013, la mort dans l’âme, il doit la liquider. «Nous étions 3 dans le monde à posséder ce savoir-faire. 80% de notre chiffre d’affaires se faisait à l’export. Nous travaillions pour les monuments historiques, Moscou, Bruxelles… Nos carnets de commandes affichaient 800 000€ !» Cause de la faillite ? «Le manque de trésorerie. J’ai remué ciel et terre pour pouvoir continuer. Ca aurait pu être résolu très simplement si avec sa BPI et autre OSEO l’Etat avait accepté de nous aider.» C’est peut-être cette amère aventure qui achève de forger ses convictions politiques. «Les TPE et les artisans sont le premier employeur de France, mais on les néglige complètement. Cela coûterait sans doute moins cher de les aider que de les laisser fermer. Notre système antédiluvien est basé sur le soutien aux grosses industries. Or ces grands groupes disparaissent ! On nous bassine avec Arcelor, mais on oublie les petites entreprises qui gravitent autour et avaient sans doute plus de possibilités de rebondir.»
De l’utilité du CICE
Les grandes entreprises profitent à ses yeux de largesses imméritées. «Je trouve par exemple le CICE absurde. C’est une usine à gaz, personne ne sait vraiment comment le calculer. Les petites boîtes qui en ont besoin ne vont pas avoir le temps de faire la demande, seules les grandes qui n’en ont pas forcément besoin vont le faire. Si on voulait vraiment aider les petites entreprises, on pourrait baisser directement leurs cotisations Urssaf, ou pratiquer un abattement sur les cotisations sociales au prorata du CA export… Il y a des pistes, mais elles sont compliquées à expliquer. Aujourd’hui il est difficile de faire passer de vraies idées économiques. On dirait que tout doit être réglé en un slogan !»
Ford: 1, Gattaz : 0
La baisse des salaires demandée par Pierre Gattaz ? Il est contre. «Cette idée est séduisante pour les patrons, mais dangereuse. Si vous descendez le SMIC, c’est tout le socle des rémunérations qui descend.» Et de citer Henry Ford : «il voulait que ses ouvriers soient bien payés, car c’étaient ses premiers clients. C’était un capitaliste pur et dur, mais ça ne l’empêchait pas d’avoir du bon sens.»
Entre ces avis très tranchés, une initiative étrangère recueille pourtant ses faveurs : «au Canada on fait tout pour éviter qu’une entreprise ferme. En cas de difficulté, les salaires sont réduits de 20%, les cotisations sociales sont reportées, ce qui redonne de la trésorerie. Et l’Etat préfère compenser des baisses de salaire temporaires qu’assumer les conséquences d’une fermeture définitive.» Ce cheminement de pensée, il le retrouve dans les théories de Joseph Stiglitz ou les exhortations de Pierre Larrouturou. «Conjuguer idées humanistes et réalisme économique, c’est possible», promet-il. Un vrai slogan de campagne.