Deux jeunes entrepreneurs vous font entrer dans le décor
Ils ont 24 ans et l’envie d’entreprendre. Sachant qu’un week-end ne compte que deux jours, ils donnent du temps au temps du bricoleur.
Avant d’entreprendre un chantier, le bricoleur amateur ne peut se contenter de l’envie de faire et même du savoir-faire quand il a déjà de l’expérience. Il lui faut d’abord investir dans des outils et du matériel, donc passer du temps dans les magasins de bricolage et mesurer ses dépenses. Souvent, il achètera du matériel pas toujours adéquat, dont il ne saura que faire le chantier achevé. Il économisera sur la qualité et le regrettera amèrement, car on passe infiniment plus de temps à poser une peinture au rabais pour un piètre résultat que de prendre pour le même travail la gamme “pro”.
Après un chantier, il faut ranger les outils et les nettoyer. Qui n’a jamais pesté en nettoyant pinceaux, brosses et rouleaux pour, de toute façon, les retrouver durcis et inopérants la fois suivante ? Les outils, en plus, encombrent armoires, placards et caves. Dans les petits appartements, ils se révèlent bien envahissants pour ne servir que rarement. Une fois le chantier achevé, il faut aussi évacuer les déblais, de la chute de bois aux pots de peinture, et donc trouver le temps d’aller à la déchetterie qui, souvent, n’est pas au coin de la rue. Car il est malséant de déposer ses déchets au coin de la rue.
L’idée a germé. Sachant tout cela, Romain Catix et Pierre Hondemarck ont créé Déconov, l’assistant du décorateur amateur. Leur concept est simple. Ils prennent en charge toute la logistique du chantier et les investissements onéreux. Ils évacuent les déblais, récupèrent les outils et les lavent. Une fois le projet établi, le bricoleur reçoit tout à pied d’œuvre et peut se mettre à l’ouvrage dès potron-minet sans aucun tourment.
En amont, Déconov a acheté les outils dans la gamme pro chez Tresnois-Decamps, la peinture − toujours en gamme pro − chez Zolpan, le papier peint chez Koziel. En amont et en aval, Déconov est là. “On est là pour lever toutes les difficultés“, dit Romain Catix. Ils vont donc conseiller, notamment par le site Déconov qui permet par le chat en ligne ou le mail d’accompagner à distance. Le projet va être établi et Déconov va se procurer tous les produits de déco nécessaires : peinture, revêtement de sol, papier peint. Sur les étagères de leur entrepôt, dort une panoplie de ponceuses, visseuses, perforateurs, scies sauteuses, petits établis, tables à tapisser. Bref, tout ce qui coûte en investissement pour se retrouver dans les braderies.
À domicile. Le vendredi soir, entre 19 et 21 h, ils livrent, ce qui est très appréciable quand on habite dans le Vieux-Lille par exemple. Le client peut même choisir son créneau et recevoir les derniers conseils. Déconov vient de sortir des fiches-conseils avec pour slogan “Bricolez, le reste on s’en charge“. Bien sûr, cela n’est pas bénévole. Un forfait service de 49 € est demandé en préalable. Les outils sont en location et les deux entrepreneurs prennent une marge sur les fournitures qui, même comme cela, restent moins chères qu’en magasin pour une qualité tout autre. Le client non seulement va gagner du temps, qui, selon la sagesse populaire, est déjà de l’argent, mais il sera aussi bénéficiaire sur les produits, évitant en plus l’immobilisation financière d’outils qui ne servent souvent qu’une fois. “Nous sommes dans une économie de la fonctionnalité en répondant à un besoin complet.“
Développement durable. Dans leur credo, les deux créateurs avaient en ligne de mire le développement durable. Le site internet gère les créneaux de livraisons qui peuvent se faire dans toutes les fourchettes de disponibilité, comme le midi directement dans le coffre du client sur son lieu de travail. Les livraisons évitent aux clients quantité de déplacements pour chercher les matériaux ou les outils. La reprise des déchets procède du même esprit en évitant que des débris de chantier ne se retrouvent, comme c’est hélas encore souvent le cas, directement dans la poubelle quand ce n’est pas sur le trottoir. Souvent aussi les pinceaux sont lavés dans les lavabos entraînant des polluants néfastes dans les stations quand les fonds de pot ne sont pas vidés dans le fil d’eau avec le white-spirit.
“C’est un concept urbain, conclut Romain Catix. On dessert 30 km autour de Lille jusqu’à Armentières ou Carvin. Plus c’est difficile à livrer pour nous, plus c’est dur pour le client. Derrière la Treille à Lille, nous avons tenu notre promesse puissance 10.”
Un méticuleux processus. Cette création d’entreprise n’est pas bricolée le moins du monde. Les deux partenaires se connaissent depuis leurs études à Lille. Pierre Hondermarck a bifurqué vers une école de commerce. Ils sont tous deux bac plus cinq avec une formation management et création d’entreprise. Ils avaient surtout, depuis toujours, l’envie de créer ensemble une entreprise. Les études achevées, ils cherchaient la bonne idée et, comme tout le monde, avaient des travaux à faire et découvert les difficultés à trouver les bons outils.
Déconov est née de ce constat. La SARL a été créée en juillet 2014 et a fait un séjour à l’incubateur de l’IES à la Catho et dans le pré-incubateur hub-house de l’Institut de l’entreprenariat. Cela a duré un peu plus d’un an pour la description du projet et pour trouver les fournisseurs. Cela a aussi permis le choix du local dans la zone de la Sablière à Mons-en-Barœul, en fait une excroissance de la zone de la Pilaterie. Romain Catix juge cet emplacement stratégique : “Tous nos fournisseurs sont nos voisins, jusqu’au concepteur du site internet, et de là nous desservons la Métropole par tous les axes.“
Il a fallu néanmoins réunir environ 100 000 €, par un prêt bancaire bien sûr, mais aussi par des économies personnelles et les associés, choisis dans un cercle de proches. Un prêt d’honneur souscrit pendant la période d’incubation auprès de Lille Métropole-Sud, France initiative, a permis d’apporter les premiers 10 000 €. “Nous sommes dans une startup, précise Romain Catix. Ce ne sont pas les idées qui manquent mais les moyens.” En effet, plus il y a de clients, plus il faut de matériel : investir dans de nouveaux outils, dans des échantillons et surtout dans une alarme car le stock devient important.
Crowdfunding. Pour cela il faut environ 8 000 € que les deux associés escomptent réunir par une campagne de crowdfunding lancée sur le site Hellomerci.fr. “Je dépose mon projet et j’explique, indique précisément Romain Catrix. C’est un système de bienveillance et d’entraide. Nous, on emprunte à 0% et nous remboursons le site qui, lui, va rembourser les prêteurs. Je suis surpris de l’engouement. Il y a bien sûr des proches, mais aussi des gens que nous ne connaissons pas. Nous attendions de l’argent et un coup de pouce, et derrière on a plus que ça. Nous avons eu quarante prêteurs en moins d’un mois.” Le remboursement s’effectuera en 24 mois. Le site gère les remboursements et sécurise les dons qui s’échelonnent de 20 à 2 000 €.
Une ferme ambition. Si les deux jeunes entrepreneurs, avec une dizaine de ventes pour leur premier mois, considèrent avoir réussi leur pari, ils n’entendent pas en rester là. “L’ambition de 2016 est de valider la rentabilité, puis, bien sûr, de développer et d’embaucher. Ils pensent déjà à des antennes dans d’autres grandes villes. “Développer et dupliquer, mais la tête restera à Lille.” Si le premier client a été conquis à la fin 2014, le démarrage réel a eu lieu en juillet 2015 avec la sortie du site. “Un véritable site marchand qui vend, conseille et réserve, pas un site-vitrine.” On y trouve les photos des fournisseurs et les référencements. “Il faut communiquer sur les réseaux et être innovant car personne m’imagine notre existence.“
Alors Déconov a déjà son premier salarié, Alexandre Katarski, 22 ans, embauché en alternance et recruté par la fac, dans “Les Masters du rizomme”, nouveau master de la fac catho dans sa section MGES. Ce master en digital commerce prépare à la polyvalence dans la maîtrise des métiers du web : communication, marketing. Durant son stage, long de quatre mois, Alexandre Katarski va donc peaufiner le site internet de Déconov. Ensuite, il poursuivra en CDD, passant trois jours à Mons-en-Barœul et le reste en faculté.
Si créer Déconov est une aventure, ce n’est assurément pas du bricolage : tout y est pensé de l’amont à l’aval. Premier investissement sans lequel Déconov n’existerait pas, la camionnette… marquée évidemment ! Communication, quand tu nous tiens…